#RaysDay, on prend les mêmes et on recommence !

Bon, d’accord, j’avoue tout : ce titre un peu racoleur n’est pas forcément à 100% juste, puisqu’on ne va pas prendre les mêmes participants ni les mêmes histoires… mais l’idée reste !

Le Ray’s Day, journée où l’on célèbre la lecture, les auteurs, les livres, c’est dans deux semaines tout pile maintenant.
Or donc, comme l’an passé, je vais me retrouver à faire mon Ray’s Day depuis la Suède. Ce n’est donc encore pas cette année que je mettrai à exécution mon plan diabolique d’envoyer un exemplaire de Fahrenheit 451 à tous ceux qui en demandent un (ce n’est pas l’envie qui manque, mais disons que pour rattraper, c’est quelque chose que je fais un peu toute l’année).

Etant donné que je suis à seulement 4 jours (QUATRE. Vous sentez le stress qui monte ?) du départ, je ne vais pas non plus avoir un temps fou pour vous pondre une nouvelle inédite. Surtout que je suis un peu en panne d’écriture, en ce moment. Je vais donc à nouveau profiter de ce temps en voyage pour essayer de relancer la machine.
Et vous écrire des micro-nouvelles sur des cartes postales, parce que l’an passé, j’ai adoré ça.

Par pure feignasserie, je vais donc me contenter de reprendre mon article de l’an passé pour vous expliquer comment ça se passer :

Voilà donc ma proposition : tous ceux (on m’a posé la question donc je confirme : oui, tous sans limite de nombre) qui m’envoient leur adresse postale avant le 18 août soit par DM sur Twitter, soit par MP sur Facebook, soit par e-mail à lia[point]mornelda[at]gmail[point]com en mettant en objet #RaysDay recevront une carte postale sur laquelle j’aurai écrit une micro-nouvelle.
(Si vous me contactez par e-mail, précisez votre pseudo sur Facebook ou Twitter !)

Vous pouvez aussi vouloir une carte postale même sans micro-nouvelles, pas de souci, il suffit de le préciser :)

L’an passé, l’expérience était formidable. Avec un petit accrochage toutefois… le budget cartes postales, qui a surpassé le prix des billets d’avion. Cette année, c’est un peu plus compliqué. Alors pour m’assurer de ne pas me retrouver à manger du pain suédois sec, j’invite ceux qui le souhaitent/le peuvent à éventuellement participer à hauteur de 2€ (le prix moyen d’une carte+timbre) à la cagnotte Leetchi créée exprès pour l’occasion. J’explique tout bien sur la page, alors n’hésitez pas à cliquer pour en savoir plus :)

Participer à la cagnotte en ligne

Si vous êtes curieux de voir le résultat des cartes de l’an passé, vous pouvez faire un tour par ici. Et pour en savoir plus sur le Ray’s Day et les autres participants, c’est par là !

A bientôt sur les routes scandinaves :)

 

Découverte : Midnight Street et sa fille tatouée

Depuis que je suis arrivée à Paris, j’ai du mal à m’extirper de « chez moi » et ne me tiens absolument plus au courant des rendez-vous musicaux. Parfois on m’invite, je surmonte la phobie sociale et j’arrive, ou je laisse juste tomber.
Pas facile de me faire sortir dans cette ville hostile…

Pourtant, il y a environ deux mois, un mail de Rain me fait sortir de ma tanière. « Hé, y a des gens que je connais, ça te dit d’aller jeter une oreille ? »

Le nom du groupe : Midnight Street. Inconnus au bataillon. Normal, a priori cela fait un moment qu’ils n’ont pas fait parler d’eux, et ils reviennent avec un nouveau concept. C’est le pitch qui accompagne le mail qui titille ma curiosité.

Midnight Street est un groupe de musique navigant entre le blues, l’electronique, l’ambient… et dont les compositions servent une narration sombre et intrigante. Le groupe est composé d’une chanteuse, d’un guitariste et d’un MAO, et est accompagné d’une styliste/décoratrice pour marier au mieux l’histoire, le visuel et la musique.
A mi-chemin entre la comédie musicale et le concert, nous vous proposons de suivre avec nous une nouvelle histoire originale, pendant deux heures de spectacle.
Et de quoi ça parle ?

Un monde futur. Un monde actuel. Un monde où la population ne ressent plus que par l’intermédiaire des senseurs, device informatique reproduisant les émotions au delà de la perfection. Un monde où le serveur des senseurs a été mis KO, détruisant la capacité de chacun à ressentir à nouveau…

C’est dans ce monde vide que la fille tatouée, une junkie parmi tant d’autres cherchant des bribes d’émotions, se réveille dans une baignoire remplie de glaçons. A son côté, une seringue contenant des bribes de Human bug, le dernier shoot en vogue. A son dos, une cicatrice…

Un seul but pour elle désormais: trouver ceux qui l’ont meurtrie.
Une seule émotion désormais: la haine.

Il est bon d’avoir un peu de contexte pour comprendre en quoi ce pari apparemment ambitieux ne pouvait qu’attirer mon attention : depuis quelques mois, je fais une grosse rechute cyberpunk, que ce soit dans mes lectures ou les jeux auxquels je joue.
Micro-palmarès :

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(Liste non exhaustive ; mentions spéciales à La Voix brisée de Madharva et ‘VA-11 Hall-A’, cliquez sur les images !)

Bon, vous l’aurez compris : ces derniers temps, je nage dans le cyberpunk. Pour une rapide remise en mémoire de ce qu’est le cyberpunk, je laisse la parole à Bruce Sterling (dans Mozart en verres miroirs) :

« La production cyberpunk se signale par son intensité visionnaire. Ses porte-parole prisent le bizarre, le surréel, le jadis inimaginable. […] Certains thèmes centraux ressurgissent fréquemment dans la SF cyberpunk. Celui de l’invasion corporelle : membres artificiels, circuits implantés, chirurgie esthétique, altération génétique. Ou même, plus puissant encore, le thème de l’invasion cérébrale : interfacess cerveau-ordinateur, intelligence artificielle, neurochimie — techniques redéfinissant radicalement la nature de l’humanité, la nature du moi. […] Pour les cyberpunks, la technologie est viscérale. Elle n’a rien à voir avec la magie en flacons de quelques lointains Grands Chercheurs ; elle est envahissante, nous touche au plus intime. Non point en dehors de nous, mais à côté de nous. Sous notre peau ; et souvent à l’intérieur de notre esprit.

Avec une définition pareille, la description de Midnight Street, avec leurs senseurs, leur Human bug, leur quête de sensations « vraies », les faisait sauter à pieds joints dans le vaste océan du cyberpunk.
Ajoutez à ça l’aspect « comédie musicale », moi qui ne jure que par Starmania en ce moment, et vous obtenez un cocktail qui ne pouvait que m’attirer.

C’est ainsi donc que je me suis retrouvée fin avril à braver ma phobie sociale pour aller m’enfermer quelques heures dans le sous-sol d’un bar dans le 20e arrondissement. Une soirée, un concert, une baffe. Déjà parce que c’était le premier concert auquel j’assistais depuis des lustres, ensuite parce que ce n’était pas le genre de concert auquel je m’attendais – c’était beaucoup plus. Tant et si bien que non seulement j’ai commencé à préparer cet article le soir-même, mais en plus, je suis retournée les voir il y a quelques jours. Pour confirmer une première impression, voir l’évolution, faire connaître à d’autres… Et aussi un peu pour le plaisir de replonger dans leur univers.

Maintenant que j’ai bien digressé pour poser les bases, entrons dans le vif du sujet. Midnight Street, c’est quoi pour de vrai, enfin ?

Il s’agit donc d’un groupe de trois personnes sur scène (Maxime à la guitare, François à la MAO, et Diane au chant), qui nous font voyager dans un univers torturé où les gens ont oublié comment on ressentait. L’histoire se déroule comme une enquête en quatre actes. On suit tantôt le point de vue de deux reporters (Maxime et François), tantôt celui de l’étrange jeune femme tatouée (Diane), qu’ils poursuivent pour un reportage qu’ils mènent sur leur société actuelle, les nouveaux senseurs, et les personnes encore capable de vraies sensations. Cette enquête les conduit dans des endroits lugubres, glauques, parfois délabrés : un vieux motel, une autoroute, un squat, puis un club étrange, jusque dans les quartiers de ceux qu’ils appellent la « mafia des sensations ».
S’il n’est pas forcément simple de tout comprendre au début, on se fait assez vite happer par l’atmosphère pesante et les thèmes demeurent assez simples à suivre. On se surprend à attendre la suite, d’une chanson à l’autre. Les entractes mettent parfois les nerfs à l’épreuve (« Mais alors, elle va le faire ou pas ? »), les personnages sont attachants même si leurs apparitions sont parfois fugaces. L’intérêt est piqué.

Musicalement, Midnight Street reproduit l’hybridisme des auteurs cyberpunk, « fascinés par les zones intermédiaires » (B. Sterling) : on ne leur mettra pas une étiquette facilement. Dans l’e-mail, on parlait de « mélange de blues, électronique, ambient »… Sur l’affiche à l’entrée, on mentionne du « trip-hop rock ». Dans la salle entre deux chansons, il y a des rumeurs de « garage expérimental ».
Personne n’est d’accord. Pas simple, en même temps.

(NB : ce n’est sans doute pas la chanson la plus représentative, mais à ce stade de l’article, vous étiez en droit d’avoir un morceau à vous mettre sous la dent.)

Le côté expérimental est effectivement très présent, le côté un peu « brut » du garage aussi. J’ai bel et bien retrouvé le blues, l’electro, l’ambient, mêlé même à un chouia de progressif et quelques riffs qui tiraient franchement sur du nu-metal voire metal tout court.
Il y a le MAO qui pose les bases, encadre, avec ses basses parfois un peu lourdes, ses bruitages qui collent au contexte de l’histoire, ses enregistrement qui nous en disent plus petit à petit, son piano parfois un brin mélancolique, et même, de temps en temps… serait-ce du banjo ? [Insérez Lia beaucoup trop heureuse #OsezLeBanjo]
Il y a le guitariste, qui soutient le tout, tantôt dans des arpèges clair, tantôt des riffs franchement saturé, voire même tellement saturé qu’il en devient une nappe lourde qui crée un vrai malaise à l’écoute, parfaisant l’ambiance, tout en se donnant physiquement sur scène.
Il y a la chanteuse et son astucieux duo avec elle même : elle emploie ingénieusement ses deux micro, un avec un bel effet cathédral et un bien plus clair, utilisant tantôt l’un tantôt l’autre, parfois les deux en même temps à différents degrés pour moduler sa voix, chaude et maîtrisée. Le chant alterne entre murmures, paroles parlées-presque-rapées, vocalises pas loin du lyrique, plaintes, cris… Tout un palmarès qui fait passer d’une émotion à une autre et transmet des paroles (heureusement un peu répétitives, car, soyons honnêtes, on aurait parfois besoin de sous-titrage, moi et mes oreilles défaillantes) bien écrites, en français, avec des sonorités bien pensées.

Mais surtout, Midnight Street, c’est un univers. Il y a d’abord tout un travail esthétique : une costumière qui leur a designé des costumes du tonnerre (quoique pas toujours adaptés à la température des salles où ils jouent), des visuels soignés conçus par la chanteuse Diane, il ne manque guère qu’une paire de lunettes-miroir et un jeu de lumière pour bien ancrer l’image cyberpunk de manière indiscutable.
Mais l’esthétique est aussi musicale. Malgré (ou grâce à ?) leur absence de genre bien défini, il ne faut que quelques minutes au groupe pour nous plonger tête la première dans leur sombre paysage musical. L’atmosphère englobe tout, pas facile d’en ressortir : alors même que les concerts ont lieu dans des bars, force est de constater que « personne ne dit rien ; on n’entend que le groupe », comme me l’a fait remarqué S., un peu surpris, lors du concert de vendredi dernier. L’immersion est totale pour un public dérouté, mais surtout pendu aux lèvres des trois musiciens qui dévoilent petit à petit leur histoire. Et même en sachant comment ça se termine, on attend toujours. 

Dans la salle, toutefois, pas facile de savoir quand applaudir : chaque interlude est ponctué de phrases enregistrées qui en dévoilent toujours un peu plus sur l’histoire. Il n’y a qu’aux entractes que les vivas et les applaudissement se font largement entendre, alors que le groupe invite à aller prendre une bière pendant qu’ils se changent ou se rafraîchissent.
Avec Midnight Street, on ne doit pas s’attendre forcément à un concert participatif (encore qu’à terme, je ne serais pas surprise de voir certains spectateurs chanter en chœur) ; on a plutôt affaire à un public sage, qui ouvre grand ses yeux et ses oreilles pour recevoir. Et en prendre plein la gueule.

(Si l’image est bien un concert filmé, le son, lui provient des enregistrements de répétition et ne rend à mon goût pas totalement pas totalement justice à la voix de Diane. Avec un peu de chance, il y aura d’autres enregistrements bientôt…)

Et en prendre plein la gueule en concert, c’est résolument quelque chose que j’aime. Que ce soit en étant en communion avec un public et un groupe, en sortant d’un mosh pit avec des bleus partout, ou simplement en plongeant dans un univers de sons et paroles qui éveillent en moi des couleurs et des images. Pas besoin de drogues avec Midnight Street : quand on est synesthète, c’est un vrai trip…

En fin de compte, si je devais à mon tour m’essayer à poser une étiquette à Midnight Street, j’en parlerais comme d’un cabaret cyberpunk. Encore un qualificatif pas tout à fait satisfaisant, qui ne veut pas dire grand chose musicalement, mais de loin le plus approprié à mes yeux.

Avec leur concert du premier juillet, Midnight Street terminaient leur saison 2015-2016. Mais ils ont promis de revenir en septembre…

En attendant, vous pouvez les trouver sur Facebook, Soundcloud et Youtube.

Si les enregistrements sont bons, en revanche, sur scène, c’est encore largement mieux : alors amis parisiens (ou d’ailleurs, on vous trouvera un hébergement), si vous aimez le cyberpunk, les ovnis musicaux, les films sans images, les groupes qui se donnent : ne ratez pas les dates à venir.
De mon côté, promis, je ne manquerai pas de vous le rappeler.

« Quand je serai grande, je serai… »

Quand j’étais toute gamine, je passais mon temps à marcher sur les lignes du carrelage ou sur les bords du trottoir en mettant un pied devant l’autre, bien droit comme sur une corde tendue. Qui n’a jamais fait ça ?

Alors, naturellement, du haut de mes quatre ans, j’avais décidé que quand je serais grande, je serais funambule.
A posteriori, le fait que je connaissais le mot funambule à quatre ans m’intrigue un peu, mais bon, pour moi à l’époque, rien de plus normal.

Bon, ensuite, plusieurs choses ont fait évoluer mon projet de vie. Je suis allée en grande section et j’ai TROP AIMÉ ! On a appris à ÉCRIRE des lettres en pâte à modeler et après un peu à lire des SYLLABES… Mais ça m’a tellement plu que j’y suis peut-être allée un peu fort dans l’apprentissage. En même temps, il y avait plein de livres à la maison, et puis à un moment, ça commençait à bien faire de devoir attendre papa ou maman pour connaître la fin des histoires, alors je ne les ai plus attendus et j’ai trouvé une lampe de poche pour lire sous la couette. (Et j’ai commencé à apprendre à faire semblant de dormir quand l’autorité parentale venait vérifier. Bon, il a fallu attendre le CM2 pour que cette compétence soit totalement développée.)

J’ai donc peut-être mis un peu trop de cœur à l’ouvrage. Je ne me souviens plus vraiment de tout, mais je me rappelle les livres super intéressants qu’on m’a donnés à lire pendant l’été.
Je ne sais plus à quel point j’ai compris ce qui se passait.

A la rentrée, j’ai intégré une classe double CP/CE1. Ça m’allait, j’étais avec mes copains de grande section. Ça a duré une semaine : l’école n’avait pas assez de sous, la classe a été fermée, les élèves séparés entre une autre classe de CP et une autre classe de CE1.

Je ne suis pas restée avec mes copains de CP.
J’ai intégré avec une semaine de retard une nouvelle classe de CE1 à six ans. Qu’est-ce qui pouvait mal se passer ? Je me serais ennuyée si j’étais allée en CP avec les autres.

C’est là que la question a commencé à se poser souvent : quel métier tu veux faire, quand tu seras grande ?

J’étais un peu embêtée. Je n’y avais jamais vraiment réfléchi, et puis il y avait plein de trucs que j’aimais faire.

J’aimais bien les animaux, alors peut-être vétérinaire, mais en fait non : je les aimais moins que les livres, alors je serais blibli… bibliothécaire. Voilà, ça c’était bien.
J’avais une énorme bibliothèque chez moi et plein de peluches, alors j’avais fait un CDI dans ma chambre, et chaque peluche avait sa fiche de lecteur à son nom, et on se réunissait de temps en temps pour parler des livres qu’ils avaient lus. Ces fiches ont perduré. J’en trouve encore de temps en temps dans mes livres de la bibliothèque rose chez mes parents.
(Fait amusant : à 25 ans, alors que je lui racontait ce jeu, ma psy m’a fait remarquer « Vous étiez très seule, non ? ». Difficile de lui donner tort vu l’exemple que je lui donnais, mais l’imagination me tenait déjà bien compagnie à l’époque.)

Et puis franchement, de toute façon, je n’avais pas forcément le temps de réfléchir à ce que j’allais faire plus tard, à l’école. J’étais trop occupée à essayer de trouver ma place dans une classe où tout le monde se connaissait déjà et où l’instituteur ne facilitait pas mon intégration. Pris d’affection pour moi, il s’était mis en tête de m’appeler « Bébé » toute l’année, parce qu’après tout je suis plus jeune alors c’était mignon, non ?
(Il ne pensait pas mal faire. Il ne m’a pas facilité la tâche, mais je ne lui en veux pas.)

A six ans donc, j’ai donc appris à mettre un masque pour m’intégrer et à faire semblant d’être très intéressée par ce que les autres aiment (mais en fait, pas forcément). Autant les cours présentaient peu voire pas de challenge, autant les autres élèves… c’était déjà un boulot à temps plein.

Dans les années qui ont suivi, j’ai réussi à maintenir le masque et à me prendre d’affection pour les gens de ma classe. Ils n’avaient pas trop l’air de comprendre alors moi j’essayais au mieux de les comprendre, et de les aider aussi.
J’ai commencé à piquer des livres d’exercices à ma maman, orthophoniste, pour organiser pendant la récréation des mini-cours de remise à niveau à mes copines en difficulté en cours : j’aimais trop faire passer des dictées.

En parallèle, d’autres de mes copines voulaient jouer à papa et maman, ou aux Spice Girls (ben oui, c’était l’époque). J’arrivais toujours à trouver comment « m’intégrer » : quand elles jouaient les pop stars, je faisais la costumière, l’agent, le présentateur éventuellement. Quand elles jouaient les parents, je me trouvais un coin et je faisais l’animal de compagnie (le hamster ou la souris, le plus souvent. J’ai toujours été rongeur) : pas besoin de parler, et surtout, pendant toute la récréation, je pouvais trouver des moyens d’emménager mon coin en évitant l’aspect affreusement ennuyeux de « papa-maman ».
Finalement, ce que je préférais, c’était quand mon groupe de copines se disputaient et ne « causait plus » à l’une d’elle pendant un temps donné, rarement plus d’une journée : je restais avec elle pour qu’elle ne reste pas seule et à ce moment-là, on pouvait discuter.
C’était vachement mieux que « papa-maman ».

Sept ans, huit ans, neuf ans… j’ai commencé à dire que je voulais devenir écrivain, parce qu’en fait ce que j’aimais, c’était clair maintenant, c’était écrire. En plus j’avais toujours des bonnes notes en rédaction, alors c’était sûr : ?je serais écrivain. … ou alors je travaillerais sur un ordinateur, comme papa ?

Dix ans, sixième. J’y ai découvert l’anglais (plus grâce aux fanfictions Harry Potter anglophones qu’il était hors de question que je ne sois pas en mesure de comprendre, que grâce à mes professeurs) et plein d’autres matières. Tout m’intéressait… sauf le sport.

Alors, quand je serais grande, je serais… traductrice de livres. Peut-être éditrice. Peut-être prof de français langue étrangère, le métier que je finis par présenter en troisième par dépit, faute de mieux. Peut-être sur un ordinateur, parce que j’y revenais toujours.
J’aimais bien lire, écrire, dessiner, écouter de la musique, parler anglais. Je voulais un métier avec ça.
Les postes ont varié, au collège. Avec mes notes, les profs ne « s’en faisaient pas pour moi, je pourrais faire tout ce que je voulais ».
Je ne savais pas trop ce que je voulais. Continuer à faire mes trucs dans mon coin, j’imagine. Qu’on me fiche la paix.

En parallèle, j’avais trouvé des marginales avec qui rester. Des gens qui soit se moquaient de mon âge, soit étaient dans le même cas que moi. ?On n’était jamais dans la même classe, mais j’arrivais un peu à me constituer un cercle qui justifiait ma venue au collège tous les jours. Ça faisait poudre aux yeux : à partir de ma quatrième, dans ma tête, ça a commencé à aller de moins en moins bien.
Depuis le CE1, je ne vivais pas forcément bien mon statut de vilain petit canard. Plus le temps passait et plus, même avec des marginales à mes côtés, j’avais l’impression que le gouffre grandissait.

Et puis le lycée. Contrairement au collège, au lycée, rien ne m’intéressait. A posteriori, j’ai l’impression de n’avoir pratiquement rien appris au lycée. Des redites de ce que je savais déjà, ou des notions que je ne pouvais pas saisir à cette époque.

Ce que je ferais plus tard ? Je ne savais plus du tout. Alors, dans le doute, je mettais « veuve d’un homme riche » sur ma fiche de rentrée, pendant que mes amies mettaient « rock star »? ou « aller acheter du pain ».
On ne demande pas à un adolescent comment il se voit dans vingt ans.

Le mal-être a explosé à cette période. Mon groupe d’amies soudé (dans lequel, pour une fois, pour la première fois, je me sentais vraiment « moi-même », à ma place) a violemment éclaté sans que je n’y comprenne rien : je l’avais senti venir, mais ça n’avait rendu les choses que pires. Je ne m’y étais pas préparée pour autant. Ma dépendance affective était déjà bien ancrée à l’époque.
Alors je n’ai plus eu d’intérêt en rien : les cours étaient mortels, socialement c’était le vide complet, j’avais du mal à comprendre pourquoi j’y allais encore.
« Parce qu’après ce sera fini. »

Mais après, quoi ? La question était là, persistante.

« Quand je serai grande, je serai bibliothécaire. »
« Quand je serai grande, je serai traductrice. »
« Quand je serai grande, je serai écrivain. »

Bon. J’aimais les lettres et les langues encore plus que les maths et la physique : il était logique que j’aille en L (spé maths). Et pour la suite, il semblait logique que je continue dans la branche.

Double licence anglais chinois. Je me rappelle la fierté de ma prof de chinois de lycée quand je lui ai annoncé mon choix d’études. Et ma fierté de l’avoir rendue fière. Je me demande ce qu’elle penserait maintenant. Je me demande ce qu’ils penseraient tous, ces profs qui avaient passe leur temps à me dire qu’ils ne « s’en faisaient pas pour moi ».
Peut-être qu’à l’époque, on m’avait parlé des écoles plus ou moins hautes, plus ou moins privées, et que j’avais raté l’info. Toujours est-il qu’à l’époque, allez savoir pourquoi, j’étais persuadée qu’après le lycée, on allait forcément à la fac.
Je suis allée à la fac.

La différence avec les autres s’est estompée à ce moment-là et j’ai rencontré des gens avec qui, enfin, je me suis sentie sur un pied d’égalité malgré les claires différences de nos centres d’intérêt. Le soulagement, même si aucun groupe ne s’est réellement formé à ce moment là. Ma première année en particulier a été marquée par un énorme vide social, au moins jusqu’en avril, même si j’avais quelques connaissances sympathiques à retrouver en cours au moins, et des amis imaginaires à foison.

Bon, pour les études, en revanche, on repasserait : beaucoup de matières qui ne m’intéressaient pas, les matières qui m’intéressaient ne présentaient pas un challenge monstrueux… Soyons honnêtes : je n’ai pas fait beaucoup d’efforts pour avoir mes deux licences. J’ai beaucoup pratiqué l’auto-sabordage : au moins, si je me plantais, je pourrais dire que c’est parce que je m’en fichais.

Socialement et dans ma tête, la situation a encore empiré. Les connaissances sympathiques et les amis imaginaires ne suffisaient plus.
Cauchemar sur cauchemar, premières tentatives d’en finir, premiers tours chez des psy, premiers diagnostics.

« Quand je serai grande, je serai… »
A ce moment je ne sais plus trop. Il paraît que traduire des livres n’est plus un métier, qu’ils n’embauchent que des profs maintenant, que prof c’est bien pour avoir du temps pour faire plein de choses à côté. Va pour prof, alors.
Grave erreur.

Un Master de recherche à la fois passionnant et désespérant de masturbation intellectuelle plus tard (force est de constater que la masturbation intellectuelle demeure une des mes activités préférées, notez : je ne sais qu’en penser), je deviens prof par la force des choses.

Et je déteste le métier. Petit à petit, il me grignote la vie, il me dévore de l’intérieur, il fait disparaître toute autre activité. Moi qui pensais qu’en étant prof je pourrais m’adonner à mes projets personnels, en vérité c’est tout le contraire. Tout sauf épanouissant, le boulot me ronge, m’use. Je me mets beaucoup trop dedans, je veux que ça marche à tout prix. Je me brûle.
Après trois ans, quatre ans, une évidence : il faut que je fasse autre chose.

Qu’est-ce que j’aime ?
Écrire, toujours. Ce n’est toujours pas un métier.
Aider mes élèves. Je pourrais devenir conseillère d’orientation psychologue, tiens. Ou le coaching ? Va pour la psychologie.

« Quand je serai grande, je serai… conseillère d’orientation, coach peut-être ? »

Pendant ces deux années, à défaut de parvenir à me créer un cercle dans lequel je me sente totalement moi-même (deux années de solitude que la proximité de Narcisse n’a pas arrangée…), je me découvre une passion pour la psychologie sociale et particulièrement la psychologie du travail.

Alors forcément, je m’éloigne de l’objectif initial. On me me changera pas.

La psychologie ergonomique, c’est pas mal. On peut faire plein de choses pour améliorer les conditions de travail des gens. Non ?
Ah, en fait, non. Car ceux qui sont prêts à payer les services d’un psychologue ergonome le font le plus souvent pour la poudre aux yeux et ne sont pas du tout prêts à payer les améliorations des conditions des salariés.
Bizarrement, d’un point de vue éthique, j’ai pas très envie d’entrer dans ce jeu-là.
Tant pis. Je ferai autre chose. Mais là, j’arrête les études, ça suffit.

Et me voilà où je suis, maintenant. Je ne saute plus de filière en filière ; je saute de boulot en boulot, à la recherche de ce que je saurai faire, de ce qui saura me satisfaire.
Je suis moins exigeante : je prends ce qu’on me donne et tâche de faire ce que j’aime à côté. Mais j’aimerais un jour ne plus avoir à me demander pourquoi je me lève les matins, pourquoi on me paie à faire quelque chose que je ne suis pas faite pour faire. On me dit que « c’est comme ça, c’est la vie, il faut s’y faire » : je ne m’y ferai pas. Quitte à changer encore dix fois, cent fois de carrière.

La question « faut-il mieux savoir tout faire un peu ou savoir faire une seule chose à merveille ? » m’a torturée pendant plus de dix ans. J’ai cette impression de ne pas aller en profondeur, de batifoler de ci de là d’une activité à l’autre sans me spécialiser jamais. S’il y a une annotation que j’ai eu particulièrement souvent sur mes copies pendant mon cursus c’est « trop superficiel : il faut plus approfondir ».
Le malaise de savoir tenir une conversation sur à peu près tout, mais de ne rien savoir faire du tout…

Avec l’impression que j’ai d’être cernée par des gens « très très bon dans ce qu’ils font », je passe mon temps à culpabiliser. Même l’écriture, fil rouge de ma vie, me paraît très loin de moi.

« Quand je serai grande, je serai… rien du tout. »

Chaque fois que j’ai dû chercher du travail, je mourais un peu de l’intérieur : changer d’intitulé à chaque fois, passer du coq à l’âne, l’impression que je pouvais tout faire en pensant au poste mais que je ne savais rien faire en lisant les critères exigés.
J’en ai pleuré des litres, alors que je postulais encore et encore.

Et puis un certain Mathieu est un jour arrivé avec une vidéo en me disant « Toi. Il faut que tu voies ça ».

Le soulagement d’entendre ces mots de la bouche de quelqu’un d’autre. C’est donc ça, c’est donc comme ça.
Je savais qu’on était plein à sentir ça, mais entre le « savoir », le « t’en fais trop, c’est pareil pour tout le monde » qu’on me rabâche sans cesse (d’ailleurs non, après avoir discuté avec mes collègues par exemple, je m’aperçois que ce n’est clairement PAS pareil pour tout le monde, même si ça touche beaucoup de gens dans mon entourage), et voir quelqu’un qui n’a rien à voir avec moi, que je ne connais pas et qui ne me connaît pas, le mettre en mots mieux que moi je l’aurais fait, il y a un gouffre.
Je n’ai pas pleuré ; j’ai soufflé un grand coup.

Ok. Je suis donc multipotentialiste. Je ne suis PAS spécialiste, et je n’ai PAS à chercher à l’être, en fait.

« Quand je serai grande, je serai… ce que je suis, en fait. C’est là, ça ne va pas partir, et il va falloir composer avec. »

Si on résume, je suis donc idéaliste, difficile à satisfaire sur le plan du challenge intellectuel et donc facilement ennuyable, et multipotentialiste de sorte que je veux toujours faire des choses différentes.
Pas étonnant que mon CV fasse peur aux recruteurs. Pas surprenant que ma personnalité les effraie.
On ne peut pas capitaliser sur une personne aussi instable.
Et puis soyons honnêtes : il n’y a aucun fil rouge dans mes expériences. Je veux tout faire, tout essayer, tout voir, tout maîtriser même juste un peu. Comme je disais, j’ai l’impression de pouvoir aller partout, de toute façon, du moment qu’on m’explique que faire. D’être un caméléon. Alors forcément, mes expériences se sont suivies sans se ressembler…

Soit.
Quand je serai grande, je serai libraire.
Quand je serai grande, je serai aubergiste.
Quand je serai grande, je serai chef de projet.
Quand je serai grande, je serai documentaliste.
Quand je serai grande, je serai traductrice.
Quand je serai grande, je serai artisan-joaillère.
Quand je serai grande, je serai ergonome.
Quand je serai grande, je monterai ma propre boîte.
Quand je serai grande, je vendrai mes peluches.
Quand je serai grande, je serai community manager.
Quand je serai grande, je serai écrivain.

Je ne sais pas si je serai grande un jour. Peut-être que je serai grande le jour où je n’aurai pas à changer systématiquement le titre de mon CV pour postuler quelque part. Peut-être que je serai grande quand je n’aurai plus besoin de mettre des masques épuisants pour aller au travail.
Peut-être que je suis déjà grande mais que je ne m’en rends pas compte ?

J’ai l’impression qu’il me reste encore un bout de chemin à faire pour atteindre ce stade d’ « adulte » qu’on m’a survendu. Peut-être qu’on m’a aussi menti là-dessus ?

« Quand je serai grande, je serai moi et je serai heureuse. »
Peut-être que je suis déjà un peu grande ?

Apprendre une langue : considérations suédoises, vol.1

Ces derniers temps, j’ai plein de projets que j’ai envie de mener de front mais que je dois délayer un peu. Alors quand ma tête en a assez marre de chauffer d’une certaine manière, je l’occupe d’une autre en me mettant du suédois dans les oreilles.

Ça a deux aspects très positifs :
– c’est mon échappatoire actuelle, puisque ça me rappelle mon voyage imminent et mes projets de vie pour ne pas rester coincée où je suis là
– ça stimule mon cerveau d’une manière qu’il avait un peu oubliée. Cela faisait longtemps que je n’avais pas appris de langue et le challenge me motive beaucoup.

Je ne vais pas revenir trop longtemps sur « pourquoi le suédois ». Je rappellerai juste la frustration de ne rien comprendre dans #LiaEnScandinavie, où j’explique aussi « pourquoi la Suède ».

Du coup, j’ai commencé à vraiment me plonger dans cet apprentissage en mars dernier après mon accident de travail. Un moyen comme un autre de ne pas perdre l’intégralité de sa santé mentale quand on reste seule trois semaines sur son lit.

Soyons honnêtes : je n’ai pas trop su où commencer.
Globalement, j’ai été très mauvaise. Cela fait vraiment, vraiment trop longtemps que je n’ai pas appris une langue?.
J’ai donc isolé les 3 points d’apprentissage par lesquels j’allais passer :
– la grammaire
– la prononciation
– le corpus.

J’ai décidé de me lancer dans un apprentissage frénétique de la grammaire et de la prononciation, et d’acquérir le vocabulaire à travers l’expérience et la pratique.
J’ai donc ouvert Wikipedia à la page Grammaire suédoise (très bien faite au demeurant), et j’ai dégrossi la construction des phrases en écoutant Sverigesradio en parallèle.
Ne faites pas ça chez vous. C’est stupide.

Il y a une chose primordiale dans l’apprentissage d’une langue comme dans tout autre apprentissage : la frustration. À vouloir tout faire toujours trop vite, j’avais oublié cette part importante et me suis précipitée pour avaler tout ce que je pouvais. Je n’ai, évidemment, pratiquement rien retenu des ces jours d’engloutissement linguistique, hormis quelques points ici et là.
Pour autant, je ne considère pas cette étape comme du temps perdu, puisque ça m’a effectivement aidée à voir un peu mieux comment sont fichues les phrases suédoises et à mettre des points de repères. Enfin, si c’était à refaire, je ne le referais sans doute pas.

C’est à ce stade que je me suis aperçu que j’allais devoir mettre ma fierté de linguiste de côté et revenir un peu aux vraies bases de l’apprentissage. J’ai donc réfléchi à comment j’avais pu apprendre chacune de mes langues…

1. Le francais

Evidemment, l’immersion aide dans l’apprentissage d’une langue, tant et si bien qu’on ne s’aperçoit pas toujours qu’on l’apprend : le français demeure, après tout, la première langue que j’ai apprise !
D’un point de vue méthodologie, il y a eu donc l’immersion, mais aussi énormément de par cœur pour la grammaire, les poésies à retenir, l’orthographe et le vocabulaire acquis grâce à la lecture… Pas facile de rassembler tous les souvenirs des méthodes qui m’ont permis de maîtriser cette langue. Une certitude toutefois : je suis bien heureuse de ne pas avoir eu à l’apprendre en langue étrangère.

2. L’anglais

D’abord mise au contact de la langue à travers des chansons, j’ai un souvenir assez flou de cette soupe de mots qui n’avaient aucune espèce de sens à l’époque.
Puis les leçons d’anglais, les dialogues à apprendre par cœur, les mots à recopier, les verbes irréguliers. Ensuite Internet, Harry Potter et Pokémon qui ont foutu en l’air la linéarité de mon apprentissage : envie de jouer à Pokémon or avant sa sortie, de lire le 5e tome d’Harry Potter avant tous les camarades de classe, et pouvoir profiter de toutes ces pages du Web que je ne comprenais pas…
Le problème, c’est que je ne me rappelle pas comment je suis passée de « Hello, I’m a cup of tea » à lire des fanfictions Harry Potter en anglais. Je ne sais pas quel déclic il y a eu, quel travail j’ai fait inconsciemment. Je sais juste qu’à partir de la 5e, j’ai commencé à m’ennuyer sévère en anglais, et que ce n’est pas allé en s’arrangeant malgré la difficulté grandissante. J’ai souvenir des galères contre les verbes irréguliers, puis de mes fiches de « petits mots utiles » en 3e qui ont effectivement très, très utiles (et que je regrette beaucoup d’avoir perdues). Les cours d’approfondissement de la grammaire en licence étaient intéressants, mais je ne suis pas sûre qu’ils m’aient beaucoup fait avancer dans l’apprentissage.
Je suppose que c’est surtout l’immersion à travers chansons, textes, jeux, et la volonté d’apprendre une langue où je ne retrouvais aucun repère qui a beaucoup aidé.

3. Le latin

Il paraît qu’on n’apprend pas une langue morte comme on apprendrait une langue vivante –et pourtant. Les premiers textes étaient appris par cœur et récités avec l’intonation. « Elissa in magna copia vivebat... » Finalement, c’est sans doute un peu grâce à ça que j’ai aussi peu perdu mon latin. Moi qui suis toujours nulle en par cœur, j’ai toujours mes déclinaisons dans un coin de la tête, ma concordance des temps un peu pointilleuse aussi. Pas que j’aie eu beaucoup de chance de pratiquer tout ça (hormis dans mes moments de grande écoute d’electro-gothique), mais quelques tentatives de rédaction de textes en latin ont quand même pas mal aidé à ce que, même maintenant, je comprends en gros la plupart des textes latins sur lesquels je tombe. Bon, ce n’est pas pour autant que je serais capable de formuler une phrase à la volée sans réfléchir.

4. L’espagnol

Soyons honnêtes : je n’ai jamais fait le moindre effort en espagnol. J’ai beaucoup compté sur mes acquis de latin et de français, et ça suffisait amplement pour m’assurer une moyenne à l’école. De toute façon je n’ai jamais voulu parler espagnol. Moi, je voulais faire de l’allemand. Et puis mes profs étaient nulles. Et puis…
Une piste, néanmoins : ma prof de troisième, dont la langue maternelle était l’espagnol, qui ne démordait pas de nous faire parler en cours. Elle a failli me faire aimer l’espagnol et, pour la première fois, j’ai pu réellement pratiquer une langue pendant un cours. Spoiler alert : ça marche super bien. Sauf qu’évidemment je ne pratiquais rien à côté, alors c’était vite limité. Maintenant, je dois avoir le même niveau qu’à l’époque : je comprends, je baragouine, mais comme je ne fais aucun effort, ça ne va pas plus loin. Un jour j’apprendrai peut-être l’espagnol. Pas tout de suite.

5. La langue des signes

NON ! Une langue où on ne peut PAS lire pour travailler ! C’était l’apocalypse de me lancer dans cette entreprise. Et pourtant, avec des professeurs intéressés et intéressants qui axaient leurs cours essentiellement sur le thème et la pratique, au niveau méthode, j’ai pas mal appris. Un grand souci néanmoins, celui de pratiquer en dehors des cours. A défaut, j’ai beaucoup perdu, rapidement, surtout qu’il est difficile de prendre des notes de vocabulaire…
Niveau grammaire, j’ai découvert avec surprise (pourtant c’est logique) qu’il y en avait une. Mais s’il y a une chose remarquable avec la langue des signes, c’est qu’elle est très instinctive. Aussi, je me suis vite retrouvée à traduire des chansons ou des textes « juste pour rire »… et m’aperçois qu’encore maintenant, j’ai beaucoup de restes de cette époque. Comme quoi, la production et la pratique, même sans compréhension et sans immersion, ça fonctionne bien.

6. Le chinois

L’apprentissage du chinois a un peu bousculé mes méthodes d’apprentissage. Le truc, avec le chinois, c’est que si on ne pige pas le principe de la prononciation et des caractères, on est vite coincé. Alors ma prof, qui avait bien compris ça, nous a fait travailler trois semaines durant la prononciation –et seulement la prononciation. Jusqu’à ce que nous soyons capables de décomposer chaque partie de phrase, de mot, sans nous tromper de pinyin, de ton. A posteriori, je trouve ça génial. C’était violent, soyons honnêtes ; et en même temps, ça m’a tellement aidée à appréhender la langue.
A partir de là, beaucoup de par cœur pour gagner de la fluidité dans la formation des phrases, et dans ma tête, l’envie d’essayer de parler dans mon coin. Moi qui me parle beaucoup à moi-même, très vite, j’ai fini par essayer de me parler en chinois. Ça valait ce que ça valait, mais ça m’a beaucoup aidée pour discuter en voyage avec mes amis taïwanais ou survivre à dix mois en Chine. Le sens de la langue était venu naturellement à force de répéter, répéter, répéter. Finalement, les Chinois n’avaient pas tort : la copie, ça aide bien à s’approprier les choses à sa sauce.
Pour autant, faute de pratique malgré les voyages (surtout par manque de confiance en moi…), je me retrouve en difficulté quand il s’agit de comprendre. Mais je parle très bien chinois tant que le vocabulaire n’est pas trop complexe !
Quant à l’écriture, ayant totalement arrêté de la travailler il y a 6 ans de ça, bon… j’ai beaucoup oublié, même si ça revient vite, le plus souvent. En revanche, ce n’est pas demain la veille que je serai capable de lire un journal en chinois ! Le chinois oral et le chinois écrit sont deux entités très à part, je trouve…

7. Le japonais

Appelons un chat un chat : le japonais, c’était une erreur de jeunesse, même si ça m’aura quand même fait bien rigoler. Pas plus bête que plein d’autres, le japonais m’est arrivé sur la figure en même temps que les anime et la j-pop. Autant dire que niveau oreille, je suis vite devenue assez forte pour repérer les mots que je connaissais et distinguer quand même les mots que je ne connais pas encore. Mais je crois que le japonais est quand même une des langues les moins difficiles à prononcer que je connaisse : ça aide.
Prononciation mise à part, malgré trois ans de mineure en licence, force est de constater que je n’ai appris à peu près aucune grammaire en japonais. Avec mes trois autres langues vivantes, en même temps, j’avoue que je n’y ai pas beaucoup mis du mien. Le niveau de mes enseignants ne m’a pas beaucoup aidée, entre le Japonais-cliché très fort pour les blagues qui refusait catégoriquement de nous enseigner les kanji et nous apprenait à dire « Bojolé noubo », la Française hystérique qui rabachait à qui voulait l’entendre que le seul alphabet utile en japonais, c’étaient les katakana, et l’Italien passionné qui faisait des super cours d’histoire japonaise non moins passionnants (mais pas très très utiles pour apprendre une langue)… Maintenant que j’y pense, je pourrais écrire une saga juste sur l’enseignement que j’ai suivi de cette langue.
Pour autant, à part « Watashi wa kutsushita desu » et « Watashi wa daigaku de ikimasu« , je ne crois pas savoir dire grand chose en japonais. Je comprends, un peu… à l’oral à force d’en entendre, à l’écrit grâce aux sinogrammes. Et c’est tout. A nouveau, une langue dans laquelle je me suis bien peu impliquée et qui ne m’a pas apporté beaucoup de méthode (à part la confirmation que l’immersion fonctionne pour améliorer la compréhension).

8. L’allemand

Une autre erreur de jeunesse, l’allemand, mais pas dans ma décision de l’apprendre. Le problème de l’allemand, c’est que j’ai voulu l’apprendre toute seule à la fac, et que j’avais déjà oublié comment on apprenait une langue. J’ai pris une super méthode d’allemand en trente leçons à ma BU, je me suis lancée corps et âmes dedans, j’ai tout oublié en cours de route, j’ai écouté plein de chansons en allemand (merci Blutengel, E-Nomine, Rammstein), j’ai encore un peu oublié… Maintenant, grâce à l’immersion et le recoupage avec les autres langues que j’ai pu étudier, je comprends un peu l’allemand. J’ai eu plusieurs occurrences d’échanges avec des Allemands à base de : l’Allemand parle lentement en allemand, je parle lentement en anglais, nous nous comprenons.
Mais bon, je ne vais pas vous mentir : mon allemand est plus que cassé et je n’ai plus aucune base, puisque j’ai cherché à les engloutir en une semaine sans revenir dessus après. Je ne perds pas espoir de revenir dessus après le suédois.

Ainsi donc, j’ai pu essayer beaucoup de choses… qui ont, vous avez pu le voir, pour la plupart échoué, surtout sur la fin.
Force est de constater que je me dirigeais vers la même erreur en suédois qu’en allemand : on peut apprendre une langue en cherchant à étudier sa linguistique et sa grammaire, mais on ne la parle pas couramment de cette manière. En fait, je disais du latin qu’on peut apprendre une langue morte comme une langue vivante… Mais j’ai un peu trop cherché à apprendre les langues vivantes comme des langues mortes.
Egalement, l’envie était forte d’apprendre comme j’avais appris le chinois et tenter de ne me mettre à la grammaire que quand je serais capable de rédiger une dictée en suédois. Réflexe stupide : contrairement au chinois dont les règles de prononciation sont strictes et avec peu d’exceptions, la prononciation du suédois obéit à des règles bien moins « fixes » (et je ne parle même pas des différents dialectes mais plutôt ?des intonations qui changent d’un mot à l’autre selon leur origine, les diphtongues impromptues, les liaisons logiques mais auxquelles on ne pense pas..)
Ça-ne-pouvait-pas-marcher-à-quoi-pensais-je-donc.

Il me faut donc manger mon poing et accepter la frustration d’être à cet état où je ne comprends rien et suis même incapable de distinguer les mots les uns des autres –un état que je n’avais pas réellement connu depuis l’anglais, depuis mes neuf ans. Plus de quinze ans, normal que j’apprécie peu d’y retourner.

Je mets donc au placard mes réflexes de chercheuse en linguistique et tâche de mettre de l’ordre dans tout ça. Si je veux m’y mettre vraiment, je n’aurai d’autre choix que de faire comme à neuf ans, « à la scolaire ». Un peu de « tout petit à petit », plutôt que m’investir à fond dans l’une ou l’autre partie.
Ayant abandonné l’idée de me fier à ma propre méthode, j’ai fini par investir dans deux très jolies méthodes qui se complètent bien :

Le Suédois sans peine, d’Assimil.

Méthode indétrônable, qui enchaîne plein de mini-leçons tout à fait mignonnes qui ne sont pas sans rappeler nos livres de langues en sixième. Pour autant le ton employé est agréable, direct et simple, les conseils complets et avisés, et on a une vraie aide à la prononciation dans les premières leçons.

une question(Reconnaissons que c’est mignon.)

Une méthode totalement adaptée aux grands débutants où les conseils rassurent, on y va vraiment petit à petit, et en la faisant bien on doit pouvoir maîtriser le suédois assez vite. Mais on retrouve le problème des fameux livres de langues de sixième : les leçons sont courtes et se multiplient, c’est long, le vocabulaire ne semble pas toujours pertinent, les points de grammaire sont épars… Je veux bien me frotter à la frustration de l’apprentissage, mais là c’est un peu trop pour moi. Alors en guise de compromis j’utilise aussi…

Le suédois en vingt leçons

Un peu plus froide, cette méthode comporte (comme son titre l’indique, c’est quand même bien fichu) vingt leçons avec des textes de plus en plus complexes. Il est à terme moins fourni qu’Assimil, mais plus dense par leçon. La grammaire est expliquée de manière claire mais pas trop vulgarisée, et tout cela me sauve de la frustration précédemment évoquée.

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Plus dense, plus concentré…

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…avec des leçons de grammaire bien brutasses. Plus matte-faim, quoi.

En alternant l’une et l’autre méthode, je parviens donc à avancer tout petit pas par petit pas, à condition de me contenir de tout dévorer d’un coup pour tout oublier aussi sec –ma principale manière d’apprendre tout au long de mes études, rappelons-le.

Cela me fait réfléchir à quelques aspects scolaires que j’avais oubliés et qui ne sont, finalement, pas si bêtes.
Le par cœur, pour commencer : j’avais fini par le bannir de mes méthodes tant il devient vite péniblement inutile. Je m’aperçois désormais qu’il est en vérité absolument nécessaire pour la prononciation. Alors oui, ça m’avait fait suer de devoir apprendre mes dialogues par cœur quand j’étais au collège, au lycée… Mais je vais quand même le refaire avec les textes que je trouverai.
Les exercices, aussi. Ben oui, ça me semblait si dénué de sens, ces exercices que j’avalais à la pelle… mais finalement, en terme de pratique, quand on ne peut pas mettre en application ce qu’on apprend avec des natifs, les exercices sont vraiment bien pour placer les mots. Pardon, exercices que je décriais à l’époque. Vous m’avez sans doute été plus utiles que je ne l’aurais reconnu alors.
La production, également. Le fait de tenter de formuler soi-même des phrases, à l’écrit, à l’oral. Bien sûr que ça n’intéresse personne d’écrire une présentation de soi. Pourtant ça apprend énormément de vocabulaire !
Et enfin… la lenteur de l’apprentissage. Parce que oui, il faut bien prendre son temps, en fait. Même si je veux toujours aller trop vite.

C’est ainsi que j’ai repris, petit à petit, mon apprentissage sur des bases un peu plus saines. Je ne vais pas désapprendre ce que j’ai déjà appris « à l’arrache », même si ce n’est pas très proprement acquis, ça reste des petits plus que je n’aurais pas à revoir plus tard. Mais je me mets un frein.

Et à côté de ça, j’ai quand même quelques alliés :

  • 8sidor.se : des textes d’information globalement pas trop compliqués, avec un accès à leur prononciation.
  • Sverigesradio : le France Inter suédois. Prononciation claire, différents accents selon les émissions, on oublie la neutralité politique, on verra ça quand je comprendrai vraiment ce qu’ils disent.
  • Quelques chansons traditionnelles fournies aimablement par Garmarna notamment (mais surtout souvent conseillées par l’ami Rain).
  • Quelques chansons moins traditionnelles, je vous fais pas de dessin, l’album Carolus Rex m’a donné envie de m’arracher les cheveux plus d’une fois (l’accent de Dalécarlie…)
  • Des amis suédois, et ça, mine de rien, ça aide beaucoup : du suédois sur Twitter, sur Facebook, parfois par SMS, c’est bien pour s’apercevoir que c’est une langue vraiment utilisée !
  • et le dernier mais non le moindre, l’e-book et le livre d’un de mes meilleurs potes, là encore mis à disposition par le sus-nommé Rain…

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Il m’a appris l’anglais plus vite que tout autre prof ; il n’y a rien qu’il ne puisse faire ! 

Je vais essayer de faire des points réguliers de mon avancement, sans pour autant promettre vu le mal que j’ai à mettre à jour ce blog régulièrement. Mais surtout, mon défi sera d’essayer de pondre des petits textes et des petits enregistrements en suédois assez rapidement et tout au long de l’apprentissage, pour ne jamais oublier de mettre en pratique chaque mini-pas en avant que je pourrai faire ! (Notez que sur Twitter, j’essaierai d’utiliser le hashtag #SvenskaLia).

Alors en attendant mes prochaines expérimentations suédoises… Hej då! Vi ses! o/

L’apnée du métro

Il faut que je me rende à l’évidence : les trajets étouffants que je décrivais dans mon dernier article sont désormais devenus mon lot quotidien. ?
Et ça ne me plaît pas, bien sûr. A qui cela plairait-il ? ?

Je tais l’angoisse ; je l’étouffe. Je me mens beaucoup à moi-même ces derniers temps. Je retiens ma respiration.? Je ne sais pas combien de temps je tiendrai le coup. J’ai toujours été assez bonne en apnée, à force de jouer à retenir ma respiration le plus longtemps possible.
Me voilà menant officiellement une « vie normale ». Avec un « travail normal ». Des « collègues normales » qui disent amen à tout ce que raconte Jean-Pierre Pernaut. Des « vêtements normaux », au placard, mes fripes préférées. Des « sujets de conversation normaux ». Des « préoccupations normales »… en surface.
Il ne faudrait pas beaucoup gratter, mais l’infiltration est réussie.? ?Ma mère serait fière. Ne me manque plus qu’un endroit où vivre et je rentrerai dans un moule social convenable.

Pourtant de mon côté je suis tout sauf fière. Je ne suis pas sûre de beaucoup aimer ce qui est en train de m’arriver. Je me regarde vivoter. Je pensais pouvoir échapper à cette vie normale au moins les week-ends, mais mon corps me fait payer chaque voyage que je fais pour m’enfuir. Alors je suis forcée de me reposer, me « poser » dans ce milieu que je n’aime pas. Je me sens grignotée, petit à petit.
Et j’endure en apnée.

Mes projets me font la tête. L’écriture me file entre les doigts. Les mots tournoient en moi, et ne sortent que difficilement. Je vais peut être exploser, au bout d’un moment. J’essaie d’avancer, de m’agripper… C’est rageant de voir ces choses qui ne coûtent rien que du temps à faire passer à la trappe alors qu’elles sont ma raison de vivre. Elles sont réalisables pourtant, à portée de main, si je n’étais pas si fatiguée par « ce qu’il faut bien faire ». J’y pense à défaut de pouvoir faire, et je n’en dors que plus mal.

En deux ans j’avais eu le temps d’oublier ce que voulait dire « métro-boulot-dodo ». Ce genre de choses revient beaucoup trop vite. Et dans tout ça, il faut que je respire de temps en temps.
Alors tant pis pour mon corps et mon sommeil : je voyage, même si pas autant que je le voudrais. Si je pose mon corps, mon esprit m’abandonne. ?
Et pour faire souffler mon esprit, quand je ne peux pas voyager, je rêve. Beaucoup. ?Comme quand, au lycée, je me trouvais dans un lieu dépourvu de tout sens, à faire des choses qui n’en avaient pas plus, auxquelles j’arrivais à en apporter juste un petit peu en n’écoutant rien, en écrivant, en dessinant, en rêvassant.

Sauf que dans ces « journées normales », je n’ai même pas la possibilité d’écrire et j’ai arrêté de dessiner depuis longtemps.
Ne reste que le rêve. Un rêve dans lequel j’évolue : ma vie n’est plus réelle dans ma tête. Ce que je fais a de moins en moins de sens : rien de tout ça ne peut être vrai. Alors je me raconte une grande histoire.?? ?

Le métro est le théâtre de mes rêves. Ses boyaux malodorants, bruyants, oppressants alimentent mon monde intérieur. Je suis comme une héroïne de roman. Musique dans les oreilles, j’imagine les zombies, j’imagine les rebelles, j’imagine les fantômes, tous les êtres qui ont élu domicile sous terre. Finalement, ils sont déjà là, ils prennent le métro tous les matins.
Musique dans les oreilles, je me crée ma bulle. J’imagine la foule comme une foule de concert qui se masse autour de moi. Quand on va à un concert, on est tous mus par une même passion. Dans le métro, non, mais avoir de la musique dans les oreilles m’aide à tolérer une proximité physique que je ne tolère normalement qu’entre gens de même passion. De plus en plus, je me laisse aller à battre du pied, à chantonner. Au moins, ça me met de bonne humeur. Je suis cette fille qui dansotte au milieu de la foule les matins pour essayer de me rappeler que tout n’est pas perdu. Je pense que certains passagers me haïssent. Ce n’est pas grave.

Je les regarde et j’essaie de m’imaginer leur histoire. Je les aime, chacun à leur tour. Il y a celle qui sourit tristement en regardant à travers une fenêtre qui donne sur un couloir sombre. Celui qui a un gros casque sur les oreilles et en train de s’assoupir debout. L’autre stressé qui regarde sa montre toutes les dix secondes. Celle qui soupire sans arrêt ; même elle je pourrais lui trouver des excuses. De temps en temps je retrouve les micro-coups de foudre au milieu de la foule. Les échanges de regards qui disent qu’on existe. C’est fugace ; ça fait tenir.
Parfois je prends l’un ou l’autre passager comme « bouée ». C’est mon point de repère. Je jette mon dévolu sur lui ou elle, je lui invente toute sa vie dans ma tête. Et puis la personne descend, alors j’en choisis une autre.

Tous des personnages, moi y compris. Dans mon « boulot normal », je m’efface et j’endure. Je tais ce que je pense, parfois je dis à mots couverts quand vraiment je ne peux pas retenir, en sachant que ce ne sera pas compris. Je ne suis jamais déçue. C’est la même stratégie que celle que j’employais dès l’école primaire. Ils n’y ont tous vu que du feu. Je suis « juste un peu bizarre », c’est tout.

Et quand je reviens, je m’affale. Mes projets n’avancent pas, ma tête est vide, comme prise dans un étau, lourde. Mon corps est psychologiquement épuisé. Même les activités supposées nécessiter un moindre effort intellectuel, je les fais difficilement.
Et je ne dors pas. Parce que je vis une espèce de rêve fade que je m’efforce de colorer envers et contre tout, alors que mes rêves sont là, à portée de main, et que je n’arrive pas à avoir la force de les atteindre.

A peine un mois et j’en ai déjà assez d’être fatiguée, de me museler. Cette vie durera le temps qu’elle pourra, le temps de mettre de l’argent de côté, le temps de retaper mon corps malade, le temps d’affiner des projets aussi, peut-être, si j’en trouve la force.
Mais je ne perds pas de vue que je ne suis qu’à un pas du suicide social. Un pas de disparaître de ce côté de la société, qui sait pour arriver où. Et ça me permet de continuer à jouer ce rôle pas vraiment pensé pour moi. Rien ne serait plus simple que dire « Stop, j’arrête ». Maintenant que je l’ai fait une fois, je pourrai le refaire facilement. Je sais à quoi me raccrocher.
Et plus que tout, même si ça implique zéro projection dans l’avenir lointain ou une protection quasi nulle,  je sais de plus en plus ce que j’ai envie de réussir à faire.

Alors j’en suis sûre : on ne m’enfermera pas là-dedans. Chaque jour qui passe, une sonnette d’alarme résonne en moi pour me rappeler que ce n’est que temporaire, que c’est pour pouvoir mieux avancer après, et c’est ce qui me fait tenir. Ça me coûte des textes que je n’écrirai jamais, du temps sur des projets dignes d’avancer. Mais ce n’est que temporaire : c’est reculer pour mieux sauter.
Toute cette « vie normale » ne marche pas pour moi. Je n’aurai de cesse de rêver jusqu’à, enfin, m’être construit ma place.
Quel quotidien a du sens si on le remplit de tout ce qui nous prive de nos motivations à nous lever le matin ?

On m’a appris que la vie, c’était marche ou crève. Mon corps me dit que la marche, c’est bof pour moi en ce moment. Alors pour tenir le coup je rêverai ou crèverai.
Et en attendant je continue à faire de l’apnée dans le métro en me racontant des histoires.

Paris est une Bête.

[NB : ce texte, a tendance un peu automatique parfois, a été rédigé intégralement durant mes temps de transport en commun : ma manière à moi de me créer ma bulle et me protéger de l’environnement un peu hostile du milieu parisien.]

Deux fois que je m’éloigne de Paris. Deux fois que le retour me plonge dans une angoisse sans nom, alors que je suis encore à deux heures de l’arrivée fatidique.

Il y a quelque chose avec cette ville. Un ensemble de choses difficiles à cerner.

Paris est un cauchemar. Un monstre rugissant, agressif, qui porte atteinte à tous mes sens. Trop de choses à observer, à surveiller, trop de bruits à encaisser, trop d’odeurs à supporter. Trop de choses qui me sautent à la gorge dès lors que je descends d’un train, d’un bus. Il suffit de tendre le nez ou l’oreille pour que je sache que pas de doute, je suis à Paris.

Paris est une Belle pour beaucoup d’entre nous. Idole de tout un monde, fantasme pour beaucoup, synonyme de vie, de fête, de combats, de beauté. C’est beau d’entendre ses amoureux parler de Paris. Mais ça ne me réconcilie pas avec elle. J’ai beau lui reconnaître un charme, touristique, culturel, la vague grise de Paris me serre la gorge trop souvent.

Paris est une Bête. Elle joue avec la Bête en moi. J’ai l’impression que le gouffre sombre qui se creuse dans ma poitrine est un foyer que Paris, tel le soufflet du forgeron, passe son temps à attiser. Pas de répit pour les anxieux. Paris creuse le gouffre, dévore l’intérieur déjà pourri par la phobie sociale. Pas de possibilité de souffler. Le cœur bat toujours trop vite. Les sens sont tous aux aguets. Aucun repos possible. Chaque déplacement devient torture et source d’épuisement. Traverser la ville est pire qu’un voyage au bout du monde.
Paris n’est peut être pas responsable de l’angoisse première, mais elle ne l’arrange pas. Pour les hypersensibles, pas de refuge dans pareille ville. Chaque pas est une crise d’angoisse potentielle.

Paris est une Bête, mais grâce à elle, je prends conscience que certains environnements peuvent être plus sains que d’autres.
Il y a dans Paris tous ces mini-cauchemars permanents que je m’efforce de repousser, et je sais que Paris est une agression permanente de mes sens et de mes idéaux. Un entassement de personnes devient soudain « les gens », et « les gens » sont ceux qui font perdre foi en l’humanité. Sourds aux appels à l’aide, aveugles à la détresse pour ne pas être avalés, par défaut, parce que des barrières suffisamment solides ou simplement par habitude…
La souffrance devient scoop, sensationnelle. Perfide, elle s’immisce et entre dans les habitudes, les « on raconte » au détour d’un repas, image simple sortie de sa réalité qui nous toucherait beaucoup trop.
« Une femme criait dans le métro, personne ne savait quoi faire. Des gens filmaient. »
« Il y avait un homme qui voulait sauter. Tout le monde attendait de voir. Des gens filmaient. »
« Du sang par terre. Personne n’aidait. Des gens filmaient. »

Transposition. L’image en face devient image sur un écran, plus tout à fait réelle. Déresponsabilité.
Sauf que la transposition ne fonctionne pas pour tous. Il faut fermer les yeux sur l’hypocrisie d’une ville qui danse sur les corps des autres. Une seule solution pour tenir, l’anesthésie des sens. Méditation, médicaments.

Paris est un cauchemar qui dévore les humeurs des gens. Il les recrache la barre au front, sourcils baissés, les coins de la bouche bloqués dans un éternel sourire inversé. Si leurs yeux brillent c’est grâce à la lumière synthétique du métro et aux larmes qu’ils répriment au quotidien.

Pourtant certains parviennent toujours à sourire et même rire. Ceux pour qui Paris est une Belle. Comment font ces gens-là ? Peut-être qu’ils ne se posent même pas la question. Ou peut-être qu’ils ont, eux, apprivoisé la Bête.
Peut-être y a-t-il des moyens de passer de l’autre côté du cauchemar. Je n’en ai pas trouvé.

Jamais je ne considérerai la possibilité de mettre la moitié de mon salaire dans un lieu où je ne peux même pas faire la roue sans manger un mur comme une aubaine. N’en déplaise à monsieur l’agent immobilier. Jamais je ne considérerai le fait de ne pas avoir plus de deux centimètres d’espace vital (et encore) à chaque déplacement que je fais comme une chance. N’en déplaise aux fervents défendeurs d’une ville trop peuplée.
Jamais je n’estimerai juste que chaque affiche du métro me vende à prix d’or le meilleur moyen de mieux vivre dans dix mètres carrés. Ni de devoir me mentir à moi-même pour supporter la traversée d’une ville.
J’ai l’impression d’une ville fracturée sur laquelle on a posé un minuscule, ridicule pansement premier prix en disant « Voilà, ça va aller mieux. »
Ça va juste un peu piquer. Juste un peu et tout sera réparé, n’est-ce pas ? Mais je ne suis plus l’enfant à qui on soignait des bobos en soufflant dessus.

Je ne crache pas dans la soupe : Paris m’a donné ma chance, je lui laisse la sienne. Je ne décrierai pas sa richesse et son potentiel. Je ne nierai pas la beauté de certains de ses quartiers, la facilité d’avoir toute l’Europe et toute la culture à portée de pieds. Mais j’ai compris que Paris était de ces endroits qui blessent les gens comme moi. Trop d’informations, trop de violence psychologique, physique parfois. Cet environnement n’est pas le mien. J’essaie de le faire mien, tout petit pas par petit pas.

Mais je sais qu’à terme, je laisserai Paris à ceux qui en ont fait leur Belle. Dans mon cœur, Paris demeurera une Bête. Et si je cherche trop à m’intégrer à elle, elle me dévorera.

Ma twithérapie

Ça fait un moment que je me dis que j’ai envie de traiter ce sujet. Ça me rend un peu nerveuse, parce que ça veut dire que je vais encore plus m’ouvrir à vous que je le fais d’habitude, mais j’ai souvent des questions liées à ma relation à Twitter un peu bizarre. Elle n’est pas exceptionnelle, parce qu’on est plein à en avoir une utilisation de ce type, mais quand j’en parle, les gens sont surpris, surtout sur le fait que j’ai bien peu de mal à m’ouvrir totalement et à me confier à la masse.
Alors voilà. Aujourd’hui, je réponds aux questions et je vous explique ma twithérapie.

Je rappelle que ce n’est que ma manière à moi de voir les choses et que je n’exhorte personne à faire comme moi. Je ne donne ni leçon, ni stratégie, je ne garantis pas que ça marche à tous les coups, je ne sais même pas pour combien de temps encore ça va fonctionner pour moi. Ce n’est qu’un témoignage de mon utilisation.

Si vous êtes là, vous avez sans doute compris que je me plains beaucoup. Sur Twitter, il y a ceux qui me suivent pour ça, ceux qui arrivent pour autre chose mais restent pour ça, et ceux qui arrivent sans savoir et prennent vite la fuite. Je parle de moi surtout, de manière un peu large, un peu floue, mes passions, mes projets, mon quotidien, mes états d’âme.

C’est le propre des réseaux sociaux, paraît-il, d’exposer sa personne sur l’internet. J’ai fait ça sur Facebook, à une époque, à la mode des adolescents : en postant d’authentiques statuts cryptiques destinés à culpabiliser celui qui avait brisé mon cœur, à faire des déclarations indirectes, ou que sais-je. (J’ai arrêté depuis, privilégiant Facebook pour la transmission d’informations et la communication directe avec des amis. Autrement dit, je ne m’en sers plus des masses.)
Pas exactement réseau social mais pas loin, je suis également passée par des chaînes de sms, de mails, parfois de googlegroups d’amis (tous furent source d’un soutien inconditionnel, et je considère avoir une chance phénoménale pour ça. Merci.)

Quand j’ai rejoint Twitter en 2011, c’était loin de ce genre de considération. J’avais lu que beaucoup de choses liées au NaNoWriMo se passaient sur Twitter, j’ai voulu voir, me suis inscrite, et soyons honnêtes : je n’ai rien compris à son fonctionnement. J’ai posté une dizaine de tweets, me suis fait envahir, ai abandonné.

J’ai repris un peu en 2012, surtout en mode « flux d’informations », à suivre des comptes plus ou moins importants, et passer des heures à lire des articles passionnants. J’ai souvenir d’avoir tiré énormément de matériel de cours des tweets que je faisais défiler lors de ma veille, tous les matins. Je suivais littérature, jeux vidéo, numérique, sciences dures et sciences sociales. Je suivais aussi la vie de certains comme une fan suivrait un feuilleton, cherchant tous les matins les tweets de la veille, tentant de comprendre les non-dits, deviner ce qui se passait. Finalement, c’était au moins aussi bien que de la fiction. Ces personnages étaient loin, avaient une vie formidable, j’adorais lire leurs aventures.

Et puis petit à petit, à force de lire, j’ai commencé à me prendre au jeu du tweet, à penser en 140 caractères et tenter de raconter des choses à la manière de ceux que je lisais. Je tweetais en anglais, en français, décousu, je tentais de communiquer avec certaines personnes, de réagir à certains articles. Je me fis quelques contacts à ce moment-là, pas beaucoup, auxquels s’ajoutèrent quelques personnes que je connaissais IRL. Je n’avais pas grand-chose à partager, peu de gens participaient, mais l’échange était sympa quand il y en avait un.

Fin 2013, 2014, les choses se compliquent. Pas facile de tweeter quand un pervers narcissique est constamment à regarder par-dessus votre épaule, à vous demander qui sont tous ces gens à qui vous parlez sur Twitter, d’où ils sortent, à vous signifier que ça ne lui plaît pas, à se moquer de vous dès que vous tweetez quelque chose. Je fais quelques rencontres, pas beaucoup. Je ne tweete presque plus.
Des problèmes constants de téléphone s’ajoutent à cette tension. Je m’éloigne de Twitter. Après tout, ça ne sert à rien, c’est juste un réseau social débile, et puis les articles ne sont même plus intéressants, les gens non plus, et ça me fait mal de voir Narcisse faire le coq sur Twitter. Boarf, pas grave. Ce n’est pas important, Twitter. Je joue les petites amies modèles sur Facebook, et ça lui convient.

2014, fin de relation, enfin. C’est terrible, la fin d’une relation : ça laisse vide de l’intérieur… ou plutôt, trop plein, de toutes ces petites phrases, ces observations, ces remarques qu’on n’envoyait qu’à une personne.
Rompre avec quelqu’un, c’est perdre l’interlocuteur privilégié. Celui à qui on envoyait des messages débiles, les pensées profondes du matin dans les transports, les articles intéressants qu’on avait envie de partager. Ca coupe les débats qu’on avait envie d’avoir. C’est se retrouver seul avec soi-même.
Et c’est pas toujours simple, le dialogue avec soi-même. Souvent, c’est même conflictuel.

A ce moment-là, plusieurs possibilités : soit on canalise tout (certaines personnes retiennent très bien, je les admire), soit on s’exprime à base de lettre/mail non envoyé, soit on fait un maxi-report affectif sur quelqu’un (souvent un amoureux potentiel, pauvre bougre qui se retrouve floodé de messages…), soit on s’épanche sur ses amis tant qu’on peut… Ou alors tout à la fois.

J’ai usé de toutes ces méthodes lors de mes précédentes ruptures ; aucune ne m’a vraiment tirée d’affaire. Au contraire, il est souvent arrivé qu’elles me précipitent vers un autre désastre.

Alors cette fois-là, j’en ai eu marre. Avec tout ce qui s’était passé, il était hors de question que je recommence à me servir de quelqu’un comme d’une bouée pour ne pas couler, quand bien même mes amis se montraient très présents, volontaires pour m’épauler (merci à eux, encore et toujours. J’ai conscience de la chance que j’ai.)

Je n’allais compter que sur moi, et sur les psys qui m’encadraient dans le foyer que je venais d’intégrer. Ma rage et ma colère, mon malaise et ma maladie, ma haine de moi-même, c’était à moi de m’en sortir et à moi seule.

Peu de temps après, j’ai rencontré Handsbruised. Elle avait une utilisation de Twitter qui me fascinait. Rapide, spontané, ouvert. Elle rencontrait des vrais gens du Twitter, même, des fois. Moi, je n’avais jamais essayé, mais la voir faire m’a donné envie de retenter le coup — ne serait-ce que pour la citer de temps en temps. Après tout, pas de Narcisse pour juger de mon utilisation, cette fois-ci.

Alors j’ai commencé à me servir de Twitter de la même manière que j’avais tenu un blog quelques années plus tôt : pour évacuer dans un espace où, de toute façon, très peu de gens passaient. Mon blog, après tout, avait été lu par trois personnes.
Quand j’ai décidé de faire cette utilisation de Twitter, je devais avoir une petite cinquantaine de followers, au moins un tiers inactif : mes posts étaient une goutte d’eau dans la mer, vite disparus, peu remarqués. J’ai souvenir d’avoir beaucoup tweeté dans le vide, et c’était ce qui m’allait. Twitter devenait un support à mes exercices de stream of consciousness. De temps en temps, j’y postais des bêtises. Je continuais à parler du NaNoWriMo, régulièrement.

Et puis un jour, j’ai fait une crise d’angoisse, mais je n’ai pas eu envie de m’enfermer dans ma tête.

J’ai décidé de livetweeter ma crise, avec le hashtag stupide #LTCrise. C’était complètement absurde, mais après tout, si je m’efforçais de mettre un mot sur chaque chose que je ressentais au moment-même où je la ressentais, je parviendrais plus facilement à canaliser la crise, à mieux la vivre. Et puis je ne faisais pas de crise d’angoisse devant ma psy, et je n’arrivais jamais à lui expliquer ce qui se passait alors en moi. Ça me ferait du matériel pour la prochaine séance.

Paniquée, nauséeuse, en larmes, je me suis lancée. Et ce jour-là, il s’est passé quelque chose d’extraordinaire : on m’a répondu.

C’était la première fois qu’on répondait à un de mes tweets de ce genre, lié à ce que je vivais, en pleine crise.

S’en est ensuivi un (très très très) long échange, qui a réussi à me faire sortir de ma crise, et qui m’a décidée que parler avec des gens était mille fois préférable à rester enfermée dans ma tête.

Alors j’ai continué, et je continue toujours. Qu’importe si on me répond ou non : je tweete mes pensées, mes réflexions, mes avancées. D’un côté, c’est un journal de bord, des archives que je conserve et que, quelque part, j’aurais aimé commencer plus tôt. De l’autre, c’est un moyen d’échange et de rencontre, un enrichissement permanent. J’avais beaucoup lu et pris l’habitude de répondre aux autres avant de m’exprimer. J’étais toujours prête à débattre ou apprendre, en m’appuyant sur mes expériences, celles des autres.

Mon compte Twitter est un peu le flux RSS de ma tête, finalement. Il contient les choses qui m’intéressent, les choses qui me questionnent, les choses que j’observe, les projets qui me passionnent. Il me permet de canaliser et concentrer tout ça à des moments où je pars un peu dans tous les sens.

Je me livre autant que je peux. Qu’importe qui lit, je suis une anonyme dans la foule. Je fais facilement confiance, on me l’a souvent reproché (« On ne vit pas dans un monde de Bisounours ! »). Mais si ce que je vis peux servir à quelqu’un, en plus de me permettre de m’exprimer, c’est bonus. Cette confiance est une des choses qui me caractérise le plus. Je n’ai pas envie de l’abandonner sous prétexte que ça ne se fait pas socialement.

Bien sûr, j’ai eu des moments de doute, de flottement. Certains me suivent pour les jeux vidéo, n’ont pas envie d’entendre parler de mes états d’âme. D’autres me suivent pour la psychologie et une leçon étendue de linguistique ne les intéresse pas forcément. J’ai hésité à me censurer plus d’une fois.

Plus d’une fois, on m’a demandé « Pourquoi tu ne fais pas un compte privé ? ».
J’ai hésité, j’avoue, mais ça ne me convenait pas. Je savais bien que je ne pourrais pas mener deux comptes de front. Et puis en fait, finalement, pourquoi me censurer ?
Je n’ai jamais promis de ligne éditoriale sur mon compte. Les gens étaient libres de venir et de repartir. Je ne les retenais pas.
J’ai fini par réaliser que la course au follow me mettait mal à l’aise. C’était stupide. C’est vrai, c’est indéniable, il y a un petit battement de cœur, un petit vertige à chaque passage de centaine.

Mais je suis juste une crieuse publique sur une place bondée. Certains restent pour m’écouter, certains partent et reviennent plus tard, certains passent sans s’arrêter. Certains augmentent même le volume de la musique dans leurs écouteurs pour ne pas m’entendre.
Et peu m’importe : finalement, moi, je ne suis pas là pour rassembler une foule. Dans un premier temps, je suis là pour écouter, et pour parler.

Si je suis sur Twitter, si je crie au milieu de cette place bondée, c’est pour la même raison que ce qui me pousse à tenir ces blogs : mettre des mots sur les choses. Les choses qui me concernent moi, donc je ne vais pas les adapter à ceux qui passent. C’est anti-commercial, et ça tombe bien, parce que c’est de moi qu’on parle, et devenir un produit me dérange.

Si je veux me faire un compte professionnel, avec des tweets pesés, réfléchis, analysés, j’en ferai peut-être un. En attendant, j’agis sur Twitter comme j’agissais avant dans la vraie vie : je donne. Je réponds à ceux à qui je peux répondre, et surtout, je donne ce que je vis, ce que je vois, ce que j’apprends et faites-en ce que vous en voulez.
Au fond, ce n’est qu’une question de confiance. Parce que j’ai appris que c’est en donnant aux gens qu’on reçoit. Et ça marche. C’est un vrai échange, honnête, où on ne profite pas des autres. Les gens prennent ce qu’ils veulent, laissent ce qui est en trop. Ceux qui me suivent le font parce qu’il y a des choses à prendre, ou à donner selon eux. Il en va de même pour moi.

Je ne redoute plus les ruptures : Twitter est devenu mon interlocuteur privilégié. Il me permet de ne plus me reposer sur une seule personne. Je lance, on lit, on ne lit pas, peu importe : c’est envoyé. L’esprit de ruche fait que si quelqu’un reçoit, réagit, ce n’est pas toujours la même personne. C’est un équilibre magique, quand on est autant : je sais que je ne vois pas tous les messages, ou que je n’ai pas toujours la force d’offrir du positif à qui en a besoin ; mais d’autres peuvent voir ces messages, gérer une crise. De la même manière que vous ne voyez pas tous mes messages ou n’êtes pas forcément en état de répondre, mais vous pouvez vous assurer que la crise a quand même bien été gérée.
Je ne pèse plus sur les épaules de mes proches. Je traite ma dépendance affective en apprenant à aller vers plusieurs personnes plutôt que toujours la même.

Twitter est un réceptacle pour les pensées de moi à moi. J’ai pris cette habitude quand vous étiez très peu, et si vous êtes restés, c’est que ça ne vous dérange pas, donc je continue. Quand je tweete lors d’une crise, c’est d’abord pour moi, pour canaliser mes émotions, mettre des mots dessus, garder une trace de tout ça. Je pourrais me jeter sur un clavier, ouvrir un traitement de texte. Mais l’immédiateté de Twitter est parfaite pour cela.
Bonus indéniable : mes amis peuvent suivre mes évolutions, tout comme les membres de ma famille, voir comment je vais, suivre mon cheminement sans que j’aie à leur faire un rapport complet tous les jours. Ça les a beaucoup rassurés, car je suis très mauvaise pour donner de mes nouvelles.

De votre côté, je me dis que, peut-être, certains d’entre vous lisent mes tweets comme moi je lisais ceux des autres il y a quelques années : comme un feuilleton, une série dans laquelle je serais un personnage. Je ne peux qu’approuver une telle vision de mon fil. Etre un personnage ne me vexe pas, au contraire. Je me suis toujours considérée comme personnage du roman de ma propre vie, même si je n’ai réussi à en devenir le personnage principal que récemment.

Alors voilà ma Twithérapie : dire tout ce que je veux en me censurant le moins possible, partager avec les gens ce que j’ai besoin de partager, apprendre toujours plus en vous lisant, faire avancer ma réflexion en mettant des mots sur les choses. Évoluer, sans peser sur mon entourage.
La démarche était plutôt égoïste en premier lieu. Mais les choses ont évolué. J’ai fait des expériences, lancé des projets. Vous êtes arrivés, les uns après les autres. Et vous me répondez. Et quand vous me contactez, j’essaie, à mon tour, toujours de vous répondre, de vous aider, de vous soutenir. Chacun fait sa part dans la mesure de ses possibilités.
Je suis systématiquement abasourdie quand, après une crise conduisant à un gros flood, au lieu d’avoir cinquante désabonnés, j’ai cinquante messages. De plus en plus de gens viennent me voir, pour me dire qu’ils comprennent, qu’ils vivent la même chose. Ils me donnent des clefs pour m’apaiser, je leur donne les astuces que j’ai trouvées. D’autres viennent me poser des questions sur mon vécu. L’échange existe. Nous apprenons tous mutuellement.

Et même si vous êtes plus de six cents maintenant (disons environ trois cents si on enlève bots et comptes inactifs), je continuerai à me livrer en vous faisant aveuglément confiance sans même vous connaître pour la plupart. Mon fil Twitter vous dit toute ma vie, vous avez sans doute l’impression de bien me connaître, moi au fond je ne sais pas grand chose de vous. Dit comme ça, c’est romantique… mais je ne demande qu’à vous connaître aussi, en fait.

Alors j’espère qu’on va pouvoir continuer à échanger.

En tout cas, du plus profond de mon cœur : merci à tous d’être là. De me répondre. De littéralement flooder mes notifications parfois. Avec un tel nombre de personnes autour de mes tweets égocentrés, je n’en reviens pas de la chance que j’ai de n’avoir jamais eu aucun problème. Pourvu que ça dure. Et surtout merci pour votre bienveillance et votre patience.
Du mieux que je pourrai, je continuerai à donner. En fait, c’est même une certitude.
Tant que je reste en vie, tant que ça ne me met pas en danger, je n’arrêterai jamais de donner.

Le #DayNotFound 2016

J’ai bien failli rater la date. Hier, après une journée ô combien chargée (Ben, Motus et Hime pourront témoigner), il était pratiquement 22h quand j’ai réalisé quelle date nous étions.

Quatre avril. 4/04. Day Not Found donc.

S’il y a une date à célébrer sur ce site, c’est bien celle-ci… et pourtant, elle a bien failli passer inaperçue !
C’est ainsi qu’à même pas deux heures de la fin de cette journée à la date magique, j’ai tenté d’improviser sur les chapeaux de roues un pseudo-concours thématique pour vous faire gagner (faute d’inspiration autre et suite au conseil de Mathieu) un dessin…
Et alors que je m’attendais à ce que, raté pour raté, ça passe totalement inaperçu et on ferait mieux l’an prochain, vous m’avez épatée en étant finalement quinze à participer.
Bien sûr, dit comme ça ça ne paraît pas énorme, mais pour un concours lancé à 1h45 de la fin avec un thème pas forcément facile, moi je m’incline et surtout je vous dis félicitations pour votre réactivité.

Je vous avais donc demandé de me raconter de me raconter vos meilleures histoires de quand vous vous êtes perdus. Il me semblait que ça collait bien avec le Day Not Found, après tout, et que vous auriez sans doute des anecdotes chouettes à raconter. Je ne suis pas déçue du résultat !

J’avoue, je me suis souvent retrouvée dans vos histoires, moi, un peu paumée chronique qui arrive quand même toujours à retomber sur ses pattes. (Parfois un peu miraculeusement…)
Chaque arrivée dans une nouvelle ville est une aventure permanente. Ou même une ville connue mais dans laquelle je ne m’étais jamais promenée seule, d’ailleurs.
Tenez, un exemple parlant pour les Lyonnais : j’ai souvenir de cette époque où j’habitais Garibaldi et m’étais perdue vers Saxe, avoir tourné vingt minutes au moins pour finalement abdiquer et prendre le métro pour un arrêt. Retrospectivement je ne comprends toujours pas comment j’ai fait pour me perdre.

C’est clair que je n’ai pas un sens aigu de l’orientation. Ou plutôt, je ne fais pas assez attention aux choses. Je pourrais faire dix fois le même trajet, si je suis accompagnée, je ne saurai jamais le faire toute seule. A moins de me forcer à prendre des points de repère, mais ce ne serait pas du tout instinctif. Je pars souvent à droite au lieu de la gauche (même quand les panneaux indiquent le contraire d’ailleurs : je l’ai fait pas plus tard qu’hier au Pays des Merveilles). Des fois, j’arrive même à oublier s’il faut monter ou descendre.
Bref, je ne fais pas assez attention. Et pourtant, je sais que si je prends la peine d’être vraiment très attentive et que j’ai un plan, tout devient plus clair. Mais j’ai besoin du plan, de l’avoir dans ma tête (et que ce que j’ai sous les yeux s’y conforme). Je sais que ce n’est pas donné à tout le monde, j’ai de la chance de ce point de vue-là. Ca rattrape mon absence totale d’attention quant à la direction à choisir.

Le point positif de tous ces égarements, c’est qu’en général, une fois que je me suis bien, bien perdue dans un quartier, je finis par bien le connaître, et je ne m’y perds plus. Ca devient presqu’une stratégie. Et a priori, je ne suis pas la seule à fonctionner comme ça, vu vos histoires !
Cette stratégie a un aspect positif, aussi : à force, j’ai appris à « bien » me perdre. Totale confiance : je sais que de toute façon quoi qu’il arrive, je vais forcément me retrouver quelque part et m’en sortir (quitte à demander de l’aide à des gens). Conséquence directe : quasiment chaque fois que je suis complètement perdue avec absolument aucune idée d’où aller, des gens me demandent leur chemin.
(Et pour ça aussi, a priori, je ne suis pas seule !)

Beaucoup de vos anecdotes montraient que le fait de se perdre, malgré les frayeurs occasionnées, avait pu être une source de souvenirs formidables. Se perdre à plusieurs, ça crée des liens forts. Se perdre seul, c’est se retrouver dans un endroit inconnu mais pouvoir découvrir plein de choses qu’on n’aurait pas découvertes sinon.
Bon, bien sûr, il faut passer l’effroi du moment. Mais il n’est pas rare que l’effroi disparaisse quasiment totalement et qu’on se retrouve à raconter une histoire où on s’est perdu au moins sur un ton drôle, voire même carrément de manière nostalgique.

Bref, vous l’aurez compris : j’ai beaucoup aimé lire vos participations, j’y ai retrouvé plein de choses, j’ai un peu réfléchi à mes propres expériences, et soyons honnêtes : certains d’entre vous m’ont bien fait rire.
J’avais promis de décerner un dessin à la meilleure histoire. Elle n’a pas été facile à choisir. En fait, je suis tellement nulle en tant que juge que j’ai même abandonné l’idée de ne choisir qu’un seul vainqueur.
Finalement, c’est trois dessins que je décernerai ! Et les vainqueurs sont donc…

XetraSherpa, avec l’épique Geste de Xetra16ans, son magasin de rôliste et ses pieds dans la boue. Elle voulait garder ça secret en me mentionnant mais voilà l’histoire désormais affichée au yeux du monde entier !
Erkhaly, avec une épopée fort exotique, des rails abandonnés et des ouvriers au milieu de nulle part, le tout illustré de manière très mignonne.
– et Varpie, qui m’a fait un bel effroi au début tant je l’ai cru hors sujet alors que non, il a juste raconté à merveille une perte qu’on a tous pu connaître à un moment ou un autre de l’enfance dans un style dégoulinant d’un lyrisme que Lovecraft ne renierait sans doute pas.

Je vous laisse me contacter par DM pour vos dessins !

Pour autant, toutes les autres aventures n’ont pas manqué de charme non plus. J’aimerais donc décerner quelques mentions honorables :
– la mention « Sueurs froides » à Ciel d’Orage
– la mention « Surréalisme » à Raekihi, qui a un peu triché
– la mention « Totalement d’actualité ! » à Hime, qui a réussi à se perdre le jour-même.

Et comme je vous l’avais promis, je vous livre de mon côté mes propres souvenirs de pertes mémorables. J’aurais eu du mal à en isoler un, si j’avais dû participer à mon propre concours. Alors je vous propose trois petits #DayNotFound à moi. J’ai hésité à en faire une série de tweets, mais ça semblait un peu long…

Voilà donc ces expériences qui m’ont appris que finalement se perdre, c’est juste prendre des chemins détournés pour s’épanouir encore plus !

Le premier #DayNotFound est une histoire de Petite Lia. Elle a 8 ans, ne vous déplaise, il ne faut pas trop lui en demander, elle mesure pas bien haut (1m20-30 tout au plus, dirais-je), et sa famille vient de déménager. Petite Lia a toujours vécu en appartement, et là, on vient d’arriver en maison, c’est grand, c’est trop bien (même si soyons honnêtes Petite Lia a horreur du changement et aurait mille fois préféré rester dans sa chambre avec une frise-chats toute sa vie). Pour autant, Petite Lia a quand même l’habitude d’une maison avec un jardin, parce qu’elle a aussi grandi chez ses grands parents qui en ont un immense, de jardin. Et elle aime bien les jardins. Alors sitôt arrivée, Petite Lia prend la décision d’aller découvrir le jardin derrière la maison.
Ce qu’il faut savoir, c’est que cette nouvelle maison, elle était en vente depuis un an quand ses parents l’ont trouvée. Alors forcément, le jardin, il a eu le temps de devenir très sauvage, garanti 100 % avec mauvaise herbe, jolies fleurs, grosses ronces, un peu de menthe sauvage (hé oui !) et des chardons très hauts. Très très hauts, même. En fait, les herbes sont même plus hautes qu’elles. Mais Petite Lia ne se laisse pas démonter ! Elle part à l’aventure dans la cambrousse, en évitant les épines, en trouvant une espèce de chemin qui la laisse passer. Elle avance, elle avance… de mètre en mètre, les herbes se referment sur son passage. Si au début elle distinguait encore l’entrée du jardin, là ce n’est plus du tout le cas. Arrivée vers le milieu du jardin, il faut se rendre à l’évidence : Petite Lia ne voit plus rien d’autre que des herbes hautes, partout, un rideau de plantes qui piquent menaçantes et rancunières. Alors Petite Lia panique. Et se met un peu à pleurer. Et surtout, appelle.
« A L’AIDE ! »
Soyons honnêtes : Petite Lia n’a aucune idée du temps que ça a pris pour qu’on la retrouve. Sans doute pas si longtemps que ça, mais ça a paru long en tout cas. Mais on l’a retrouvée, et finalement, les hautes herbes ont été coupées à la faucille, et on a pu voir que Petite Lia avait dû avancer environ cinq mètres. Sa famille parle encore de cet épisode de temps en temps.

Le deuxième #DayNotFound a eu lieu à l’autre bout du monde, lors de mon année en Chine. A ce moment-là, je suis la seule Française du campus, je ne connais encore pas grand monde, mais j’ai bien sympathisé avec un Colombien qui a la bougeotte. « Je veux aller voir l’exposition universelle », me dit-il un jour. « Elle est bientôt finie et on a des jours fériés dans deux semaines. Tu viens avec moi ? »
J’ai hyper envie de voir Shanghai, l’expo universelle pourrait être une super expérience, et ça tombe pile pendant mon anniversaire. Je vais avoir vingt ans.
Allez. C’est parti. Je vais fêter mes vingt ans à Shanghai.
Nous prenons nos billets d’avion ensemble, puis je m’inquiète de savoir comment nous ferons une fois sur place. « On verra bien », me répond-il. « C’est l’aventure. Hakuna Matata. »
L’aventure. OK, ça me va. Je sais quand je pars, je sais quand je rentre, on verra ce qui se passe entre les deux.
Nous prenons un hôtel à côté de l’aéroport de Chongqing la veille du départ. Déjà, c’est un peu l’aventure de partir comme ça : il faut traverser une ville qui a la taille d’une province, bus puis bus puis taxi finalement. Nous dormons, déjeunons le matin avec un mini-gâteau d’anniversaire en forme de Pikachu sur lequel il a directement planté les allumettes de l’hôtel en guise de bougie (une attention tout à fait mignonne !

225778_2001053382561_7053730_n(Ca reste du made in China hein…)

Puis prenons l’avion et arrivons à Shanghai. Pas de souci pour rejoindre le centre, je découvre le métro, c’est l’extase. Shanghai est tellement plus propre et civilisée que Chongqing à mes yeux, une vraie bouffée d’air frais. Nous trouvons où manger à midi, puis cherchons un endroit où loger le soir.
C’est là que ça se corse. Hôtel après hôtel, nous nous faisons refouler. Soit ce sont des hôtels qui n’ont pas le droit d’accueillir les étrangers (oui, il faut une licence spéciale pour ça en Chine), soit ils sont complets. Car en effet, riche idée que d’aller voir l’expo universelle avant qu’elle se termine au moment où L’INTEGRALITE DE LA CHINE est en vacances…
Je commence à paniquer. Je suis dans une ville immense dont je ne parle qu’à moitié la langue, je n’ai aucune idée ni d’où je me trouve précisément, ni (surtout !) d’où je vais dormir cette nuit.
L’angoisse totale. Un à un, des messages de joyeux anniversaire arrivent mais je n’arrive pas à m’en réjouir.
Finalement, mon ami, beaucoup plus terre à terre que moi, me calme et nous décidons d’aller dans un café avec accès Wifi pour trouver un hôtel. Meilleure idée du monde, même si je suis encore angoissée. Il sort son ordinateur, nous cherchons. Ne trouvons rien. Tout est complet, complet, complet. Je ne sais pas où je suis, je ne sais pas où je vais dormir ce soir. L’information tourne dans ma tête.
Soudain, un coup de fil de mes parents : ils veulent me souhaiter mon anniversaire, me disent qu’ils pensent à moi… et moi je fonds en larmes. La vendeuse du café me voit me décomposer, et pour elle, c’est la catastrophe : une occidentale qui pleure dans son café, c’est inimaginable !
Elle me demande ce qu’elle peut faire dans un anglais cassé, je lui réponds moitié en anglais moitié en chinois qu’aujourd’hui j’ai vingt ans et que je ne connais rien ici et que je ne sais pas où je vais dormir. Mon ami colombien est un peu dépassé par les événements.
La vendeuse est adorable. Elle ne me touche pas (le Chinois ne sont pas du tout tactiles), mais arrive à me calmer. Elle m’apporte une part de tiramisu aux Oreos (qui n’avait rien d’un tiramisu mais c’était le meilleur du monde quand même, à ce moment-là), me demande de respirer, me dit que ça va aller, que je devrais manger. Puis, pendant que je grignote, elle passe un coup de fil. Et elle revient avec une carte en nous disant « Allez là-bas, il y aura de la place. »
Je la regarde avec de grands yeux. Elle me dit que ça va aller, qu’on devrait y aller.
Alors on prend un taxi, et on y va, direction un hôtel totalement inconnu. Trois explosions de limite de vitesse et un demi-tour sur le périph plus tard (les taxis en Chine, ça déconne pas), nous arrivons à l’hôtel. Nous nous présentons, et la personne à l’accueil nous dit que ah oui, effectivement, il n’y a pas de problème, il a de la place pour nous, il a une chambre simple, normalement elle n’est pas assez grande mais il a fait rajouter un lit pour en faire une chambre double. Mais vu que c’est une chambre simple on paie le prix pour une seule personne. Oh, et shengri kuaile.
Nous avons posé nos bagages, j’ai respiré un grand coup. Puis nous sommes allés nous balader, et avons pu admirer The Bund de nuit.

redimDSC_0670(Oui, j’étais fatiguée)

Je n’oublierai jamais mes vingt ans, je crois.

 

Le troisième #DayNotFound a, en vérité, déjà été évoqué par Watou dans le cadre de ce concours. Ça la disqualifie un peu parce que « c’est de la triche » mais en vrai, elle mérite une mention honorable elle aussi pour « Perte poétique ». Sauf qu’elle a oublié d’en raconter la moitié, alors voilà l’histoire complète.
C’est l’histoire d’un groupe d’amis qui se retrouvent toutes les années pour fêter le nouvel an ensemble. Rappelez-vous, je vous en ai parlé, du Nouvel An Maison Bleue ! C’est un moment très fort, très symbolique qui rapproche des amis beaucoup trop loin géographiquement, mais on fonctionne pas mal en « loin des yeux près du cœur », par chez nous. Cette année-là, c’est la deuxième édition, nous nous retrouvons donc dans les Alpes et la neige. Non contents d’être un groupe d’amis, nous sommes aussi un groupe de musique. Après un 31 décembre grassement fêté, un concert face à amis et familles, et une bonne nuit de sommeil, il nous prend l’envie de célébrer le 1er jour de l’année en allant voir un coucher de soleil sur la montagne.
Sur le coup, ça paraissait une bonne idée, et ça ne craignait pas grand-chose. A posteriori, ne pas prévenir les adultes qu’on le faisait, c’était peut-être pas une bonne idée. Aller à un endroit où il n’y a pas de réseau, avec pas assez de batterie sur nos téléphones non plus. Ne pas prendre de lampe, non plus. Avoir parmi nous une estropiée des genoux, plusieurs personnes en converses, ou en manteau léger, en fait, quand on y réfléchit maintenant, c’était même franchement bête.
Mais on allait voir le coucher du soleil, on avait un guide qui venait de la région, on ne craignait rien. On est donc partis à cinq, et on est allés vers le haut de la montagne. Difficile, surtout que le guide a déterminé qu’on ne va pas prendre la route, mais plutôt un raccourci qui ferait arriver plus vite, parce qu’on est partis un peu tard et qu’on va rater le coucher du soleil sinon. On est montés, vite. VITE. Les pieds dans la neige, mal équipés, trempés, gelés. Sur la route, j’ai sorti mon appareil photo pour nous filmer en train de noter des idées pour notre prochaine chanson « Alors c’est une fille elle est perdue dans la neige et euh… elle a ses larmes qui gèlent sur ses joues tellement il fait froid. »

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Oui, on en est là. Le paysage est beau, les ruisseaux gelés ne manquent pas de romantisme, mais il faut se dépêcher pour arriver avant que le soleil soit totalement couché. Alors on grimpe, on grimpe, on se pousse et on se tire un peu pour grimper plus vite, pour se tenir chaud aussi. Jusqu’à arriver en haut. Petit moment d’allégresse. Photo souvenir prise à l’arrache, avec l’appareil photo posé un peu de travers sur le panneau qui indique le nom du « Col du Tetras : alt. 1284m ». Minute bucolique : la mer de nuage un peu rose, l’étendue blanche de la neige, le sentiment d’être minuscule face à la vallée…

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L’extase passée, le guide annonce, l’air de rien, après avoir regardé le panneau : « On est trop haut ».
Comment ça trop haut ? On aurait bien pu l’écharper, si on n’était pas aussi gelés. En fait, le guide, avec son raccourci, nous a fait arriver du mauvais côté. Un côté qu’il ne connaît pas.
Réalisation : on est donc perdus dans la neige, pas équipés, avec aucun moyen de contacter les autorités parentales. Et on doit traverser la forêt de nuit pour redescendre. Là, clairement, on a l’impression qu’on va mourir.
Le guide presse le pas, et nous pousse à le suivre. Vu que nous sommes arrivés par un mauvais côté, nous repartons de l’autre. A travers bois, là où il fait sombre, il y a des animaux sauvages… Non, vraiment, sur le coup, ça paraissait logique.
On y voit de moins en moins bien et il fait de plus en plus froid. La panique commence à prendre. Je me sers du flash de mon appareil photo une fois, deux fois, pour éclairer la route. A la troisième fois, plus de batterie. Nos téléphones sont tous morts.
La pente est de plus en plus rude dans la descente. Je fais des « câlins à des arbres », pour me rattraper, pour souffler aussi. Finalement, l’un après l’autre, nous finissons les fesses dans la neige. Nos manteaux pas adaptés deviennent des luges improvisées pour descendre plus vite. L’idéal serait de rejoindre une route, mais nous n’en trouvons pas, il fait froid, on ne sait pas où on est, on ne voit rien, on va mourir…
Il paraît qu’il y a des bêtes sauvages, alors pour les effrayer, on chante. On chante n’importe quoi, ce n’est pas grave. C’est rassurant d’entendre nos voix, en fait. Je me casse la figure dans la neige, je perds ma main gauche, gelée. On me rattrape par le bras et on repart en chantant.
Gauche ou droite ? Droite, la route ne devrait plus être loin… Cela fait une éternité que cette fichue route ne devrait plus être loin. Les pentes sont toujours aussi rudes, on s’attrape par le bras et les dévale en hurlant. La voix qui rassure.
Enfin, encore un peu de luge entre deux câlins aux arbres plus tard, un chemin forestier. Combien de temps cela fait-il qu’on cherche notre chemin ? Certes, ce n’est pas la route, mais le chemin nous conduit à un chalet. Complètement perdu au milieu de nulle part.
De la civilisation ! On ne va pas mourir. Ni une, ni deux, on frappe à la porte. A l’intérieur, un papi et une mamie passaient visiblement une soirée fort tranquille et ne s’attendaient pas à voir cinq ados trempés chez eux à une heure pareille.
Nous empruntons leur téléphone : à la Maison Bleue, les adultes étaient occupés à jouer… et n’avaient pas remarqué notre absence.
Dommage, c’est maintenant qu’on a appelé qu’ils commencent vraiment à s’inquiéter. Allons bon. Nous raccrochons en convenant de les tenir au courant, car nous n’avons aucune idée d’où nous sommes. Les deux personnes âgées nous indiquent notre chemin : il y a un autre chemin forestier à prendre et nous arriverons au village le plus proche.
On n’est pas mort.
Nous repartons, le cœur plus léger. La pente est toujours rude, il fait toujours froid, mais on a pu se réchauffer un peu dans le chalet, et puis nous savons où nous allons maintenant.
Et enfin, la route. Le soulagement. Nous pouvons marcher tranquillement, en portant un peu notre estropiée dont les genoux et les chevilles ont lâché. Nous chantons de bon coeur maintenant. Nous nous arrêtons même un moment pour admirer les feux d’artifice qu’un village tire de l’autre côté de la vallée. Puis, mûe par je-ne-sais quel instinct, je relève la tête. Le ciel est couvert d’étoiles, loin de la pollution lumineuse de la ville. « C’est trop beau. »
Les autres lèvent la tête à leur tour. Au moment où nous regardons tous (ou presque ?), une étoile plus brillante que les autres tombe d’un coup puis s’éteint.
La plus grosse étoile filante que j’aie vue.
Un peu sous le choc, nous reprenons notre chemin en chantant toujours. Quelques dizaines de minutes de marche plus tard, enfin, un panneau d’entrée dans un village. Nous y sommes. Un coup de fil depuis une cabine téléphonique plus tard, les adultes nous retrouvent, et nous faisons profil bas. Enfin, retour à la Maison Bleue… où nous nous jetons tous les cinq allègrement sous la douche, pour nous faire couler de l’eau chaude sur les pieds. La douche n’est pas très grande, a posteriori je ne sais pas comment on tenait là dedans, mais c’était la meilleure eau chaude du monde.
Un an plus tard, nous sommes retournés en haut de la montagne, mais en prenant des précautions cette fois-ci.

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Et nous avons fini d’écrire une chanson en l’honneur de cette perte mémorable. Notre chef d’œuvre à ce jour. Je crois que nous avons tous fait le même vœu, ce soir-là…

Voilà pour mes propres expériences. Le quatre avril est fini : rendez-vous l’an prochain pour un nouveau #DayNotFound !

 

Mes super-pouvoirs

J’ai vingt-cinq ans et je crois souvent que j’ai des super pouvoirs.

Petite, c’était quasiment une conviction : dans ma tête, il se passait tellement de choses. Et pas que dans ma tête. J’avais l’impression d’avoir de la magie au bout des doigts, des fois, tellement ce que je ressentais était fort. Des couleurs en moi, un peu comme des sorts qui se construisent.
Mais ils ne sortaient jamais.

Parfois, souvent, c’était trop fort, et comme ça ne sortait pas, ça me faisait mal. Alors je les utilisais dans ma tête, quand je pouvais. A la récréation, avant de m’endormir, quand je m’ennuyais vraiment trop en classe, quand je ne pouvais pas lire ou faire autre chose pour m’occuper la tête.

Je fermais les yeux et je me racontais des histoires. Ou des fois, je fermais juste les yeux, ça me suffisait. Quand je ferme les yeux, je vois plein de couleurs, comme des feux d’artifice derrière mes paupières. Mais parfois ça ne suffisait pas, alors je ratissais dans ma tête.
Ca ne sonne pas très glamour, dit comme ça. En vrai, je dessinais le râteau, je le visualisais, et j’imaginais la terre fertile dans ma tête, et je ratissais la terre, et je l’entretenais, et je plantais des graines. Après, j’arrosais et j’imaginais les plantes qui poussaient. Ca me calmait.

Un jour, alors que j’étais en vacances chez mes grands-parents, ma grand-mère m’a prise par la main et m’a dit « Viens, je t’emmène au cinéma. »
Je n’ai pas compris sur le coup d’où venait cette lubie. On était perdus en campagne profonde, mes principales occupations consistaient à ramasser des mures ou lire les vieilles BDs que mon père avait laissées.
Elle m’a conduite dans ma chambre, m’a fait asseoir sur le lit. Et m’a dit : « Tiens, regarde. L’écran il est devant toi. »
Le mur en face était fait de bois, de ce bois plein de rides et de nœuds, tant de choses qui racontent des histoires. Elle a commencé à me raconter des histoires avec le bois.
Et moi, sur le coup, je n’ai pas osé lui dire que je n’avais pas besoin qu’on appelle ça le cinéma. Que les nœuds dans le bois, ils me tenaient déjà compagnie tous les soirs. Qu’ils me racontaient déjà des histoires avant de m’endormir. Que j’avais déjà un copain-nœud en forme de papillon, là, en haut, à droite, au-dessus de la porte.
Je suis juste restée à me perdre dans le bois, un peu gênée qu’elle soit à côté de moi, en ne comprenant pas trop ce qu’elle attendait de moi. J’ai fait la surprise, je l’ai remerciée, elle a eu l’air contente et fière.
D’un côté, ça m’a peut-être soulagée de ne pas être la seule à voir les histoires dans les nœuds du bois. D’un autre, ça m’a dérangée d’avoir une intruse sur le territoire de mon imagination. L’un dans l’autre, impossible de me rappeler quand ça a eu lieu précisément, mais cet événement m’a marquée.

A cette époque, mon jardin commençait déjà à avoir du voisinage. D’aussi loin que je me souvienne, à vrai dire, il en a eu. Très vite, des bâtiments se sont construits, un peu plus ternes, plus « réels ». C’était normal, qu’ils s’installent : c’était là où j’allais tous les jours, c’était les mots que je répétais parce qu’on me les avait appris… Je ne m’inquiétais même pas de voir les bâtiments grandir jusqu’à former une petite agglomération, une petite ville. Au contraire, je les encourageais, j’allais me perdre dans les rues de cette ville nouvelle, le cœur battant.

Maintenant, quand je regarde le paysage dans ma tête, j’ai l’image d’un enfant perdu, avec en arrière-plan une ville grise et organique, qui s’étend, s’étend, l’étreint petit à petit mais s’effondre sur elle-même en même temps. Et l’enfant ne sait plus où aller pour retrouver son jardin.
L’image me serre la gorge. La tête dans les mains, crispées, je me tire les cheveux, me les arrache. Ça fait mal. Derrière moi la ville s’affale dans un grand fracas, je le sais, et je sais que je n’en sortirai pas indemne.

Il y a une limite au mensonge, celle qu’on atteint lorsqu’on n’en peut plus, lorsque tout semble superflu, qu’on s’est perdu, qu’on n’est plus rien.
Lorsqu’on se rend compte qu’encore maintenant, c’est la petite fille de cinq ans qui avait raison. Celle qui voulait écrire des livres, sociabilisait avec ses peluches parce qu’elles étaient les seules aux yeux desquelles elle existait. Celle qui se demandait pourquoi il fallait toujours qu’il y ait des histoires d’amour dans les livres. Celle qui se demandait aussi pourquoi il fallait absolument toujours faire attention à tout, toujours faire des efforts.
Celle qui avait su faire la différence entre le rêve nocturne, le rêve de vie et le rêve-fantasme, avant que les premiers prennent le dessus sur tout le reste, deviennent des terreurs nocturnes, et qu’il n’y ait plus ni rêve de vie ni fantasme.

Encore maintenant, j’ai l’impression d’avoir de la magie en moi, jusqu’au bout de mes doigts. Ça m’étreint, il suffit d’une émotion, d’une certitude, d’un changement d’accords dans la musique que j’écoute. C’est un peu comme les cris dans Skyrim, vous savez, la force qu’on canalise pour obtenir un pouvoir à travers le souffle ? Sauf que même en criant, le pouvoir ne sort pas. J’ai l’émotion qui grandit dans mon torse, une chaleur douce ou un grand froid, pour m’envahir tout le corps, jusqu’à exploser… et soit je plonge totalement dans cette émotion et finis immanquablement par pleurer toutes les larmes de mon corps, soit je noie ça dans une activité qui m’anesthésie, des parties de solitaire à n’en plus finir, des livres faciles à lire, l’apprentissage de pi par cœur…

Quand la ville a commencé à s’écrouler, je n’avais pas encore quinze ans. J’ai essayé de la réparer avec du scotch, parce que c’était tout ce que j’avais, et je me suis refermée sur toutes ces choses qui me permettaient de ne pas la voir.
Et je suis restée comme ça, à refuser parce que ce n’était pas possible que la ville s’écroule alors qu’elle était celle qu’on m’avait apprise à construire. Et plus j’essayais de la réparer avec du scotch, plus elle s’effondrait.

Mais ces derniers temps, petit peu par petit peu, j’ai essayé de sortir de la ville pour recommencer à jardiner dans ma tête. J’essaie de le faire minutieusement. Ça prend du temps, et souvent, la ville organique et morose reprend le dessus, ses tentacules sont toujours là et il faut que j’apprenne à  cohabiter avec elle sans qu’elle écrase mon jardin.

Mais petit à petit, mes plantations fleurissent, s’épanouissent, s’étendent. Des lettres de feuilles et de fleurs…

Quand tout aura fleuri, enfin, j’écrirai dans ma tête. Et ces mots-là auront un pouvoir qu’aucun autre n’aura, parce qu’ils seront à moi, totalement. C’est moi qui les ai faits pousser, grandir, alors que d’autres tentaient de les piétiner.

Il ne me permettra pas de lancer les boules de feu qui me picotent le bout des doigts, ni de crier les couleurs qui tournent en moi. Mais ce sera mon super pouvoir à moi.

**************

Aujourd’hui, 2 avril, c’est la journée mondiale de la sensibilisation à l’autisme.

C’est vaste, comme sujet.
Je ne sais pas exactement où je me place sur le spectre. Je ressens en couleur, je ressens certaines choses trop fort, ou au contraire je ne suis pas du tout sensible à certaines autres, je comprends trop vite et souvent de travers, ou alors je ne comprends rien du tout et j’angoisse. Le moindre changement me plonge dans une terreur sans nom que je réprime toujours plus fort. J’ai parfois du mal à m’exprimer parce que je pense en images, et je voudrais que ce soient les images qui sortent de ma bouche. Ecrire m’aide sur ce point.

On me dit souvent que « c’est pas possible », parce que je suis trop sociable, trop à l’aise en société. Je crois juste que la ville organique m’a bien appris à mettre mon masque, mais qu’il y a parfois des fissures. Il est possible aussi que je sois devenue réellement sociable et que ce ne soit pas un masque, mais un équilibre à trouver. C’est le plus probable, maintenant que j’y pense.
Ou alors peut-être que c’est juste de la douance, ou juste mon trouble d’identité, ou ma dépression ? Je sais qu’ « on » pourrait m’objecter que ce n’est qu’un surplus d’imagination qui vient me hanter jusque dans mes rêves trop vivides, un refus de grandir, voire de la paresse.
J’ai conscience qu’il y a beaucoup de choses qui entrent en jeu, et beaucoup de symptômes se recoupent entre différents diagnostics.

Je ne saurai sans doute jamais précisément. Quand la suspicion d’autisme a été posée, je n’ai pas souhaité faire les tests pour un diagnostic, parce qu’à 25 ans, c’était trop fastidieux, trop de démarches. C’est beaucoup trop difficile d’obtenir un diagnostic psy, quel qu’il soit. Je n’en ai même pas beaucoup parlé autour de moi, parce que je savais que de toute façon, tout ce que je récolterais, c’était des « mais nooon, pas toi ».

Alors j’essaie juste d’apprendre à vivre avec ce que je suis (quoi que ce soit que je suis), en m’acceptant et en trouvant les domaines qui me conviennent, dans lesquels je peux m’épanouir. Ce n’est pas facile quand on a l’impression de passer ses jours à faire semblant, quand on a passé vingt ans à placer ses efforts aux mauvais endroits. C’est un peu plus simple quand on se sent soutenu.

J’ai l’impression de faire partie de ceux qui « ont de la chance », parce que malgré tout j’ai réussi vaguement à construire quelque chose, même si maintenant j’ai l’impression qu’il faudrait tout détruire pour repartir de zéro, je crois que certaines bases pourraient rester. J’ai réussi à lier des amitiés fortes, à trouver des soupapes, et petit à petit, à démêler ce qui me fait aller bien de ce qui me fait aller mal. (Ce dernier point est encore en chantier, remarquez.)

Soyons honnêtes : je ne me sens pas très légitime. Alors vraiment, ne prenez pas ma démarche comme universelle. On est tous différents. Je ne parle au nom de personne d’autre que moi, je n’essaie pas de prêcher une parole unique, et encore moins de voler la parole à ceux qui sont vraiment concernés.
Pour cela, je vous renvoie à @RadioAutiste et à son hashtag attitré. J’y retrouve beaucoup de choses, et d’autres me sont totalement étrangères, mais ils en parlent bien, sans doute mieux que moi.
C’est aujourd’hui, mais c’est aussi tous les autres jours. Pour n’importe quel point qui touche au sujet, n’hésitez pas à vous renseigner. N’hésitez pas à en parler avec les concernés, et surtout à les écouter. Pour, je l’espère, pouvoir comprendre.
Vous n’imaginez pas à quel point ça fait du bien de se sentir compris.

La deuxième #MoissonDePrintemps est terminée !

Hé bien voilà. Le printemps est de retour. Cette année encore, il n’a pas raté le rendez-vous.
Et nous non plus !

(audio tiré de la très mignonne histoire audio qu’on trouve ici)

Rappelez-vous : le 1er mars, j’ai lancé cette deuxième Moisson de printemps.
Beaucoup des « anciens » de l’an dernier ont direct su de quoi il s’agissait, il y en a même quelques uns qui n’ont pas attendu l’annonce pour commencer ! Il faut dire qu’il y en a certains qui ont commencé à la réclamer dès décembre…

Mais d’autres se sont joints à nous, et cette année, nous avons été plus de 60 à partager, jour après jour, ces petites choses qui ont su nous arracher un sourire dans la journée, même un petit.
Oh, bien sûr, certains ne se sont servis du hashtags qu’une fois ou deux, et ont oublié ensuite, ou n’ont juste pas réussi, se sont découragés. Parce que trouver une chose, même toute petite, par jour…

« C’est difficile. »

Avec le nombre grandissant de participants, je me suis trouvée à répondre de nombreuses fois à des gens qui venaient me dire « Je ne trouve pas de moisson aujourd’hui. », ou « Et ça ? C’est bête mais ça compte ? ».
La vérité, c’est que c’est normal que l’exercice soit difficile. Il dérive de celui du gratitude journal, qu’on tient en général plus souvent par semaine que par jour. A l’époque où j’en tenais un, je trouvais cinq points par semaine, et j’avais du mal à le faire. Un point par jour, c’est beaucoup. Au début, il faut se forcer, le déclencher. Normalement, il y a des jours sans.
Globalement, vous avez tenu bon. Alors, oui, certains jours étaient moins « lumineux » que d’autres. Mais petit à petit les « c’est nul mais ça compte ? » se sont transformés en « C’est nul, mais ça compte quand même ». Parce que oui, même si ça pourrait paraître bête, si ça vous a fait vous sentir bien, alors ça compte. Et c’est tout ce qui compte.
Et que vous transformiez de vous-mêmes cette question en affirmation, c’était exactement le but de la Moisson.
Alors si vous faites partie de ceux qui sont allés jusqu’au bout : bravo. C’était compliqué, mais vous arrivez à repérer les petites choses qui vous font aller bien.
Et si vous n’avez pas réussi : ce n’est pas grave. C’est normal, parce que ce n’est pas simple. Maintenant que vous avez toutes les clefs en main, vous pouvez réessayer quand vous voulez. L’important, c’est d’avoir vu comment ça marchait ; la suite ne tient qu’à vous !

Ce qui nous fait aller bien.

Force est de constater que d’une année à l’autre, certains thèmes sont récurrents.
Clairement en tête, il y a tout d’abord celui de la BOUFFE. Cette année, les fraises sont revenues plus d’une fois. Mais ne nous mentons pas : de manière générale, un bon repas, ça met en joie. Et j’en ai vu passer un paquet, de photos de repas !
Il y a ensuite les toutes petites choses, les fameuses qui font poser la question « mais ça compte, ça ? »
Oui, s’acheter un nouveau jeu, passer un week-end à regarder des séries, avoir quelqu’un qui vous sourit dans la rue : ça compte. Ça compte même beaucoup.

Il y a aussi le ciel : quand il est bleu, quand il nous prouve que les journées se rallongent petit à petit… Mention spéciale aux quelques chutes de neige qu’on a pu avoir, qui auront bien fait parler d’elles dans les premiers jours de moisson !

Comparée à l’année dernière, cette Moisson a tout de même été plus verte, avec plein de fleurs, des jardins… et des lamas dans l’herbe.
Il y a la motivation pour les choses au quotidien. Cette année, beaucoup se sont félicités d’avoir repris l’exercice, de parvenir à le faire parce que ça leur fait du bien. C’est aussi, définitivement, un sujet à moisson :)

On a vu un peu moins de moissons cocasses ; en revanche, beaucoup plus de chats et de mignon ! C’était amusant de voir arriver ça soudainement dans ma TL. « Mon chat a été mignon et ça a fait ma journée ! »
C’est vrai que parfois, c’est tout ce dont on a besoin. Plus d’une fois, vos chats m’ont fait rire. J’avoue.

Et puis on a eu les étapes franchies dans la vie. Plusieurs personnes ont trouvé leur nouvel appartement, voire déménagé. Plusieurs se sont mises en couple ; d’autres ont simplement donné un autre jour à leur couple.

Avec plus de participants, en revanche, on a commencé à perdre l’aspect « petite communauté » de l’an dernier. Pour autant, ça n’a pas empêché des partages entre vous, avec des sous-groupes qui se sont distingués. Normal, quand on commence à être nombreux ! La Moisson, c’est aussi un partage, et je suis contente d’en avoir vu plusieurs échanger ici et là. Tout ça encourage à tenir le coup jusqu’au bout.

Vous n’êtes pas sans savoir que Twitter a changé son algorithme dernièrement. Du coup, je n’ai pas pu moissonner aussi souvent que je l’aurais voulu, et je suis persuadée d’avoir raté certains de vos tweets. Si je n’ai pas retweeté, pas réagi à certaines choses que vous avez envoyé, ou si vous n’êtes pas mentionné plus bas, je vous prie de m’excuser.

Et maintenant ?

Le truc avec cette moisson, c’est que comme on la fait pour attendre le printemps, elle se termine quand il arrive… et du coup, c’est une fin un peu abrupte.
« Oh, déjà ? Je commençais juste à y prendre goût… »
Mais oui, c’est là toute la beauté de la chose. En 20 jours, vous avez appris à repérer ces petites choses, à les déclencher parfois. Vous avez pu en faire un automatisme, un moment de partager ce bonheur…

Maintenant que vous l’avez, ne perdez pas ça.

La gratitude, on peut continuer à la montrer au quotidien. Vous pouvez commencer un gratitude journal hebdomadaire, par exemple. Ou alors, simplement, continuer à le faire de temps en temps, juste comme ça.
L’an passé, je vous avais donné le hashtag #MoissonDeVie pour prolonger le partage. Il n’avait pas été très repris… mais qui sait, cette année ?
Quelle que soit la période de l’année, ce hashtag-là est toujours valable. Il n’y a plus de cartes postales à la clef, bien sûr. Ça, c’était juste un moyen de vous motiver à tenir le coup jusqu’au bout, pour que vous preniez cette habitude !
Mais il est là, si vous en avez envie, pour continuer à partager ces sourires. Personnellement, je continuerai à l’utiliser. C’est joli, une moisson de vie.

Et de mon côté, comme promis, je vais écrire. Une nouvelle « feel good » d’abord, qui m’a été inspirée par certaines de vos moissons et qui sera ma nouvelle de mars. Et ensuite… plein de cartes postales !

Alors @cat_ghostcat, @raekihi, @_safronia_, @leloupquidort, @my_quiche, @yotroll, @avestrit, @starlightsmuse, @nyrelis, @d0c-addict, @darkrikets, @katzenlyly, @hangup71, @lilibel, @no_ahm, @foxtrotteur, @poulpette, @megalalette, @kazog29, @squirrelwatou, @himeija, @wolvesrealm33, @maitrezebre, @talpalevantis, @principerelatif, @lyleaciel, @letipex, @scailyna, @chris_mallory, @ugosansleh, @mrgxprz, @alyssesk, @cieldorage, @palinka, @space_medusa, @ichtyophobe, @finrielle, @v4rp1e, @mastazodoh, @maokiel, @ventmoqueur, @besomba, @playyearcaro, @abbysyclette, @docteurculotte, @shuuyukun, @megalalette, @tut_tuuut, @negativejolteon, @edwardnewgateh, @owlreline, @hiboudiurne, @adeleeasmacott, @imladrik, @studinano, @lemondedugnome, @sirered, @melissandre_l, @folkaryspkm, @flowjag, @odettegoldfish, @keltounet…
(La liste est longue : oui, je sais, certains d’entre vous ont pris en cours de route, ont oublié des jours, n’ont pas tenu jusqu’au bout. Mais parfois je suis un peu une menteuse… comme quand je dis que je n’enverrai qu’à ceux qui vont jusqu’au bout. L’important, c’est que vous ayez essayé, que vous ayez vu comment ça fonctionnait, et que, peut-être, vous avez pu en tirer du positif.)

C’est le moment pour vous de m’envoyer un e-mail à lia[at]erreur404[point]eu, avec en intitulé « moisson de printemps », et votre adresse postale et votre @ dans le corps du message ! :)
L’an passé, j’avais un peu traîné à envoyer mes cartes, alors la plupart étaient parties de Suède, c’était bonus ! Cette année, je prévois des voyages que je ne pourrai peut-être pas faire, mais qui sait… Du coup, vous pouvez me préciser si vous voulez que vos cartes soient envoyées soit du Pays des Merveilles, soit d’Irlande, soit de Pologne, soit de Suède. Sinon, je ferai à l’envie ! :)

A nouveau, un grand merci à tous pour cet échange de positivisme, et surtout, à nouveau, bravo pour avoir participé. J’espère de tout cœur que vous saurez toujours repérer vos moissons, ou même les déclencher. Ce sont ces petites choses qui font notre force : gardez toujours l’œil ouvert !

Ode à Sabaton

Je n’ai encore jamais dédié un article complet à une seule oeuvre/un seul artiste, si ?
(A part si on compte l‘article que j’ai fait pour présenter ma nouvelle illustration de menu… mais pas sûre que ce soit dans la même catégorie que l’article que je m’apprête à rédiger.)

Quand j’ai ouvert ce blog, je me suis dit que j’en profiterais pour faire des articles courts, de temps en temps, pour parler de mes coups de cœur. C’est à ça que devait servir la catégorie « coups de cœur culturels » (qui n’a pour le moment guère servi, sauf pour les TFGA).
Finalement, les articles se sont transformés pour beaucoup en coups de gueule, et se sont allongés. Je vais donc essayer de revenir aujourd’hui au but premier du blog, même si on s’en est bien éloigné, et vous parler d’un sujet qui a largement dépassé le coup de cœur chez moi.

Sabaton. (Et le Sabaton Open Air, accessoirement.)

Si ça fait quelque temps que vous me suivez, vous avez déjà forcément entendu parler de tout ça : après tout, c’était une des motivations premières de #LiaEnScandinavie, aller voir le Sabaton Open Air. J’ai un lien tout particulier avec ce groupe, maintenant, et des souvenirs liés qui sont tous plus marquants les uns que les autres.

Mais avant de partir dans le personnel, un petit point sur Sabaton. Donc : Sabaton, c’est quoi ?

Une vidéo valant mieux que de longs pavés, voilà : Sabaton, c’est ça.

Deux guitaristes, un bassiste, un chanteur, un batteur. La composition du groupe a changé depuis sa formation, bien sûr, mais l’essentiel est là. (Et en plus, un des guitaristes est plutôt très graphiquement optimisé…mais là c’est mon côté groupie qui parle.)

Du power metal hyper efficace, des mélodies entêtantes qu’on peut chantonner encore trois semaines après les avoir entendues. De l’énergie pure en portées musicales avec un groupe qui arrive à déplacer les foules. Ca se chante à tue-tête, ça se danse. Chaque concert est une fête, et avec le charisme fou de leur chanteur (et le capital sympathie +++ des autres membres), c’est aussi un show hyper bien rôdé, dans lequel non seulement on entend de la bonne musique, mais en plus on rit et on s’éclate. (A ce jour, Sabaton demeure le seul groupe que j’aie vu sur scène à faire des « setlists dont vous êtes le héros », ou échanger des fringues avec le public, public qui ne les laisse pas prendre la parole d’ailleurs).
Le seul truc qui me dérangeait, chez eux, c’était leur thème. Le thème persistant de la guerre, c’était un peu un malaise pour moi, surtout que bon, ils sont bien gentils ces Suédois, mais concrètement, les dernières grandes guerres, on les a pas sentis trop concernés (en tout cas pas dans nos livres d’histoire à nous.)

Et puis finalement, c’est un thème comme un autre… qui plus est un thème qui donne des chansons souvent associées à des histoires passionnantes.
Franchement, Sabaton est le seul groupe que je connaisse qui ait fait son propre site de paroles officielles, sur lequel sont également expliqués les faits auxquels les chansons font référence. Et ça s’appelle Sabaton History Channel, rien que ça. Accessoirement, ils ont aussi fait la soundtrack de Europa Universalis IV : bref, ils ont choisi leur sujet en connaissance de cause et pour le coup, un thème pareil, ils ne sont pas près de tomber à cours d’inspiration.
Et en plus ça aide à apprendre ses dates pour le bac d’histoire, alors : que du bon.

Sabaton, je les ai découverts en 2009, à Lyon, en première partie d’Hammerfall. Concert de folie, ce jour-là, et en plus j’étais très bien accompagnée.
Pas de chance : le public lyonnais (en tout cas à l’époque, je ne sais pas maintenant) est souvent odieux avec les premières parties. Si quelques fans semblent s’être déplacés pour Sabaton, beaucoup semblent là pour Hammerfall et uniquement Hammerfall. Vous savez, ce genre de public qui ne bougera pas le petit doigt si ce n’est pas son groupe ?
Mais public réticent ou pas, en tout cas la sauce a pris pour nous (mes deux cousins, une de mes meilleures amies et moi) et nous avons franchement remué au premier rang, tant et si bien que le groupe nous avait repéré et nous lançait mediator sur mediator… (qu’on a fini par tous rater.)
Premier live de Sabaton, première claque, ils avaient gagné des fans. Nous avons scandé tout le concert « Sabaston, sabaston ! », parce que ça leur allait tellement bien…

Ils ne sont pas repassés pendant un moment, et puis finalement, après un énorme changement de lineup, ils ont reparu en tête d’affiche cette fois-ci, en 2012. Ce concert aussi m’a marqué : premier rang toujours, le public qui ne laissait pas Joakim, le chanteur, parler, les gens qui chantaient et dansaient, les blagues stupides, le tonus du groupe. Le batteur qui jette son tee-shirt sur l’amie qui m’avait offert ma place de concert, aussi, parce qu’elle mimait la groupie et que lui a joué le jeu. SI je me rappelle bien, c’est aussi mon premier concert avec Geitz (à qui je dois un peu #LiaEnScandinavie, rappelez-vous. Je sais, il faut suivre !)
Mon amour pour Sabaton était confirmé.

2013 et le Wacken Open Air, dont la vidéo ci-dessus est tirée. Plus de suprise : l’humour est là, la proximité avec le public aussi, l’énergie toujours au rendez-vous, les chansons toujours efficaces.

En 2014, Sabaton sort son nouvel album, Heroes, dont le clip du premier single m’interpelle par son thème. J’ai déjà travaillé sur le syndrome de stress post-traumatique et je trouve vraiment intéressant de leur part de faire de cette chanson et de ce clip le porte-parole d’une des réalités oubliées de la guerre.

 

 

Et puis après, en 2014, il m’arrive plein de trucs que je vous ai déjà racontés, je découvre ce que PTSD veut dire concrètement, et Sabaton repasse à Lyon. Quatrième concert de Sabaton, et rien n’y fait : c’est toujours aussi top, ils sont toujours aussi bons sur scène, et en plus, ils sont aussi humains qu’ils en ont l’air. Ils le confirment en 2015, quand je les vois dans leur ville natale, Falun, au Sabaton Open Air.

Sabaton, c’est quand même :
– un groupe qui écorche le latin (ça pourrait sembler impardonnable pour moi…), mais constitué de passionnés d’Histoire qui font des recherches historiques avant chaque album ;
– un groupe qui écoute les Histoires de ses fans et en font des chansons (Coat of Arms a été écrit essentiellement comme ça) ;
– un groupe dont le chanteur a offert ses lunettes à un gamin du premier rang qui fêtait ses douze ans le jour du concert, avant de faire chanter « Joyeux anniversaire » à toute la salle, puis de lui faire choisir la chanson qu’il veut ;
– un groupe qui reste près de ses roadies et les motive (voire les invite à bouffer)(et leur offre des trucs débiles) ;
– un chanteur qui a un jour perdu un pari et décrété qu’il traverserait la Norvège à pied pour aller à un festival. Et qui a failli le faire (il ne lui restait plus grand chose quand il a fini par abandonner pour sa santé) ;
– un groupe qui fait des tour vlogs en permanence (même quand ils ne font pas de tour) (génies de la com, les mecs) ;
– un groupe qui valorise tellement sa ville qu’il participe à plein de petits événements, va faire des cours de musique dans les écoles, tout en alternant avec des scènes énormes ;
– des mecs qui ont réussi à tous garder une vie personnelle stable (dans le milieu c’est pas toujours simple, bravo les gars) ;
– que de la gueule sur scène, mais ils assument et y vont jusqu’au bout (au point de faire des pompes sur scène. Pourquoi ? Juste parce que) ;
– un groupe qui prend les gens paumés dans leurs bras spontanément…

Bien sûr, beaucoup de ça peut être très superficiel. Je ne sais pas à quel point ils sont vraiment bien au quotidien. Mais dans leur relation avec leurs fans et avec leurs collègues, ils sont fantastiques.

Ce qui me conduit enfin à parler du fameux coup de cœur.

J’ai adoré le Sabaton Open Air. L’atmosphère chaleureuse et familiale d’un festival à taille humaine, le fait de connaître tout le monde au moins de vue en trois jours, les scènes pas forcément énormes mais avec des shows de qualité, le cadre camping… Du coup, j’ai eu envie de garder une trace et d’acheter le DVD Heroes on Tour, qui devait contenir ce fameux concert en plus de celui au Wacken Open Air (un concert « gros public », un concert « familial ». On verra plus loin que Sabaton ne déconne pas avec la famille).
Et quand on aime on ne compte pas, j’ai donc précommandé la version earbook dès son annonce de sortie.

Je ne regrette rien.

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Deux blu-ray que je garde sous le coude pour quand j’aurai un lecteur ; deux DVD ; un CD audio ; un poster de bonne qualité ; et surtout un magnifique bouquin plein de photos de live. Je suis sans doute trop matérialiste, mais c’est vraiment un bel objet que je suis contente d’avoir dans ma bibliothèque.
Et au-delà de l’objet même, c’est une véritable collection de souvenirs, cet enregistrement : revoir le concert de Falun, c’est retrouver les visages des gens au premier rang, ceux avec qui j’ai passé une journée complète, et ces visages dans la foule de ceux qui étaient mes voisins de tente, avec qui j’ai partagé une bière ou chanté ou discuté : le Loulou, mon hôte de couchsurfing A. en train d’installer la scène, les Finlandais, les vigiles, le Polish Panzer Battalion… C’est un peu comme un de ces albums photos de colonies de vacances, qu’on fait pour se rappeler des gens chouettes avec qui on ne discutera sans doute plus jamais, ou en tout cas jusqu’à la prochaine colo. En plus, le concert est bien fichu : ils ont décidé de suivre un ordre chronologique dans leurs chansons, entrecoupées d’anecdotes sur le parcours du groupe : une vraie rétrospective

, quoi.

Mais ce qui est vraiment chouette, en plus de tous ces souvenirs, c’est que Sabaton, une fois de plus, fait preuve de sa folie douce.
Le live de Falun est présenté en cinq minutes, avec des artistes invités, des roadies, la vidéo est mignonne. Et soudain, là où on ne s’y attendait pas : la catastrophe.

« Despite having put a man on the moon 50 years ago… we can apparently still not fix a multi track recording. »

Un mois après le concert, le groupe s’est aperçu que leur audio avait été mal enregistré. Il ne leur restait que des pistes mélangées, un gloubiboulga de son dont ils ne pouvaient rien faire, et les enregistrements de mauvaise qualité pris par les caméras. Que faire ? Je suppose qu’ils auraient pu se dire « Tant pis, on a déjà Wacken », mais Falun, c’était important, il fallait sauver la mise.
Alors Sabaton a étudié les possibilités, mis à contribution le génie de Peter Tägtgren (un de ces quatre, je vous parlerai de mon obsession sur Tägtgren, aussi, mais pas tout de suite). Ils ont ensuite extrait ce qu’ils pouvaient de la mauvaise bande son, monté la vidéo qu’ils ont apprise par cœur… puis se sont enfermés dans leur studio et ont refait tout leur set, en une prise, avec des conditions sonores qu’ils ont cherché à recréer aussi proche de la scène.

Autrement dit, les mecs se sont post-playbackés. Et le pire c’est que ça marche.

Ils auraient pu passer ça sous silence, mais ce n’est pas le genre de la maison. Sans se laisser démonter, Sabaton joue la clé de la transparence : dans l’introduction, ils expliquent donc le pourquoi du comment, la mise en place de la solution et proposent de voir l’image non seulement du concert… mais aussi celui de l’enregistrement studio fait pour sauver les meubles. Et franchement, pouvoir voir les deux, c’est hyper intéressant.

Le DVD permet donc facilement de passer d’un angle à un autre : celui du live, avec le public, les décors, les costumes, les feux d’artifice, ou celui du studio, où chacun est en jeans-basket-cheveux gras, affalé sur un sofa, en train de regarder la vidéo pour ce qu’on devine la deux-centième fois, mug de thé sur la table à côté… Et autant les images du live font remonter les souvenirs de l’été dernier, autant celles du studio réveillent une toute autre forme de souvenirs, ceux d’un petit groupe où j’étais claviériste, et qui s’est retrouvé plusieurs fois retrouvé à aménager des studios de fortune pour enregistrer de manière assez cavalière… Le guitariste et le bassiste qui font les ânes, le chanteur qui est sur son téléphone pendant les solos, Quelque part, ça me fait chaud au cœur de m’apercevoir que même en étant au niveau de renommée de Sabaton, on ne se défait pas de ce côté « à l’arrache » (mais pas trop) : ça leur donne une dimension encore plus humaine pour moi. En plus, j’ai l’impression que ça me fait vraiment deux lives en un : celui où j’étais, et celui où je les vois en studio. J’adore.

Alors voilà, mon coup de cœur : Heroes on Tour, qui non seulement correspond à mes attentes, mais en plus les dépasse de manière assez surprenante.

Je vous laisse donc sur un des plus beaux passages du concert, la « chanson émotion ». J’ai pleuré une fois, deux fois… Ça ne rate jamais pour moi.
J’espère que ça vous plaira. Et vraiment, si vous avez l’occasion de voir Sabaton en live un jour, même si vous n’aimez pas le power metal : foncez. C’est un show qui en vaut la peine.
De mon côté, j’affirme mon amour pour ce groupe, leur musique, leur énergie et leurs shows inoubliables ; mais aussi et surtout leur humanité et leur proximité.
Moi, je retournerai sûrement en Suède, pour les huit ans, ou neuf ans, ou dix ans du festival. Et peut-être comme volontaire, cette fois, pour passer de l’autre côté de la barrière.

(Vidéo garantie avec des vrais bouts de Loulou, de vigile gentil, de Lia et de Finlandais dedans.)

(Oui, je sais. J’avais dit que mes articles « coups de cœur » seraient courts…. Mais bon, c’est Sabaton. C’est normal.)

Et toi, à quoi tu sers ?

Il n’y a pas beaucoup d’enseignants que j’ai vraiment admirés, qui ont réellement fait une différence dans ma longue scolarité. En dix-neuf ans (de la primaire à mon dernier diplôme), j’en ai vu passer, pourtant, mais ils étaient rares, les passionnés, ceux qui étaient vraiment là avec la foi et l’envie de transmettre des choses à leurs élèves. Je dois pouvoir les compter sur mes deux mains.
Remarquez, maintenant que j’ai pu apercevoir l’envers du décor, je comprends mieux les cyniques qui profitaient du système, ceux qui débitaient toujours le même cours d’année en année, ceux qui avaient totalement abandonné ou ceux qui quittaient la salle en pleurant et ne revenaient qu’au bout de deux mois. Mais même si j’aurais plein de choses à dire là-dessus, ce n’est pas le sujet aujourd’hui.

Parmi ces passionnés, ces attentifs à leurs étudiants, à la pédagogie pas toujours adaptée mais qui essayaient et surtout écoutaient malgré tout, il y a eu Mme M.

Mme M, c’était ma prof de psychologie du développement entre 2013 et 2015. Une petite bonne femme pas bien haute, pas bien grosse, plus toute jeune, mais qui avait la force de vie de tous ses élèves rassemblés.
Elle était pénible, Mme M. Elle avait ses idéaux, ses exigences de travail, parfois elle était de ces profs qui croyaient qu’il n’y avait que leur matière et donnait donc une quantité monstrueuse de travail.

Et pourtant, Mme M., c’était une des profs les plus humains que j’aie eus. Après mon burnout, quand j’ai essayé de revenir en cours et que je lui ai montré l’arrêt de travail donné par le psy, elle m’a regardée et m’a balancé d’un ton sec : « Mais qu’est-ce que vous fichez ici ?! »
Elle n’y allait pas par quatre chemins, Mme M., quand elle avait des choses à dire, elle les disait. Elle était un peu crue, des fois.

Son ton était sec, mais elle ne m’a pas engueulée. Elle m’a fait comprendre que je n’avais rien à faire là, mais elle m’a laissé faire ce que je voulais. Moi, c’était encore un peu trop tôt pour que je comprenne, j’étais dans cet état d’esprit où « je ne pouvais surtout pas rater des cours, je ne pouvais déjà plus aller travailler, il fallait que je valide mon diplôme ». Elle m’a acceptée en cours, m’a dit de prendre soin de moi. Je suis restée les deux heures.
On a parlé d’apprentissage par l’analogie, ça aussi, il faudra que je vous en parle un de ces quatre.
Bon, les cours de Mme M., c’était un peu cryptique, parfois. On sentait qu’elle voulait qu’on comprenne, mais elle partait un peu dans tous les sens, des fois, avec des notions qu’on avait du mal à saisir.
Et puis elle nous a donné des dossiers à faire, avec une consigne principale, une seule.
« Peu importe le sujet : ils doivent faire sens. »

Perplexité dans l’assemblée. Faire sens, c’est quoi ?

« Vous ne vous forcerez pas à travailler sur des choses qui ne font pas sens ; vous ne feriez que recracher mes cours, ou paraphraser des bouquins, et moi, ça ne m’intéresse pas. Ca fait des années que des élèves me font des dossiers, et ce sont ceux qui ont trouvé les sujet qui faisaient sens pour eux qui étaient les plus riches. Intéressez-moi. Trouvez ce qui fait sens. »

Ses mots ont résonné. J’étais fragile, et tout ce qu’on me disait (surtout en cours de psychologie, vous pensez), je me le prenais de plein fouet. Là, évidemment, je ne pouvais que le prendre pour moi.
Rien ne faisait sens. Ma présence dans cette salle. La situation dans laquelle j’étais.
Je n’ai pas écouté la suite du cours. J’ai cherché le sens, mon sens. J’ai pris conscience que même en ayant passé un an à faire un mémoire sur « Making meanings » deux années plus tôt, je n’avais aucune idée de ce que ça pouvait vouloir dire.
Le cours s’est terminé, j’ai fui la salle en pleurant. Je lui ai dit merci, au revoir. Je ne suis pas retournée en cours du semestre. J’avais trop de choses à régler avant.

A la réflexion, déjà l’année d’avant, elle avait essayé de nous inculquer ça. Mais allez faire comprendre un truc pareil à des L2 de 19 ans avec autant de jugeotte qu’un collégien. Les élèves ont torché leurs dossiers, et voilà. (Moi, j’étais contente : ça m’a permis de justifier un travail de recherche sur le jeu de rôle dans le jeu vidéo. J’ai eu de la chance, et mon semestre a été intéressant.)

Et même en CM, elle nous parlait de sens. Elle en mettait, du sens, dans tout ce qu’elle faisait, elle. Elle ne devait pas être loin de la retraite, mais qu’est-ce qu’elle se démenait ! Elle faisait des cours de licence, de master, organisait des colloques, tenait des permanences exprès pour ses élèves (et ils n’étaient pas nombreux à le faire.)
Elle donnait tout pour ses élèves. Ce qui faisait sens, pour elle, c’était de les accompagner. C’est de loin une des profs les plus dévoués que j’ai eus.

A côté de ça, Mme M. était gravement malade. Déjà l’année d’avant, elle avait raté beaucoup de cours.
Peu de temps après que j’ai arrêté d’aller à la fac, après mon burnout, un remplaçant a pris sa relève pour la plupart de ses cours, dont les miens, pendant qu’elle assurait encore ses permanences. Pour ses élèves.
Puis, lorsqu’elle n’a vraiment plus pu, elle n’a plus assuré ses permanences.

Je n’ai jamais revu Mme M. depuis ce jour où elle m’a fait durement comprendre qu’on ne faisait que survivre quand on se forçait à faire des choses qui n’avaient aucun sens.
A la fin de l’année 2014, je recevais un e-mail de l’université : jusqu’au bout, elle s’était accroché à son sens, en essayant de nous enseigner comment trouver le nôtre. Mais moins d’un mois après sa dernière apparition à la fac, sa maladie avait eu raison d’elle.

Ce soir-là, j’allais fêter le nouvel an. Mais d’abord, j’ai pleuré.

Depuis, je cherche ce qui fait sens.

Et cette question hante mon quotidien, en permanence.

« A quoi ça rime, tout ça ? Pourquoi je fais ça ? »

Je cherche les moments où je me sens réellement en vie, et ils sont rares. Ces moments où je sens que je sers.

« A quoi tu sers ? »

On l’entend souvent, entre potes, ou on le voit sur internet : « Pfff, tu sers vraiment à rien. »

C’est désuet, et pourtant, cette idée de servir est centrale pour moi.
C’est ma vision des choses mais « servir », c’est comme « faire sens », comme « être à sa place ».

Pourtant, c’est dur de servir à quelque chose, par les temps qui courent. Ou en tout cas, c’est l’impression qu’on me donne.

« De la recherche en linguistique ? Ca sert à quoi ? »

C’est ma passion. Ca m’enrichit. Ca me permet d’en parler avec les gens, de réfléchir à l’impact de nos mots sur la société…

« C’est bien beau mais c’est encore nous qui allons payer un truc qui sert à rien avec nos impôts ! »

…ça ne sert pas à rien. Le langage est ce qui forme notre réalité. Mais ça ne se monnaie pas, non.

« Ben oui ma petite, mais faut bien que tu serves à la société pour t’intégrer ! »

Ca ne se monnaie pas, alors socialement, c’est inutile.

« Je vois bien votre profil, vous, et vous voulez bien faire, mais concrètement, vous ne serviriez à rien dans l’entreprise. Nous on veut des experts, des gens qui ont de l’expérience. »

La bonne volonté, celle de bien faire, de faire avancer les choses, ça ne sert à rien. Ca ne se monnaie pas, non plus. Ca s’admire, ça se respecte. Mais s’il n’y a pas autre chose à côté, c’est inutile.

« T’es bien gentille mais c’est pas avec tes belles paroles que tu vas faire avancer la boîte. Alors oui on écoute nos employés, mais non on ne va pas payer plus pour qu’ils se sentent mieux. Au mieux, on fera ce qu’il faut pour leur mettre de la poudre aux yeux. »

Quel que soit le milieu, toujours la même rengaine. Il ne fait pas bon être idéaliste, il ne fait pas bon vouloir se mettre au service du bien-être des gens.
Tu veux être prof et bien faire ton boulot ? C’est dommage. Les choses font que tu ne peux plus gérer tes élèves au cas par cas vu le nombre, tu ne peux pas les écouter, tu ne peux pas les accompagner. De toute façon, si tu le fais, on te tombera dessus, parents ou supérieurs. Il faut juste les fondre dans un moule, ou les laisser couler, et surtout, surtout, que le lycée ait des bonnes notes à la fin (il n’y a qu’à voir le système de notation du bac).
Tu veux aider autrui à son insertion professionnelle ? Alors pour les jeunes, n’y pense même pas. Si ce sont des élèves, tu les verras une demi-journée sur l’année, et on t’aura dicté tout ce qu’il faut leur dire. Il ne faudrait quand même pas qu’ils sortent des rangs. Des moins jeunes ? Très bien, on va te donner un portefeuille de jeunes actifs (oui, « un portefeuille », rien que le terme…), et tu auras là encore une heure par mois à leur accorder maximum, tout en leur proposant le plus de choses possibles pour t’en débarasser au plus vite. Tu voulais les écouter et leur apporter un suivi spécialisé ? Dommage.
Du chiffre, toujours du chiffre.
Tu veux que les travailleurs se sentent bien dans leur travail ? Tu ne crois quand même pas que l’entreprise va payer pour ça. Il ne faut pas exagérer, il n’y a pas d’argent à mettre là-dedans. Au mieux, on paie un partenariat avec une écoute psy, hop-là, conscience tranquille, s’ils ne sont pas bien ils savent où aller. Mais améliorer les conditions de travail, non non non. Trop d’investissement, trop de changement. Il faudrait voir à ne pas tout bousculer. Et puis, oh : tout ça a un coût. C’est plus simple de garder un turnover élevé, regarde : les salariés partent d’eux-mêmes…

Je ne parle que des milieux que j’ai fréquentés. Je ne prétends pas détenir le savoir ultime. Pourtant, après avoir discuté avec beaucoup de monde, de plusieurs milieux différents, c’est la même chose qui ressort, encore et encore : résultats immédiats, le profit avant tout, il faut de l’argent pour vivre après tout.

En politique, c’est pareil, d’ailleurs. Il ne faudrait pas songer à une politique meilleure sur le long terme : le long terme, c’est cinq ans, c’est la réelection. Après, on verra. Plus loin, peu importe. Il faut se mettre les gens dans la poche… leur argent avec.

Il y a une faille énorme dans notre système actuel. Il fonctionnerait probablement à merveille pour des robots qui carbureraient aux billets verts .
Le problème, c’est que nous sommes humains. Et la valeur de notre humanité, elle, ne se compte pas en euros.

Il faut de l’argent pour vivre, mais pas vivre pour l’argent.
J’aimerais ajouter une ligne : si l’argent aide à vivre, on a d’abord besoin de notre humanité. Sinon, à quoi bon vivre ?

Il y a servir et servir. Il y a ce « tu ne sers à rien » qu’on vous balance, parce que vous n’êtes pas bien dans les cases de la société et qu’ « on ne peut rien faire de vous ». Vous ne servez à rien parce que vous ne valez rien, dans le grand supermarché de l’emploi. On ne va pas vous acheter, vous payer à « ne rien faire ».

Et puis il y a ce « je suis là, et je sers. » Celui qui a du sens. Celui qui veut dire qu’on sert à soi, aux autres. Celui qui fait aller les gens mieux. Celui qui indique qu’on a trouvé notre place.
Ca peut être quelqu’un qui vous dit merci, ou un simple sourire.
Ca peut aussi, simplement, être ce sentiment intérieur et profondément chaleureux de savoir que ce qu’on fait, là, on le fait bien, et que quelque part, on rend les gens heureux.
Et loin des beaux discours, tout ça : On change la vie.
(Oui, j’ose Goldman.)

Je ne sais pas vous, mais je suis à cette étape de ma vie où je choisis entre servir à une société qui n’a aucun sens pour moi, qui tourne autour d’une notion qui en a encore moins, celle de l’argent… et servir à moi-même et à mon entourage, changer la vie, à petit pas, plutôt que m’enfermer dans un système qui ne fonctionne pas et qu’on voudrait rendre encore plus dysfonctionnel.

Alors peut-être que je dis ça parce que j’ai toujours connu le confort, le luxe de ne pas être vraiment dans le besoin… Mais soyons honnêtes : si je ne dois plus manger qu’un repas par jour ou moins, lequel sera constitué exclusivement de pâtes, pour pouvoir choisir le « servir » qui a du sens, je le ferai.

Je ne ferai que ce en quoi je crois.

Je ne dis pas non à un travail salarié, mais le supermarché de l’emploi s’arrête ici, pour moi. Je ne suis pas un produit sur un rayonnage, qu’on prend et qu’on jette parce qu’il est trop cher ou moins bien.
Mes expériences passées m’ont fait comprendre que toute relation implique un respect mutuel. Dans une relation amoureuse, désormais, si on me pousse à abandonner ce que je suis, je claque la porte sans retenue.
Je ne vois pas en quoi ce serait différent dans une relation de travail.
Les DRH ont le droit de se montrer exigeants dans leur recrutement, et je les comprends ; mais j’ai moi aussi le droit de me montrer exigeante quant au poste que j’occuperai, la boîte dans laquelle je travaillerai.
Salariée, pourquoi pas, mais l’entreprise a intérêt à être à la hauteur.
Et surtout, surtout, le boulot a intérêt à avoir du sens pour moi.

Ca ne va pas être facile : ce qui a du sens pour moi ne se monnaie pas. C’est l’échange humain, c’est ce soutien, cet apport, ce sourire sur le visage des gens, sans aucune autre contrepartie – car toute monétisation de cet échange lui ferait perdre tout son sens.
Je garde en moi la conviction qu’il est possible de trouver un équilibre de ce genre, même dans le monde salarial. Je dis juste qu’on n’y est pas encouragé. Il faut bien s’entendre avec ses collègues, mais pas trop (alors qu’une équipe réellement soudée ferait tellement de miracles). Il faut être proche de sa hiérarchie, mais pas trop (alors qu’enlever l’épée de Damoclès qu’elle fait peser sur nous en permanence rendrait les choses tellement plus vivables). Il faut grossir et grossir encore pour faire toujours plus de chiffres, alors que partager le marché entre de nombreuses petites entreprises rétablirait sans doute un équilibre et éviterait surtout considérablement les dérives de bureaucratie telles qu’on les connaître trop bien chez nous, celles qui annihilent toute efficacité et tout le sens lié initialement à l’entreprise

Appelez-moi idéaliste. Pas de souci. Je vois l’état social actuel : je vous comprendrai même.

Mais n’empêche qu’entre faire 35h par semaine un boulot non-précaire qui me grignote de l’intérieur, me dévore toute mon énergie, me privant au passage de mon temps libre, et surtout n’a plus aucun sens autre que « il faut bien gagner sa vie » ; et m’adonner 40 à 50h par semaine à quelque chose auquel je crois fermement, qui me donne de l’énergie au lieu de me la voler, et donne un sens tout humain à ma vie, mon choix est tout fait.

Vous savez, ce que j’ai dit, plus haut, comme quoi le langage est ce qui définit notre réalité ?
Je vous propose de redéfinir nos réalités sociales en arrêtant les abus de langages : nous n’avons pas à « gagner notre vie ».
Notre vie, on l’a, dès notre naissance. Ce n’est pas quelque chose qui se gagne. Ce n’est pas quelque chose que des gens « supérieurs » vont nous autoriser à avoir avec de l’argent. Personne n’a le droit de vie sur nous ; nous ne sommes pas des esclaves. Nous n’avons pas à être des serveuses automates. (Oui, j’ai revu Starmania dernièrement. C’est fou ce que c’est d’actualité.)
Arrêtons de « gagner nos vies ».

Nous avons le droit de vivre, pour nous, et plus que tout, nous avons le droit de donner un sens à nos vie. Un sens autre que celui de « servir » à une société qui marche sur la tête. Un sens autre que l’argent.
Parce qu’on vaut mieux que ça.
On vaut mieux qu’être des produits de consommation dans un grand supermarché de l’emploi qui n’a plus aucun sens.

Parce que notre humanité, c’est elle le sens. Et elle n’a pas de prix.

Merci pour vos enseignements, Mme M.

Nouvelle tête, nouvelle vie

J’ai au bas mot quatre articles démesurément longs en cours d’écriture, au point que je n’ai absolument pas avancé dans mes TFGA.
Je suis à ce stade où j’ai tellement de choses dans la tête que j’ai du mal à les coucher sur le papier. On m’aurait dit au Nouvel An qu’en deux mois, j’aurais réussi à rendre ma vie si compliquée, je ne l’aurais pas cru. J’ai le chic pour me mettre dans des situations nulles.
Ça finira par me passer ; en attendant, mes articles prennent du retard et je n’aime pas beaucoup ça !

Du coup, je profite d’une occasion que j’attendais depuis un moment pour pondre un nouvel article court, qui sera, en plus, ma #MoissonDePrintemps du jour.
Depuis la refonte de mon site, je suis en recherche d’une image qui corresponde à l’esprit du lieu pour mettre en image de fond de menu. J’avais donc innocemment posé la question sur Twitter : « Vous auriez une idée d’une image qui me représente ? »
Après quelques propositions (beaucoup d’entre elles étant liées à Daria, à cause de mon fameux avatar), c’est finalement celle de Ragator qui gagne la palme : Arkady, de Michael Whelan. De par sa composition, sa clarté, son thème et le personnage qui a l’air de se demander ce qu’elle fait là, tout me parle. En plus, c’est la couverture de Fondation, d’Isaac Asimov, et ça reste aussi bien dans mes centres d’intérêts. Bref, c’était parfait, à un détail près : je n’avais pas les droits de l’image, et je n’avais certainement pas assez d’argent pour me les payer.

Du coup, je me suis dit « tant pis, je le garde en placeholder, juste le temps de me faire mon propre fond ». Et depuis, à chaque fois que j’allais sur mon site, ça me brûlait les yeux. Ça ne me plaisait pas bien d’avoir « ma page à moi » représentée par un dessin « pas à moi du tout. » J’ai essayé de me faire mon propre dessin, mais à chaque fois, c’était un échec.
Et puis, il y a de cela un mois et quelques, le sujet est venu sur le tapis avec Elliott.

Elliott, c’est le graphiste de la Triiiniteam. C’est aussi un excellent graphiste tout court, et en plus de ça, il fait de la musique qui déchire. Je l’ai d’abord connu grâce à son groupe feu Sceanereel, puis au détour d’un repas végé durant lequel on a parlé jeux vidéo pendant une heure (et c’était bien). Avec le temps, j’ai découvert qu’en fait, Elliott, c’était un peu mon « ça », mon alter-ego maléfique avec qui on n’est jamais d’accord (mais finalement au bout du compte si, il faut juste qu’on débatte longtemps pour qu’on s’en rende compte).

Je lui ai parlé de mes idées, ça l’a emballé, et il a pondu un croquis qui allait au-delà de ce que j’avais imaginé. On en a beaucoup parlé, Avec pas moins de quatre références culturelles (ne cherchez pas, vous ne les trouverez pas toutes, elles sont très bien cachées, c’est plus de la private joke à moi-même qu’autre chose), des couleurs vibrantes, et même une diagonale visage-Poui subtile mais ô combien réjouissante, l’illustration est désormais terminée. Et elle parfaite.

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Sur son profil Behance, Elliott a même posté une animation du step-by-step. Et il y en a eu plein, des étapes !

Voilà donc, pour aujourd’hui, mon petit rayon de soleil : un look enfin « à moi » pour ce site. Ça me permet de relativiser l’absence de nouveaux articles ces derniers temps. Maintenant, je vais m’atteler petit à petit à remplir les catégories encore « en chantier » : la couture, les dessins… Il y a encore du travail avant que je puisse considérer les travaux terminés ! J’aurai sans doute moult à vous raconter. Affaire à suivre…

#MoissonDePrintemps, c’est reparti !

Je ne sais pas comment c’est chez vous, mais en ce moment, le ciel chez moi ressemble à ça :

beurkBeurk.

C’est gris, c’est moche, ça donne envie de se blottir chez soi et ne pas ressortir tant que le soleil n’aura pas réussi à percer au moins un ou deux nuages avec ses rayons.

A cette période, le gris n’est pas seulement au-dessus de nos têtes. Il s’installe aussi petit à petit dans nos têtes, dans nos poitrines, pour certains ils nous grignotent même franchement de l’intérieur…
?Pour lutter contre la grisaille, on n’a pas des masses d’armes. Même si j’aime beaucoup la solution du ventilateur géant qui pousserait les nuages pour laisser la place au soleil, ?ou celle du méga-harpon pour attraper le soleil et le tirer de l’autre côté des nuages, la petite voix dans ma tête qui a, elle, écouté en cours de sciences, me dit que c’est une très mauvaise idée.
Alors faute de mieux, il faut se raccrocher à ce qu’on peut.

Voilà donc ce que je vous propose pour tenir le coup en attendant les beaux jours : une nouvelle #MoissonDePrintemps !

La #MoissonDePrintemps, c’est quoi ?

On en a déjà fait une l’an dernier, rappelez-vous, ceux qui étaient là : j’avais lancé des articles pour en célébrer le début et la fin.

Le principe est simple : on attend tous le retour des beaux jours, le printemps, quoi. Alors je vous propose de l’attendre ensemble, et d’alléger le gris du quotidien en partageant entre nous ces petites choses de la vie que nous avons vues, entendues, vécues. Ces petites choses qui ont fait briller nos yeux ou nous ont arraché un sourire, qui nous ont inspiré, parfois, aussi.
Pour faciliter le partage, j’ai proposé l’an passé le hashtag #MoissonDePrintemps, adopté à l’unanimité. Si vous le recherchez sur Twitter, vous trouverez plein de petites tranches de vie mignonnes, inspirantes, un bon remède contre les périodes difficiles quoi !
Egalement, l’année dernière, cette moisson était une bonne excuse pour deux choses : la première, c’était que j’aimais envoyer des cartes postales et je voulais en envoyer. Alors j’avais promis d’en envoyer à tous ceux qui participeraient (promesse tenue, d’ailleurs, six mois plus tard). La deuxième, c’était que j’étais en plein Projet Bradbury, et j’avais besoin d’inspiration pour des nouvelles chaque semaine. La moisson m’en a fourni plein ! Cette année, j’ai diminué le rythme et n’en suis plus qu’à une nouvelle par mois, mais je compte bien rendre cette moisson aussi inspirante que possible malgré tout.

Alors, voilà mon invitation, pour cette année :
– On partage tous notre (ou nos ?) #MoissonDePrintemps quotidiennes.
– Cette fois-ci, je ne ferai qu’un texte avec mes inspirations de moisson, à la fin. Ce sera mon texte du mois de mars !
– Comme l’an passé (avec un peu moins de retard, peut-être ?), j’enverrai une carte postale à ceux qui tiennent le coup jusqu’au 20 ! (Sous réserve que vous me donniez votre adresse, bien sûr. J’avais eu quelques soucis l’an passé pour moissonner les adresses…)

On ne fera pas arriver le printemps du jour au lendemain, mais ensemble, on peut préparer son arrivée… à travers plein de petites choses positives !

Vous en êtes ? :)

(Pour ceux qui nous rejoignent en cours de route : n’hésitez pas à participer également ! Plus on est de fous, plus on moissonne du bonheur :) Tant que vous tenez le coup jusqu’au bout, quel que soit le moment où vous arriviez, ça marche quand même !)

TFGA 2 : Les morts les plus marquantes

Je pensais vous faire un article beaucoup plus ambitieux cette semaine, mais comme d’habitude, la semaine a été trop courte. Alors tant pis, il va falloir me lire pendant que je ressasse mes souvenirs vidéoludiques. (Oh ben zut alors!)

Je me lance donc dans ce deuxième TFGA qui, je l’annonce immédiatement, va être PLEIN DE SPOILERS. Car le thème de cette semaine, c’est «les morts les plus marquantes».

Le ton est donné, vous voilà avertis.
J’espère néanmoins que vous trouverez votre compte dans ce petit top 5 !

#5 : Lux Pain, de Killaware

J’ai un peu parlé de Lux Pain sur Twitter dernièrement, parce que je me suis replongée dedans il y a une dizaine de jours. J’avoue, c’est en grande partie la faute de cet article. Quand on m’a dit «mort la plus marquante», c’est un des premiers jeux qui m’est venu en tête.

Lux Pain, c’est un visual novel un peu atypique (pas trop non plus, n’exagérons rien), avec une atmosphère vraiment particulière : moitié légère et « vie lycéenne », quasi dating-sim sur certains points… et moitié lourde et oppressante avec une histoire vraiment dérangeante parfois.
Alors au début on s’attache, on trouve les personnages mignons, on ne s’attend pas forcément à ce qui vient après, on se dit que le jeu a une volonté de background intéressant mais qu’en fait c’est un dating sim comme un autre…
…et une fois que notre méfiance est bien endormie, le jeu frappe. Un à un, les personnages tombent comme des mouches, alors qu’on ne s’y attendait plus du tout. Et le jeu prend une toute autre ambiance, glauque, pesante. (J’ai souvenir d’avoir fini par me sentir vraiment mal en jouant et même arrêté d’y jouer un moment, car j’étais trop sensible au mal-être des personnages…)

Beaucoup de morts sont marquantes, mais parmi elles, une en particulier laisse un goût amer : celle de Yayoi Kamishiro, dont la sœur arrive paniquée à un moment car elle a disparu. L’accès à la carte qui permet de se déplacer de lieu en lieu se débloque et on a alors droit à 3 essais maximum pour retrouver Yayoi.
Si on échoue, elle met fin à ses jours et l’impact sur l’histoire (et le moral du joueur) est assez significatif.

Mais cette première mort n’est que la première d’une longue suite… il faut avoir le cœur bien accroché.
Bref, en termes de morts, ce jeu est un des premiers à me venir à l’esprit. Et franchement, malgré sa localisation tristement désastreuse, il reste extrêmement immersif — et vraiment dérangeant.

#4 : Sam and Max saison 3 – The Devil’s Playhouse, de Telltale Games

Vous commencez à me connaître : Sam and Max, c’est une institution, chez moi.

Faut-il vraiment que je vous re-présente ce duo de casse-cous (mais pas les leurs) ?
Un chien, un (truc qui ressemble vaguement à un) lapin, des gros flingues, de la violence stupide et gratuite, des enquêtes totalement improbables, des non-sequitur à coucher dehors pour les résoudre. Une logique bien spéciale à acquérir pour avancer aussi, à base d’objets incongrus combinés avec d’autres objets incongrus… Bref : tout ce que j’aime.

J’ai mis un moment avant de faire la saison 3 de la reprise de Sam and Max par Telltale Games, faute d’avoir une carte graphique appropriée, et j’ai enfin pu les finir l’an passé. J’avais terminé les saisons 1 et 2 (plusieurs fois : elles étaient moins gourmandes mais ils ont changé le moteur entre la 2 et la 3), je m’attendais à quelque chose de similaire pour la 3.
En fait non.
La saison 3 des Sam and Max de Telltale, c’est un gameplay assez différent, des énigmes qui ne suivent pas vraiment la même logique, et une ambiance très travaillée, mais pas sur le même plan.
Et surtout Max meurt.
Et ça, je ne m’en remettrai pas, jamais. La fin de la saison 3 des Sam and Max de Telltale reste une des fins les plus amères que j’ai subies dans les jeux vidéo. Je ne sais pas si je leur pardonnerai.

Mais il faut quand même faire ces jeux, hein. Parce qu’ils sont bien. Et puis bon, ça reste Sam and Max. On ne peut pas se tromper avec Sam and Max.

#3 – The Elder Scrolls 3 – Morrowind, de Bethesda Softworks

Je ne vous ferai pas l’affront de vous présenter les Elder Scrolls. Pour autant, je sais que beaucoup rechignent un peu à lancer Morrowind désormais, beaucoup trop dur, beaucoup moins beau que les plus récents…

(même si le ciel de Morrowind reste encore maintenant un des plus beaux du jeu vidéo, j’ai dit.)

Pourtant, même si vous n’avez pas joué très longtemps à Morrowind, normalement, les premiers temps de jeu suffisent à rencontrer cette mort. Enfin, ce mort plutôt.

(Vous pouvez couper la vidéo après 30 secondes, c’était juste pour vous rappeler cette chute mythique.)

Il est devenu emblématique, ce fameux mage qui vient s’écraser à côté de vous alors que vous quittez Seyda Neen, première bourgade du jeu, pour la première fois, en direction de Balmora.
Son journal qui raconte ses désastreuses expériences (qui l’ont conduit à un tel résultat) vous informe qu’il pourrait être une mauvaise idée d’utiliser le parchemin d’Icare que vous trouvez sur lui (ou alors il vaut mieux sauver avant).
Honnêtement, personnellement, c’est mon rayon de soleil entre deux braillards des falaises, cette chute. Je me la repasse de temps en temps, juste pour rigoler.

Et si vous n’avez jamais lancé Morrowind, vous en avez forcément déjà entendu parler. Il est même parodié jusque dans Magicka, tiens, si mes souvenirs sont exacts.

 

Sacré mage de Seyda Neen. Il ne voulait que voler, après tout.

#2 : Little Inferno, de Tomorrow Corporation

Alors que la Lia de 2013 était toute occupée à passer jouet après jouet dans l’âtre brûlant, appréciant les animations amusantes et décryptant des combos parfois capillotractés, la scène se fige.

Sur l’écran, rien de trop anormal. Mais soudain, le tremblement. Dans les oreilles, des bruits qui secouent les tripes, une musique belle à pleurer…

…Et un cri à glacer le sang.

Apparemment, la voisine n’enverrait plus jamais de messages stupides et mal orthographiés par la cheminée…

La main un peu tremblante, la Lia de 2013 reste figée devant son écran, le cœur battant à toute vitesse. Visuellement, aucune violence, rien. Sa tête a tout fait.

Le jeu est sauvegardé, l’ordinateur éteint, un livre léger et agréable saisi au passage avant de rejoindre le lit.
Assez d’émotions pour ce soir.

(Oui, j’ai été traumatisée par ce jeu. Et comme je vous ai déjà parlé de Little Inferno dans le précédent TFGA, je me suis dit que j’allais vous en parler un peu différemment.)

#1: La série des King’s Quest, de Sierra Entertainment

Deuxième série de point’n’click de ce TFGA, sans surprise à vrai dire : ça demeure mon domaine de spécialité après tout.

Le principe des King’s Quest est globalement simple : une famille royale, des mésaventures (souvent à base de méchants sorciers et d’autres membres de la famille en danger), des quêtes dans des pays directement tirés de la mythologie, de la faerie, des contes et légendes ou simplement d’univers oniriques, des objets parfois invisibles à l’oeil, des événements qui arrivent qu’une fois, et surtout, des point’n’click avec un gameplay ATROCEMENT PUNITIF.

(Le traumatisme de King’s Quest V et son foutu chat à qui il faut balancer une chaussure qui n’apparaît qu’UNE SEULE FOIS SUR UN SEUL ECRAN et si on ne le fait pas CETTE FOIS-CI PRECISEMENT on reste bloqué 15mn après car la souris qu’il pourchasse ne vient pas nous sauver et on MEURT MEURT MEURT et on RECOMMENCE TOUT parce que la sauvegarde est trop récente et qu’on ne peut déjà plus voir le chat. King’s Quest ou les jeux qui vous apprennent à faire mille sauvegardes différentes avec des noms bien précis pour être sûr de ne rien rater et de ne pas devoir recommencer tout à zéro…)

Et pour bien accentuer ce côté punitif du détail raté qui bloque tout le jeu, ou du clic un pixel trop loin sur un escalier qui conduit à une chute ridicule mais mortelle, ou du malheur de parler au personnage qu’il ne fallait pas, ou de ne pas être assez vite passé d’un écran à un autre, chaque King’s Quest a sa manière de présenter la mort, souvent à base de petite phrase d’humour noir qui enfonce bien le clou et donne envie au joueur, soit de rire jaune, soit de jeter son ordinateur par la fenêtre.

Une rapide recherche sur Youtube permet de se rendre compte de la quantité absurde de morts possibles dans ces jeux.

Exemple type avec la falaise de King’s Quest VI, où il s’agit de cliquer précisément sur chaque marche… sans quoi on se brise vite le coup.

Malgré ce côté mortellement frustrant, les King’s Quest restent des incontournables et on se surprend parfois à mourir exprès pour avoir la petite phrase acerbe qui ponctue bien l’échec… enfin, pas trop souvent quand même.

Voilà pour ce nouveau top…
-HEY, OH.
Ah ?
– ON N’OUBLIERAIT PAS QUELQU’UN ?
…bien sûr. Comment ai-je pu omettre la mort la plus marquante de toutes, la seule, l’unique…

..LA Mort !
– NE VA PAS ME SORTIR L’EXCUSE DE L’ADAPTATION VIDEOLUDIQUE, C’EST TROP FACILE.

C’est vrai que c’est un peu facile, mais c’est quand même la vérité. J’ai quasi directement pensé à la Mort du Disque-Monde en voyant le thème de ce TFGA, mais j’ai eu l’impression que c’aurait été un peu tricher. Après tout, cette Mort-là, elle vient de livres, pas de jeux vidéo, initialement.
Pour autant, ça reste LA Mort et ne pas la mettre aurait été un crime. Alors j’en profite pour faire un petit clin d’oeil à une troisième série de point’n’clicks, adaptés de l’excellente série de livres de fantasy burlesque écrite par Terry Pratchett : les Discworld de Perfect Entertainment.

Fantastiquement fidèles aux livres, tordus à la limite de l’infaisable sans la solution, ces jeux sont la dose d’humour et de fantasy parodique dont votre quotidien a besoin.

Je vous laisse donc sur cette merveilleuse première rencontre avec la Mort, dans Discworld 1, qui me semble être une manière parfaite de clore cette article.

« DON’T START READING ANY LONG BOOKS ! »

Sur ce, jouez bien, et rendez-vous au prochain TFGA !

Mes enfants sont malades, mes phrases inachevées, mon blender au niveau 1.

…et mes titres sont à rallonges.

Cette semaine, c’est retour aux sources avec un peu d’écriture : j’ai terminé Le Petit magasin de meurtres, une nouvelle que j’avais prévu de terminer pour la troisième semaine de mon projet Bradbury (pour ceux qui sont perdus : le projet Bradbury, c’est quoi ?)
Avant le 22 janvier 2015, donc.
Mon projet Bradbury se terminait le 31 décembre 2015, nous sommes le 7 février 2016… On dirait que j’ai une fois de plus appliqué les préceptes d’un de mes mentors.

« I love deadlines. I love the whooshing sound they make as they go by. » – Douglas Adams

(Paroles de sage que j’applique un peu trop souvent je suppose)
(Je vous ai déjà dit que j’avais réussi à caser cette citation dans mon mémoire de M2 ?)

Bon, retard mis à part, cela me fait prendre conscience que, contrairement à Rain qui a posté un excellent post-mortem de son propre Projet Bradbury 2015, je n’ai toujours pas rédigé de bilan de ce qui fut, somme toute, un semi-échec pour moi. Echec car je n’ai absolument pas réussi à écrire une nouvelle par semaine. Semi car j’ai quand même appris à mieux construire ma narration, à écrire un peu plus régulièrement, à prêter plus attention aux petites choses.

Je tiens donc à remercier une fois de plus Neil Jomunsi pour cet exercice extrêmement enrichissant, mais aussi et surtout pour son blog fort inspirant qui m’a non seulement tirée de plusieurs situations de blocage particulièrement tenaces, mais m’ont aussi appris à regarder les choses un peu différemment pour toujours trouver des histoires partout. Ils m’ont accessoirement rappelé l’importance de l’écriture, et j’ai le souvenir net d’une soirée d’angoisse que la lecture ardue de son blog m’a permis de canaliser, me convaincant au passage de l’importance que je mette des mots sur une période difficile de ma vie. C’était en avril, le « Narcisse » était planté, le fait d’avoir pu poser un autre nom dessus m’a beaucoup aidée à prendre de la distance… et j’ai réussi à faire sortir tout ça en novembre.)
Bref. Merci.
Et puisque j’en suis aux mercis : merci à Rain pour avoir osé se lancer dans ce projet en même temps que moi, pour avoir relu la plupart de mes textes, et pour m’avoir quand même bien motivée parfois.
Et merci aux quelques autres beta-lecteurs, et aux lecteurs tout court, qui m’ont fait leurs retours dans les moments de doute.

Pour conclure sur le projet en lui-même : j’ai beau avoir fini l’année à seulement dix-neuf textes au lieu de cinquante-deux (à peine plus qu’un tiers, donc…), j’ai quand même plus écrit en un an que durant les cinq années avant.
Chouette score personnel, et petite réussite dans l’échec, tout de même.

Parmi les choses que j’ai apprises, ou plutôt confirmées, il y en a une qui semble assez évidente : j’écris mieux sous la contrainte. Ou plutôt, je m’y mets plus facilement, sans que cela nuise forcément à la qualité du texte au final.
Autrement dit, ce serait bien que je me mette un coup de pied dans l’arrière-train plus souvent, en me fixant un horaire et un objectif, j’avancerais drôlement plus vite.
L’autre chose que j’ai comprise, c’est que pour le moment, je suis incapable de reprendre réellement un texte. Je commence petit à petit à avoir un œil plus critique sur ce que j’écris, surtout au niveau de la construction de ma narration, mais ça ne suffit pas. Objectif 2016, donc, apprendre à éditer, tout en gardant un rythme d’écriture un peu soutenu. Autant le deuxième je m’en sors à peu près, autant le premier, c’est pas gagné…
Maintenant, jetons un œil sur le résultat concret de tout ça : les textes en question. Qui, malheureusement, ne se différencient pas assez les uns des autres à mon goût.

Il y a le style, d’abord : j’ai pu observer que j’avais tendance à faire des phrases interminables, et lors d’une de ses corrections, Rain a fait l’exercice amusant de mettre tous les adverbes en –ment que j’avais utilisé en rouge. Autant dire que j’en ai pris pour mon grade. Il y en avait presque deux par phrases.
A mesure qu’on avance dans les textes, j’ai tenté de corriger ces travers. Maintenant, si je fais attention en écrivant, je ne fais presque plus d’erreurs de ce genre.
Par contre, il perdure une espèce de flou temporel dans mes textes. Ou plus exactement, une sempiternelle concordance des temps foireuse qui me lasse un peu. J’en viens souvent à regretter d’écrire au passé, à me dire que je devrais toujours tout écrire au présent. Ce côté foireux est aussi dû à ma façon de raconter, un peu chaotique, vu que je ne fais quasiment rien de manière chronologique.

Ce qui me conduit logiquement à la narration : j’ai cette fâcheuse habitude de toujours vouloir commencer In medias res, puis de faire des flashbacks explicatifs parfois interminables. C’est un défaut connu, je dirais. Petit à petit, je le corrige, mais c’est particulièrement flagrant maintenant que je relis tous les textes d’affilée.

Il y a les méthodes de travail, également. On sent, à mon goût, beaucoup la différence entre les textes écrits d’une traite, au fil de la plume, et ceux où j’ai « jardiné » (j’ai écrit par petits bouts, coupé, déplacé, rajouté…). Sauriez-vous dire lesquels ont été écrit comment ? Je trouve ça évident, et je n’aime pas que ce soit si facile à repérer.
(Parmi les indices qui ne pardonnent pas : s’il manque des mots ici et là, j’écrivais au fil de la plume. S’il y a des phrases carrément inachevées, je jardinais.)

Il y a les sujets, enfin : en voyant toute la brochette de textes, difficile de passer à côté du fait que mes thèmes se recoupent énormément.
Mes personnages sont vindicatifs, tous ou presque. Ils ronchonnent et râlent, sont de mauvais poil. Qu’ils soient lagomorphe, St-Pierre, écureuil, héroïne de mauvaise fantasy, félin, jeune fille ou homme adulte, ou même simple narrateur (et ce ne sont que les textes qui me viennent à l’esprit et qui ont été complétés)… il faut qu’ils revendiquent.
Je suppose que j’ai des choses à laisser sortir ; qu’elles sortent comme ça, ça m’arrange.

Mes mondes sont postapocalyptiques ou dystopiques, tous ou presque (et j’en ai encore deux inachevés, commencés dans la même période). Forcément, « avec tout ce qui se passe en ce moment », ce n’est pas très surprenant. Cela dit, ils l’auraient sans doute été même avant. J’y vois l’évidence de mon absence totale de foi en la société. Une fois de plus, je règle mes comptes.

Et mes enfants sont malades. Ça, je ne l’ai pas abordé directement dans le Projet Bradbury. Je l’aurais fait si j’avais fini Le Petit magasin de meurtres alors, mais je m’en suis empêchée, finalement. En 2014, j’avais déjà écrit Ma Maman a un crabe apprivoisé et Des Bonbons pour Marine, deux nouvelles avec un sujet assez lourd que j’ai essayé d’aborder le plus légèrement possible, deux nouvelles qui se ressemblent beaucoup trop à mon goût, et qui me donnaient l’impression de tourner en rond, de ne pas réussir à exorciser.
Je sais que j’aime écrire du point de vue d’un enfant, et globalement, ça fonctionne bien. Mais c’est incroyable comme systématiquement il arrive des choses terribles à ces enfants. L’idée de base du Petit magasin de meurtres, c’est mon amie I. qui me l’a donnée (en janvier 2015, donc), et il s’agissait simplement d’écrire une nouvelle traitant de « mille et une manières de tuer quelqu’un ».
Directement, ma tête m’a apporté le sujet de la nouvelle. Et c’était encore une histoire d’enfant malade.
Alors je l’ai mise en pause, parce que j’avais beaucoup de choses à exorciser pour ne pas en plus batailler avec ce démon-là. Sœur d’un enfant gravement malade (désormais adulte guéri : toutes les histoires ne finissent pas mal), ce serait mentir que dire que ça n’a laissé aucune trace, même si je n’étais pas directement touchée par la maladie.
J’ai réglé mes autres comptes avant de revenir à cette nouvelle. Même si elle ressemble beaucoup aux Bonbons ou au Crabe, elle reste d’un point de vue encore différent, et j’avais vraiment envie de la faire. C’est désormais chose faite.

Tout ça me fait réfléchir à ma manière de « connecter les points ». C’est Amanda Palmer (encore et toujours, hein !) qui utilise le terme dans The Art of Asking : elle présente le travail du créateur comme « un rassemblement de points. Puis une connexion. Et enfin un partage de ces connexions avec les gens autour. » 1
On recueille les différents points dans les petites expériences du quotidien, les réflexions que l’on peut avoir sur le monde qui nous entoure, ce qu’on apprend petit à petit que ce soit en observant ou en étudiant… Puis on les passe dans ce qu’elle appelle le « Blender de l’Art » :

« Tous les artistes connectent les points différemment. Nous partons tous de ces ingrédients frais et vivants, qu’on peut directement reconnaître de la réalité de nos expériences (un cœur brisé, un doigt, un parent, un œil, un verre de vin) et nous les jetons dans le Blender de l’Art »2.

J’aime bien cette analogie du blender, présentant l’œuvre d’art comme un mélange de beaucoup de choses croisées dans la réalité, plus ou moins mélangé et mixé. Je dirais que mon blender est au niveau 4 ou 5/10 pour le moment au niveau mixage : on distingue encore trop bien les éléments, le « moi » derrière.

Certains auteurs s’en accommodent très bien. De mon côté, je sais que certains de mes textes fonctionnent comme ça ; mais j’aimerais réussir à écrire des textes à un niveau 7 ou 8 au moins. Etre moins transparente. Mais il n’y a qu’à voir à quel point il est plus facile pour moi de vous rédiger des articles de blog ou des carnets de voyage que d’écrire de la fiction pure : on dirait que pour le moment, ce que je maîtrise bien, c’est de parler de moi, de mes expériences, et ce, même à travers des personnages (et surtout même quand je ne veux pas le faire, ce qui me contrarie beaucoup).

Cela dit, l’évolution de tout ça me laisse beaucoup d’espoir. Sans atteindre directement le niveau 8, je pense pouvoir évoluer, petit à petit, et détacher mes textes de mon vécu, dépasser cette phase d’écriture égocentrique qui a certes bien fonctionné pendant longtemps (et m’a même beaucoup aidée psychologiquement), mais m’empêche d’avancer.

Je serais curieuse d’avoir le point de vue de différents auteurs sur le sujet de l’écriture égocentrique, cela dit. Je me suis aperçu au fil de l’année que pour plusieurs personnes de mon entourage, c’était un passage inévitable. Certains en étaient sortis, d’autres étaient encore en plein dedans (et parmi eux, quelques-uns qui n’avaient aucune intention d’en sortir).
Je ne vais pas aller jusqu’à poser la question quasi-métaphysique du « pourquoi écrit-on », mais je trouve intéressant de remarquer que beaucoup d’auteurs ont ce moment de « je m’écris moi », suivi ou précédé d’un « je me lis écrire » (l’équivalent textuel du « je m’écoute parler » : des phrases gratuitement alambiquées, des tournures douteuses, parfois des sonorités uniquement sans aucun sens derrière…)

Je suppose que plein d’études ont déjà été faites sur la construction de l’identité à travers l’écriture. J’ai déjà prévu de vous parler de la construction identitaire dans un autre article, je ferai sans doute un petit aparté là-dessus. Mais si vous, de votre côté, avez de quoi alimenter le sujet, je serais preneuse de témoignages.

En attendant, je vous laisse donc avec ma nouvelle histoire, LePpetit magasin de meurtres. C’est loin d’être ma meilleure histoire, mais je suis contente qu’elle « soit enfin sortie ».
Garantie 100% avec héros vindicatif, enfant malade, et concordances de temps foireuses. Je ne me refais pas !3

 

1 “Collecting the dots. Then connecting them. And then sharing the connections with those around you. This is how a creative human works. ”

“All artists connect the dots differently. We all start off with all these live, fresh ingredients that are recognizable from the reality of our experiences (a heartbreak, a finger, a parent, an eyeball, a glass of wine) and we throw them in the Art Blender. ”

3 Et si vous aviez besoin de plus de preuves : sur ce texte d’environ 2000 mots, il y a 38 adverbes en –ment… Vous aviez remarqué ?

Une bulle de cynisme entre deux paillettes

Quand j’étais ado, j’adorais Daria.
Vous connaissez ? Ça passait sur MTV à l’époque, mais comme je n’y avais pas accès, je regardais sur Internet (oui, déjà).
J’étais tombée des nues en apprenant qu’il s’agissait d’un spin-off de Beavis & Butthead. Enfin, plus exactement, j’étais tombée des nues en découvrant ce qu’était Beavis & Butthead. Ca ne me parlait pas du tout : je trouvais ça complètement stupide (pour ne pas dire carrément chiant). J’avais du mal à voir comment Daria avait pu être tirée d’un truc pareil.
Finalement, j’y ai juste vu un léger reflet de ma réalité : des trucs qui faisaient rire les autres mais pas moi, des trucs qui intéressaient les autres mais pas moi, et moi qui m’intéressais à totalement autre chose.

Daria c’était l’intello de service au milieu d’une belle bande de demeurés après tout.
La seule chose que je faisais et pas elle, c’est que j’activais une espèce de mode « caméléon » pour me mettre autant que possible au niveau des autres (sans pour autant faillir à mes principes : ça m’a valu quelques mésaventures, mais globalement j’ai eu la chance immense de tomber sur des marginaux à chaque moment de ma scolarité. Donc ça marchait, je faisais « caméléon global », et je pouvais parler sincèrement avec certaines personnes. Un peu comme Daria avec Jane… Oui, je réitère : j’ai eu BEAUCOUP de chance.)

Bon. Quand même, pour ceux qui arrivent sans connaître Daria, voilà quelques extraits choisis.

Vous avez compris : Daria, c’est la blasée de service. Celle qui comprend vite mais n’a même pas envie d’essayer de partager. Parce que, franchement, dans son entourage, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre.

« Non, je ne me sous-estime pas, ça c’est une erreur. C’est tous les autres que je sous-estime. »
(Daria Morgendorffer – Saison 1, Episode 1)

Daria, 75% du temps, elle se réfugie dans la passive-agressivité, le reste du temps elle refuse de relever les réflexions des autres.
Mais surtout, quasiment tout le temps, sa barrière de protection, c’est le cynisme.
(Sauf qu’en fait quand on regarde la série on se rend compte que pas toujours, mais je vous laisserai suivre ça par vous-même.)

Bien entendu, toute cette introduction n’est qu’un vaste prétexte. Je ne vais pas vous faire une analyse critique de Daria (mais franchement, n’hésitez pas à jeter un œil. La première saison est un peu longue, mais personnellement Daria me fait toujours beaucoup rire, même maintenant)… mais cela me semblait être un merveilleux moyen de vous présenter le sujet de l’article de la semaine, tout en vous faisant connaître une série chouette.

Nous allons donc laisser Daria de côté, et passer à l’épineux sujet qu’il traite : le cynisme.

Je connais assez peu de personnes dans mon entourage qui n’ont pas, à un moment ou un autre, eu une période « Daria » dans leur vie. Je suppose que vu l’entourage en question, c’est normal. Après tout, on a tous un peu été des marginaux à un moment ou un autre. Ceux qui n’avaient pas forcément envie de s’inclure au milieu des « gens branchés » du collège/lycée, ceux qui auraient bien aimé s’inclure mais « tous les autres sont des cons » (ou alors juste « trop différents »).
Je suppose aussi que le fait que mon entourage soit une véritable armée de zèbres encourage pas mal ce sentiment, mais quand bien même : il n’y a pas que les zèbres qui passent par le cynisme. (Même si je soupçonne une légère corrélation, je n’ai aucun moyen de tirer des conclusions. Il faudrait faire une étude que je ne me sens pas de faire, en tout cas pas maintenant.)

Mais avant d’aller plus loin, maintenant qu’on a vu quelques exemples, je vais essayer de cibler un peu mieux ce que j’appelle le « cynisme ordinaire ». Non, parce que bon, à la base, je vous rappelle que le cynisme est un vrai courant philosophique, inscrit dans un contexte bien spécifique, qui prône l’insolence, l’anticonformisme, mais aussi et surtout la liberté personnelle, par opposition aux normes et lois sociales. Le côté transgressif est donc très présent : rappelez-vous de Diogène de Sinope et son célèbre « Ôte-toi de mon soleil » adressé à Alexandre le Grand.
Ca, c’est le cynisme tel qu’on l’entend dans la philosophie.

Maintenant, il y a la définition du « cynisme ordinaire ». Qui, hélas, se résume la plupart souvent (et j’attribue la paternité de cette définition à Rain, qui a aussi apporté le terme « cynisme ordinaire » quand je lui ai parlé du thème de mon article) à une sorte de mode de pensée apathique, de l’ordre du « de toute façon la vie c’est de la merde / j’attends plus rien / à quoi bon / tous des cons. »
Un mélange de scepticisme, de misanthropie, d’absence totale de foi en l’humanité/la société, et de pessimisme.

Psychologiquement, c’est une barrière. Une protection contre de potentielles désillusions (quand on estime en avoir assez essuyé), une protection contre une « réalité trop dure », qu’on avancera comme « pas du pessimisme mais du réalisme ».
C’est un réflexe naturel. (Fait intéressant, c’est aussi un des premiers symptômes du burnout…)
Le cynisme permet de se distancier des choses trop douloureuses, de montrer qu’on n’attend plus rien, que ça ne peut pas être pire. Le cynisme, souvent, ça se résume par : « de toute façon ».

Ca me fait penser à un exemple vu lors de mes études de linguistique (non, vous ne rêvez pas, j’ai bel et bien réussi à caser de la linguistique dans cet article) : des médecins qui, pour se protéger, usent du dysphémisme (le contraire de l’euphémisme, donc : il ne s’agit plus d’atténuer une réalité, mais au contraire de l’accentuer au maximum) quand ils sont entre eux. « Lui, de toute façon, il va crever, faut lâcher. »
Plus les mots choisis sont violents ou blasés, plus la distance est grande. Pas d’implication émotionnelle, et dans un métier pareil, je suppose que c’est indispensable pour tenir le coup.
Mais c’est valable pour tout, et pas seulement quand on est médecin. (Tiens, d’ailleurs, je vous ai pris Daria comme exemple générique, mais au fond, le Dr Cox de Scrubs ou Dr House sont eux-mêmes d’excellents modèles de cynisme.)

On va donc passer à mon expérience du cynisme, si vous voulez bien. Comme ça, vous vous sentirez peut-être un peu moins visés derrière vos écrans ; et puis aussi parce qu’après tout, ma réflexion est basée sur mes observations et n’a pas vocation de devenir universelle. Je n’ai pas envie de jouer les donneuses de leçon ; juste de creuser un peu sur un point qui a (à mon goût) un peu trop marqué certaines de mes années passées… et aussi ces derniers jours.

Vous m’avez côtoyée de plus ou moins près cette semaine et vous avez pu observer que… ben ouais, c’était pas la forme.
Outre mon petit corps qui m’a fait quelques misères (rien de grave normalement, hein, pas de panique, mais il fallait bien qu’à un moment où un autre il trouve à redire au rythme de travail debout presque 10h/jour dans le froid hivernal…), j’ai été plus que jamais plongée dans le cynisme.
Au Pays des Merveilles comme dans plein d’autres entreprises (ou écoles, ou organismes de formation, pour ce que j’ai vu), il y a des réalités. Des réalités économiques, hiérarchiques, bureaucratiques. Et ces réalités pèsent sur le moral de tous.

Extraits d’un quotidien que je suis sûre que vous aussi, vous partagez. Le Pays des Merveilles n’a pas le monopole de ce genre d’entraves.

« Vas-y, écris-le, mais ça ne sert à rien, tant qu’il n’y aura pas un vrai problème rien ne sera fait. »
« Ça ne sert à rien de vouloir te protéger, de toute façon tu n’auras jamais raison face à un ancien/un supérieur/un client. »
« Ça ne sert à rien de chercher à leur parler, ils sont trop cons, ils continueront toujours. »
« Oh ben tu peux suggérer mais ça sert à rien, ils ne la mettront pas en place, ta solution d’ergonomie. »

J’ai pu bien clairement observer cette rhétorique du « de toute façon ça ne sert à rien ». Il apparaît clair que mon équipe, face aux réalités, se réfugie dans le cynisme et la passive-agressivité. On se raccroche à ce qu’on peut, et insulter indirectement des entités (car j’ai l’impression que dans ce cas on insulte plus des idées que véritablement des personnes).

Comme Daria au fond… mais en pire. En tout cas pour moi. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais personnellement, quand je commence à avoir recours à un cynisme vraiment poussé, c’est mauvais signe. (Très très mauvais signe, même, pour certains qui me connaissent un peu trop bien).

Le problème du cynisme (en tout cas pour moi), c’est qu’il est certes un excellent moyen de protection face aux désillusions, une barrière très efficace pour se distancier des injustices, des inégalités, des malheurs… mais il peut également devenir une barrière aux bonne choses. En fait, on finit par mettre de la distance avec tout, comme une espèce d’anesthésie de l’empathie, ou même de la sensation en général : on n’attend plus rien pour ne plus être déçus.
Du coup, c’est un cercle vicieux : à force de ne rien trouver en quoi mettre sa foi, on perd encore plus la foi.
Et pour ne rien arranger, au bout d’un moment, la barrière finit par devenir perméable aux mauvaises choses. Parce qu’elles ne cessent de nous rappeler à quel point on a raison de ne plus croire en rien. A partir de là, on ne laisse plus aucune chance aux autres de nous surprendre.

J’ai été prise pendant longtemps dans ce cercle vicieux. Je commence tout juste vaguement à en sortir : pas surprenant, finalement, que cette semaine ait été si éprouvante.

La sonnette d’alarme a été tirée plusieurs fois, chez moi. J’ai réussi à me sortir du cynisme en passant par une violente période de colère et de revendication (je vous en parlerai sans doute ultérieurement ; j’ai déjà un article en cours sur le sujet, même si pas directement), puis en revoyant un peu mes attentes envers la vie. En gros, en lui laissant une chance de me surprendre.

Du coup, ça m’a permis de distinguer que dans mon cas, si je fais preuve d’un trop plein de cynisme, c’est franchement signe qu’il y a quelque chose qui ne va pas, et que je dois chercher ce que c’est, et peut-être, changer rapidement. De métier, d’entourage, de quoi que ce soit qui en est la source.

En laissant tomber les barrières du cynisme (que je n’adopte pratiquement plus que par dérision), voilà la nouvelle forme de protection que j’ai décidé d’adopter : d’abord, identifier d’où vient l’accès de cynisme (vie privée ? professionnelle ? sociale ?) ; puis voir ce que je peux faire (est-ce que j’y peux quelque chose ? Oui -> m’investir pour ne pas pouvoir me reprocher de ne rien faire ; Non -> travailler sur le « vivre avec » et accepter que chaque point positif compte) ; et enfin… laisser une chance, pas cinq, pas douze. Une, deux peut-être. Et si ça ne passe pas, partir. Parce qu’il y a un moment où m’acharner est inutile, et que prendre soin de moi et être heureuse c’est quand même vachement mieux que m’infliger une demi-vie.
J’ai beaucoup fonctionné à coup de cynisme, et je suis contente d’en être sortie, parce que je m’aperçois maintenant que ça a été profondément nocif pour moi. Maintenant, le cynisme demeure un réflexe défensif (surtout dans des situations où « je n’ai pas le choix » et particulièrement en milieu professionnel où j’aurai beaucoup recours à des remarques passives-agressives pour me protéger), mais je m’en éloigne.

Je ne prétends pas que c’est la solution, hein. C’est juste ma solution à moi, et je découvre que je vis beaucoup mieux avec moi-même depuis que j’apprends à l’adopter (et c’est pas toujours simple, j’en veux pour preuve cette semaine de rechute totale).
Quoi qu’il en soit, je ne pense pas qu’il y ait une solution universelle vu les différences d’expériences qu’on peut avoir. Je serais, j’avoue, curieuse d’avoir d’autres points de vue sur le sujet.

 

Bref. Sur ce, je vais laisser le mot de la fin à Daria, qui malgré son cynisme marqué tout au long de la série, semble un peu plus prête à faire confiance qu’elle ne le concède. N’oubliez pas qu’entre deux accès de cynisme, il peut toujours y avoir une part de pizza. (Et après tout, le fait que l’homme soit capable de créer la pizza, ça redonne un peu la foi, non ?)

(Et pour ceux qui n’aiment pas la pizza, personnellement, une ou deux conférences TED me font approximativement le même effet la plupart du temps.)

Voir, regarder, exister.

Aujourd’hui, au Pays des Merveilles, j’ai fait peur à une visiteuse.
C’était rigolo.

Il faut savoir que quand je suis à la vérification des tasses, j’ai tout le loisir d’admirer les gens en train de se prendre en photo. Des fois, je prends l’appareil pour eux et j’immortalise leur moment en famille.
D’autres fois, l’occasion est trop belle de m’incruster sur un selfie, alors je ne résiste pas à une petite blague.

Cette fois-ci, ma cible était une mère et ses deux enfants. Ils avaient l’air sympathique (oui, on ne va quand même pas agir si librement avec des gens qui n’ont pas l’air commode : ce serait bête de créer des mécontentements pour des bêtises) et alors que la mère avait le bras tendu avec le téléphone au bout en tentant de cadrer tout le monde, je me suis glissée à leur droite. Au début, ça ne pose problème à personne : trop concentrés sur la tâche, ils ne s’aperçoivent de rien. Puis le fils se tourne vers moi. La mère voit qu’il se tourne, lui dit de regarder l’objectif… et sursaute.
« Mais y a quelqu’un en trop ! »

Je pars en rigolant, la photo est prise correctement cette fois et je lance mon tour.

A la sortie, je tiens la porte aux visiteurs. La famille est la dernière à sortir. Je les attendais au tournant (prête à m’excuser si jamais ça les avait trop perturbés, même si ça n’arrive jamais. Les gens sont bon public pour certaines choses).
La famille sort, et la mère se plante devant moi :

« Vous n’existez pas ! Vous n’existez pas ! Vous êtes un fantôme, qui ne parle pas, qui apparaît sur les photos, c’est ça ? Mais vous n’existez pas ! »

Elle riait, et dans le contexte j’ai ri aussi. Tout tournait autour de la blague, et on s’est souhaité une bonne journée, et ça m’a collé le sourire pour une bonne heure.

Mais en même temps ça m’a fait réfléchir à un aspect de mon travail qui est fondamental, et qui est également extrêmement présent dans ma vie. Le fait qu’on me voit, et que je vois les gens, et que donc, nous existons.

A posteriori, je me dis que « Vous n’existez pas », c’est quand même quelque chose de terrible à entendre. Je veux dire, concrètement, exister, c’est tout ce que j’ai de « certain ». Je suis là, quoi. Personne ne peut m’enlever ça. Si on me l’enlève, que reste-t-il ?

Ca me rappelle la panique qu’Alice éprouve dans De l’autre côté du miroir, lorsque Tweedledee lui fait croire qu’elle n’est pas réelle et ne fait que partie du rêve du Roi rouge…

‘He’s dreaming now,’ said Tweedledee: ‘and what do you think he’s dreaming about?’
Alice said ‘Nobody can guess that.’
‘Why, about you!’ Tweedledee exclaimed, clapping his hands triumphantly. ‘And if he left off dreaming about you, where do you suppose you’d be?’
‘Where I am now, of course,’ said Alice.
‘Not you!’ Tweedledee retorted contemptuously. ‘You’d be nowhere. Why, you’re only a sort of thing in his dream!’
‘If that there King was to wake,’ added Tweedledum, ‘you’d go out—bang!—just like a candle!’
‘I shouldn’t!’ Alice exclaimed indignantly. ‘Besides, if I’m only a sort of thing in his dream, what are you, I should like to know?’
‘Ditto’ said Tweedledum.
‘Ditto, ditto’ cried Tweedledee.
He shouted this so loud that Alice couldn’t help saying, ‘Hush! You’ll be waking him, I’m afraid, if you make so much noise.’
‘Well, it no use your talking about waking him,’ said Tweedledum, ‘when you’re only one of the things in his dream. You know very well you’re not real.’
‘I am real!’ said Alice and began to cry.
‘You won’t make yourself a bit realler by crying,’ Tweedledee remarked: ‘there’s nothing to cry about.’
‘If I wasn’t real,’ Alice said—half-laughing through her tears, it all seemed so ridiculous—’I shouldn’t be able to cry.’
‘I hope you don’t suppose those are real tears?’ Tweedledum interrupted in a tone of great contempt.
‘I know they’re talking nonsense,’ Alice thought to herself: ‘and it’s foolish to cry about it.’ So she brushed away her tears, and went on as cheerfully as she could. ‘At any rate I’d better be getting out of the wood, for really it’s coming on very dark. Do you think it’s going to rain?’

Pour lutter contre l’angoisse de cette potentielle non-existence, elle rationalise, et passe à autre chose. Parce que « ça n’a aucun sens », après tout. Alors le sens, on le cherche ailleurs.

Bon, j’avoue : mes recherches pour mon master ont laissé des traces. Vous avez forcément déjà eu vent de mon mémoire sur le nonsense et l’absurde. J’y ai consacré toute une partie sur l’existentialisme, qui constitue une part importante de l’interprétation qu’on peut faire de ces œuvres. (Oui, parce que le nonsense et l’absurde, ça n’est pas autant « n’importe quoi et c’est tout » qu’on pourrait le croire au prime abord. Faites-moi confiance en attendant que je vous poste mon mémoire.)

J’avoue également que dans ces recherches, j’ai pas mal trouvé mon compte. Le côté « la vie n’a pas de sens, il ne tient qu’à toi de lui en donner un », ça me plaisait bien. Ca n’était pas facile, et j’ai mis du temps à mettre les points sur mes propres i. La quête de sens a eu un impact non négligeable sur la fin de mes études, sur mes réorientations, sur la plupart de mes choix de vie ces derniers mois, à vrai dire.

Quand je vois où j’en suis maintenant, je me dis que je n’ai pas dû me tromper trop.

Mais revenons à nos moutons. « Vous n’existez pas », donc. On est beaucoup à chercher une preuve qu’on existe. J’ai pu observer que la plupart du temps, on a surtout recours au regard des autres pour « valider » notre existence.

Ce qui me renvoie à cette extraordinaire vidéo d’Amanda Palmer (par ailleurs une très bonne introduction à son livre The Art of Asking, que j’ai commencé à traduire en dilettante, parce qu’il faut absolument que les non-anglophones de mon entourage y aient accès. Mais je vous en parlerai plus ultérieurement, je pense), sur le sujet de l’importance de voir l’autre.

(je vous vois, les anglophobes. Vous n’avez pas d’excuse : activez les sous-titres.)

Le pouvoir du regard, je le constate au quotidien. Je crois que c’est ce qui me frappe le plus dans mon travail. Au Pays des Merveilles, on nous fait comprendre dès notre arrivée que si nous sommes là, c’est avant tout pour mettre à la disposition du public un produit dont il raffole : le bonheur.

Plus j’y réfléchis et plus je me dis que ça va plus loin que ça. Bien sûr, ils sont heureux. Il y a la magie, il y a les décors, les attractions, il y a toutes les paillettes propres au Pays des Merveilles. Mais aussi, et surtout : ils existent. Dans un monde où j’ai l’impression qu’on se perd de plus en plus (en même temps, il s’agirait quand même de ne pas avoir trop de personnalité, ce n’est pas très bien vu. Mieux vaut s’effacer dans la foule et se faire oublier en suivant les routes tracées… mais c’est peut-être mon cynisme qui parle), les visiteurs arrivent à un endroit où, à chaque entrée, à chaque sortie, quelqu’un leur dit bonjour, au revoir. Leur souhaite du bien, une bonne journée. S’inquiète de ce qu’ils passent un bon séjour.

Bien sûr, tous mes collègues ne le font pas. On se lasse, au bout d’un moment, les mots et gestes deviennent mécaniques et on finit par oublier que les gens en face de nous sont… chacun une personne, en fait.

Entre deux angoisses, j’en ai un peu parlé dans cette série de tweets : au travail, je mets un point d’honneur à essayer de dire bonjour à chaque visiteur. Et je fais plus que les voir passer : je les regarde. Et ça compte tellement. Et ça va dans les deux sens.

Beaucoup de visiteurs, trop pris dans le feu de l’action, la course pour rentabiliser le prix de leur séjour en faisant toutes les attractions qu’ils ont prévues, ou simplement si lassés de s’entendre dire « bonjour » toute la journée qu’ils ne cherchent même plus à relever, me voient à peine, m’ignorent totalement quand je leur dis bonjour, quand je leur souris, les regarde.
Ca fait toujours un peu mal. Comme les cyniques qui sont persuadés d’avoir tout compris au fonctionnement de l’entreprise, certains que je fais ça mécaniquement, hypocritement, « parce que je suis payée pour ça ». Je ne leur en veux pas, mais c’est triste.
Mais il y a ceux qui, à leur tour, font plus que me voir : ils me regardent. Ils regardent le nom sur ma poitrine, s’adressent à moi directement. Ils disent, à leur tour, bonjour et merci. Me souhaitent une bonne journée, un bon courage même parfois. Ont le mot pour rire, même s’il est des fois un peu lourdingue. Il y a ceux surpris en bien, ceux qu’on voit se redécouvrir, dans un endroit où les gens sont là « pour vous » et pas « contre vous ». Ils se laissent plus aller à vivre. Et il y a les enfants, qui découvrent un endroit où, enfin, on les voit : on est là d’abord pour eux, ensuite pour leurs parents. Au Pays des Merveilles, ce sont eux qui prennent les décisions. Et nous les écoutons : beaucoup n’ont pas l’habitude d’exister à ce point, à un âge où on est facilement écrasé par l’autorité parentale et le conformisme imposé à l’école. Alors ils sourient, et ils ont les yeux qui brillent. Et croyez-moi : je n’aime pas les enfants. Mais il n’y a rien qui me certifie plus que je suis à l’endroit où je dois être que le regard émerveillé d’un enfant ou son rire quand la tasse se met à tourner.

Certains jours, je suis en forme, prête à me donner à fond. Alors, ces jours-là, je souris plus que jamais, j’accueille tout le monde pour dix, je m’applatis à terre devant les petites princesses, je fais mine d’être terrorisée par les petits pirates, je salue les petits jedis, et je plaisante avec leurs parents. Je m’adapte à toutes les langues, tâche de dire bonjour à chacun dans sa langue à lui. Je réponds en souriant, parfois même avant que la question soit posée. Et je m’éclate à faire tout ça. Et je chante en travaillant, littéralement, parce que ce n’est pas très dur de chanter dans un environnement pareil.

Et puis il y a d’autres jours, comme certains cette semaine (qui a été un peu difficile, notamment avec un déménagement sur les chapeaux de roues et des nuits de 3h maximum), où je n’ai pas la force et je me demande même comment je fais pour tenir encore debout alors que je n’ai rien dans le ventre, qu’il fait moins cinq degrés, et qu’aucun visiteur ne daigne même lever les yeux vers moi quand je lui dis bonjour. Ces jours-là, j’ai un peu plus de mal à donner.
Mais s’il y a une chose que j’aime avec ma vie, c’est que quand je suis mal, « au fond », il y a toujours des petits miracles pour me surprendre. Et ces jours-là, il suffit de quelqu’un pour me souhaiter bon courage, quelqu’un qui pose le regard sur mon nom, un sourire sincère ou un enfant qui me lance un « c’était génial ! » à la fin de l’attraction pour que je reprenne un peu de poil de la bête, pour que je tienne une heure de plus, pour que je recommence à faire des blagues aux visiteurs. Comme aujourd’hui.

Ce qui est formidable, au Pays des Merveilles, c’est que même si nous sommes des milliers à faire vivre la magie pour des dizaines de milliers qui défilent devant nous chaque jour, ce genre d’occurrence arrive. Au moins une fois par jour. Trois ou quatre fois, plus souvent. Certains jours, une fois par heure, même. Alors l’échange est constant. Si la journée commence bien, j’offre un sourire à quelqu’un qui ne l’attend pas, et je lui rends sa journée plus belle. Si une contrariété survient (et tant mon entourage proche que ma liste de followers sur Twitter savent que je me fais facilement atteindre par les contrariétés…) et que je n’ai plus la force de sourire, je passe en mode « mécanique » en attendant que ça passe… jusqu’à ce qu’à son tour, un visiteur illumine ma journée.

Ne nous mentons pas : il y a des jours où je n’ai plus trop la foi en quittant le Pays des Merveilles. Mais ses visiteurs ne perdent jamais leur capacité à me surprendre, trop souvent en mal, mais parfois en bien, et c’est ce qui fait la richesse de mon travail.

Quand j’étais enseignante, je tentais aussi de cultiver l’échange, et je sais, par certains de mes anciens élèves, que cela a fonctionné à plusieurs reprises. (C’était d’ailleurs ce qui m’avait poussée à me lancer dans la psychologie).
Pourtant, la relation était trop inégale pour que cela fonctionne vraiment, en tout cas pour moi. J’aurais des anecdotes magnifiques à vous raconter ; celui-ci qui m’annonce qu’il a dévoré le livre que je lui avais conseillé, ceux-là qui m’offrent des chocolats pour me remercier, ce dernier qui vient à la fin du cours en me demandant s’il pouvait me parler, car il ne savait plus à qui s’adresser, et qui repartait en me remerciant, et que j’étais sûre d’avoir aidé.
Mais les occurrences étaient trop faibles, pour moi, et les échanges souvent trop à sens unique. Je crois qu’au fond, plus que de la communication suivie que j’avais avec mes classes, c’était de ces relations instantanées que j’avais besoin. De ces mini-coups de foudre, disparus en un battement de cils, de ces minuscules échanges de regards, d’existence. De pouvoir rappeler aux gens, au quotidien, qu’ils sont là et qu’ils en ont le droit, et qu’à leur tour ils me le rappellent. Il me semble de plus partager ainsi, en voyant pourtant les gens moins longtemps. Et que c’est beaucoup plus équitable et gratifiant.

Ca ne fonctionnerait pas pour tout le monde. Mais pour le moment (je ne doute pas que ça va évoluer et changer : ça évolue et change toujours), je crois que c’est ça qui fonctionne, pour moi. C’est ce qui donne « du sens » à tout ça, aux paillettes et au carton pâte qui pourraient tant me déranger : les gens qui rient et les enfants qui ont les yeux qui brillent. Le bonheur des autres, et le mien.
Il me semble en tout cas que c’est ce que j’ai pu comprendre sur moi, ces derniers temps. D’une prof « Serveuse automate » (« J’veux pas travailler juste pour travailler, gagner sa vie, comme on dit… »), j’ai réussi à travers des échanges de regards à mettre un peu de sens dans tout ça.

Moi qui voulais, initialement, vous faire un article cette semaine sur les visiteurs qui me font perdre la foi en l’humanité… cet épisode d’aujourd’hui a totalement changé mes plans et voilà qu’au contraire, je me retrouve à vous faire un pamphlet de foi en l’humanité. Je suppose qu’on en a tous besoin, à un moment ou un autre.

Tout ça, c’est valable pour le Pays des Merveilles, mais c’est aussi valable partout. Je pourrais vous faire un laïus sur la robotisation des gens dans les grandes villes, sur l’absence de sourires dans le métro, sur la peur de l’autre. Mais vous avez déjà tous lu des choses là-dessus. Et même si vous ne l’avez pas fait, vous avez forcément déjà observé ça par vous-même. C’est devenu un automatisme. Pour moi aussi. Parce qu’on ne sait pas sur qui on peut tomber, il faut toujours se méfier.

Et c’est triste. Parce qu’au fond, petit à petit, on ne regarde plus, on essaie même de ne plus voir. Et à la longue, on apprend à ne plus exister.

Alors je ne peux que vous inviter à essayer d’y réfléchir.  Et, quand vous vous en sentez le cœur (il faut qu’il soit suffisamment accroché), faire plus que voir : essayer de regarder. Personnellement, ça m’a attiré des mésaventures, plein. Mais comme ça m’a aussi offert plein de bonnes surprises, je n’ai pas envie d’arrêter.

Et pour conclure cet article qui s’est avéré (une fois de plus) bien plus long que ce que j’avais anticipé, je vous renvoie aux réflexions existentialistes d’une philosophe bien connue.

Tant de libertés pour si peu de bonheur,
Est-ce que ça vaut la peine ?

[…]

Résiste, prouve que tu existes !

(Un grand merci à Elly qui a mis en pause ses activités artistiques autrement plus glorieuses exprès pour me faire passer ce fichier audio sous la barre des 2mo.)

Avant de vous dire au revoir, parce que je sais que pas mal d’entre vous ne sont pas forcément en très bons termes avec la langue anglaise, voilà la traduction du passage de De l’autre côté du miroir, issue de cette version.

– Il est en train de rêver, déclara Blanc Bonnet, et de quoi crois-tu qu’il rêve ?
– Personne ne peut deviner cela, répondit Alice.
– Mais, voyons, il rêve de toi ! s’exclama Blanc Bonnet, en battant des mains d’un air de triomphe. Et s’il cessait de rêver de toi, où crois-tu que tu serais ?
– Où je suis à présent, bien sûr, dit Alice.
– Pas du tout ! répliqua Blanc Bonnet d’un ton méprisant. Tu n’es qu’un des éléments de son rêve !
– Si ce Roi qu’est là venait à se réveiller, ajouta Bonnet Blanc, tu disparaîtrais – pfutt ! – comme une bougie qui s’éteint !
– C’est faux ! protesta Alice d’un ton indigné. D’ailleurs, si, moi, je suis un des éléments de son rêve, je voudrais bien savoir ce que vous êtes, vous ?
– Idem, répondit Bonnet Blanc.
– Idem, idem ! cria Blanc Bonnet.
Il cria si fort qu’Alice ne put s’empêcher de dire :
– Chut ! Vous allez le réveiller si vous faites tant de bruit.
– Voyons, pourquoi parles-tu de le réveiller, demanda Blanc Bonnet, puisque tu n’es qu’un des éléments de son rêve ? Tu sais très bien que tu n’es pas réelle.
– Mais si, je suis réelle ! affirma Alice, en se mettant à pleurer.
– Tu ne te rendras pas plus réelle en pleurant, fit observer Blanc Bonnet. D’ailleurs, il n’y a pas de quoi pleurer.
– Si je n’étais pas réelle, dit Alice (en riant à travers ses larmes, tellement tout cela lui semblait ridicule), je serais incapable de pleurer.
– J’espère que tu ne crois pas que ce sont de vraies larmes ? demanda Blanc Bonnet avec le plus grand mépris.
« Je sais qu’ils disent des bêtises, pensa Alice, et je suis stupide de pleurer. »
Là-dessus, elle essuya ses larmes, et continua aussi gaiement que possible :
– En tout cas, je ferais mieux de sortir du bois, car, vraiment, il commence à faire très sombre. Croyez-vous qu’il va pleuvoir ?

Et c’est sur les mots plein de nonsense de ce bon vieux Charles que je vous souhaite de prendre soin de vous… en attendant la semaine prochaine !

TFGA 1 : Ces jeux qui auraient mérité une meilleure promo

J’aime bien les listes. Quiconque ayant eu l’occasion de me voir travailler a pu le remarquer. Je les aime un peu trop sans doute. Je suis souvent prisonnière d’une liste ou d’une autre, surtout la to-do list qui m’empêche de dormir quand elle est trop longue. (Mais bon, celle-ci, je commence à m’en détacher. Mes nuits sont plus sereines ces derniers temps.)

Pour autant, il y a certaines listes qui font creuser les méninges sans pour autant être nocive pour ma santé. Les TFGA lancés par Alex Effect tombent dans cette catégorie !

TFGA, c’est l’acronyme de Top Five Games Addict. Le principe est simple : un thème, un top 5 que chaque participant fait. C’est assez fascinant de lire les réponses que chacun peut donner et d’observer ainsi à quel point on n’est pas tous marqués par les mêmes choses, malgré une passion commune. Ca donne aussi des idées de ce qu’on peut attendre d’un jeu… C’est toujours bon à prendre quand on se veut CommuniTriii Manageuse !

Alex propose un nouveau thème par mois, mais j’en ai quinze de retard. Je vais donc tâcher de rattraper tout ça avant de reprendre le rythme qu’il nous donne. Je ne promets pas des posts réguliers pour autant, (le rythme de parution de #LiaEnScandinavie m’a indiqué qu’il valait mieux que je fasse gaffe aux promesses), mais je vais faire au mieux pour ne pas mettre un an à couvrir ces quinze TFGA (sinon j’en aurais encore douze de retard : ça suffit !)

 

Pour moi, c’est surtout une bonne excuse pour vous faire des articles sur des jeux vidéo, et peut-être vous en faire découvrir quelques-uns au passage. Et de mon côté ça me force à fouiller un peu dans mes cartons pour tenter de retrouver des titres que j’aurais pu oublier, mais qui colleraient aux catégories choisies par Alex. Et donc, de ne pas toujours jouer aux trois mêmes jeux, chose que j’ai hélas un peu trop pris l’habitude de faire ces derniers temps.
Bon, après, ne nous mentons pas : j’ai mes chouchous et vous les verrez revenir souvent… c’est normal, non ? :)

 

Sans plus tergiverser, j’inaugure ainsi cette nouvelle catégorie des TFGA, avec le tout premier, initialement lancé en octobre 2014…

 

« Ces jeux qui auraient mérité une meilleure promo ».
(Vous pourrez trouver l’article d’Alex ici, avec les liens vers toutes les autres participations pour ce thème.)

 

Avec un thème pareil, ça commence très fort : très difficile, je trouve, de n’isoler que 5 jeux. Il faut dire que si vous avez un peu discuté jeux vidéo avec moi, vous aurez pu vous rendre compte que je suis la championne des « jeux de niche », des « jeux que personne ne connaît », des « vieilleries sans noms » et surtout des « grands oubliés ».

 

Je suis du genre à tomber amoureuse du jeu dont personne n’a jamais entendu parler, qui ne sera édité qu’une fois et finira introuvable à jamais. Mais du coup, c’est parfait : ça me donne l’occasion de vous les faire découvrir  (et de vous faire partager ma frustration) !

 

#5 : The World Ends With You, de Square Enix (DS)

 

Square Enix, je pense que c’est bon, ça dit quelque chose à tout le monde. Dragon Quest, Final Fantasy, Kingdom Hearts, on est sur du gros nom, le genre inévitable quelle que soit la conversation sur le jeu vidéo dans laquelle on se lance, il y en a toujours un qui finit par sortir.

 

Pourtant, certains des titres de Square Enix sont passés totalement inaperçus en France (le fait que la plupart n’ont jamais été traduits n’aidant sans doute pas).  C’est totalement par hasard que je suis tombée sur The World Ends With You, et je ne regrette pas un instant de lui avoir donné sa chance.

 

Le jeu est riche, tant par son gameplay que par son histoire, complexe et parfois un peu tordue (pour ne pas dire franchement Doliprane parfois, mais on parle quand même de ceux qui ont écrit les Kingdom Hearts). Une fois l’histoire principale terminée, il reste des heures de jeu pour débloquer tous les carnets des personnages et comprendre un peu mieux l’intrigue. Autant dire que j’y ai passé du temps…

 

Et pourtant, la seule fois que j’en ai entendu parler, c’était dans les médias, deux ans plus tard environ, à la sortie de Kingdom Hearts 3D, car les personnages de The World Ends With You y font une apparition.

 

Bref, trop de gens sont passés à côté de ce petit bijou à mon goût, et je déplore vraiment le manque de communication. Et de traduction. Je n’aurai de cesse de vous le recommander malgré tout : il n’est pas si difficile à trouver.

 

#4 : La série des Back to the Future, de Telltale Games (PC, Mac, PS3, PS4, iOS, Wii, XBox360, XBoxOne)

 

En 2015, il n’y a plus besoin de présenter Telltale Games, je crois.

 

Pourtant, beaucoup de gens ignorent qu’avant The Walking Dead, Game of Thrones ou The Wolf Among Us, Telltale c’était surtout les héros qui avaient rendu la vie à Sam&Max, et, de ce fait, le nouveau Studio De Ma Vie.

 

(Surtout qu’ils avaient aussi rendu la vie à Monkey Island, et puis créé une nouvelle vague de point’n’click de qualité. Je ne vous raconte pas comme j’étais joie en 2009 en découvrant tout ça. Larmes de bonheur, cris d’exaltation, tout ça, tout ça.)

 

Aussi, quand en 2010 ils annoncent qu’ils avaient obtenu les droits de Back To The Future (garanti Film De Ma Vie Pour Toujours Et A Jamais. Tous mes proches pourront en attester), je vous raconte pas l’état de la petite Lia. Le SDMV (Studio De Ma Vie, suivez un peu) qui adapte le FDMVPTEAJ, en point’n’click (sans doute le Genre De Jeu De Ma… oui bon. Vous avez compris l’idée) ?

 

Il me le fallait. VITE. Pas besoin de battage médiatique pour moi (il n’y en a eu guère, d’ailleurs).

 

Et je n’ai pas été déçue du résultat. Toutefois, j’aurai du mal à le conseiller vraiment, hormis pour les grands fans du film qui souhaitent se replonger dans l’univers : tous les clins d’oeils sont là. Le jeu est joliment fichu, l’histoire franchement bien menée, on se prend un petit bain de nostalgie très, très agréable. Mais le joueur lambda n’y trouverait sans doute pas son compte et s’ennuierait même peut-être un peu, je le crains.
Du coup, si je le place à cette position, ce n’est pas forcément parce que ce jeu n’a pas eu le battage médiatique qu’il méritait.
Non.

 

Ici, je sors un peu du thème (mais pas trop) : on a bien entendu parler de ces jeux, même s’ils n’ont pas soulevé les foules (et c’est normal). Mais je le mets quand même à la quatrième place, pour passer un COUP DE GUEULE MONUMENTALE AUX CHARGES DE COM’ DE TELLTALE.

 

Quelques temps après la sortie du jeu chez Telltale, ils ont obtenu le droit de le vendre sur Steam (il faut savoir que Telltale et Steam, ça n’a pas toujours été très simple…)

 

Et à ce moment-là, j’ai ATTENDU la news. J’ai ATTENDU la catchphrase.

 

Et tout ce qu’on a eu… C’était ça : « Back to the Future: the Game is available on Steam« .

 

Alors prenez ça pour le coup de gueule d’une puriste si vous voulez, mais à mon goût, voilà bien un des pires ratés de com’ de l’histoire du jeu vidéo. Oui. Rien que ça.
Parce que bon sang de bonsoir de nom de Zeus, pourquoi, comment n’ont-ils pas pensé à introduire la nouvelle de la seule manière acceptable pour ce jeu :

« DOC!
– Marty! IT RUNS ON STEAM! »

Ce jeu méritait au moins ça. Tristesse, colère, déception, désarroi.

Mais, malgré cet échec de promo complet, il est très bien quand même. Fans de Back to the Future, jouez-y. Vous ne serez pas déçus, promis.

 

#3 : Bloody Good Time, d’Outerlight (PC, XBox360)

 

Je ne suis pas très branchée FPS, d’habitude. Et puis lors des soldes Steam de… fin 2010, je crois ? Je suis tombée sur un ovni.
Oui, encore un.

 

Prenez le FPS classique que vous connaissez. Ajoutez lui un set-up débile, des personnages clichés, des armes complètement stupides. Vous commencez à voir ?
Bon, maintenant, mélangez le aux Sims, et saupoudrez d’un brin de murder party avec des pièges cachés partout.
Voilà. Vous avez Bloody Good Time.

 

Le principe est simple : vous êtes un acteur de film de qualité douteuse et vous voulez à tout prix être choisi par le dernier metteur en scène à la mode pour son prochain chef d’oeuvre. Le problème ? Le metteur en scène en question est cinglé : pour être choisi, il va falloir mettre à mort les autres participants de la manière la plus convaincante qui soit. Il vous assigne donc des missions (tuer tel ou tel personnage, avec tel ou tel objet à la mode (choisissez : une tronçonneuse, un revolver, ou un lapin explosif télécommandé ?). Vous ne savez pas qui doit vous tuer, il faut se méfier de tout le monde, et vous évoluez dans des décors riches et surtout surveillés… Il ne faut donc pas vous faire prendre avec une arme en main, ou vous aurez des problèmes avec la Sécurité.
Le petit truc en plus ? Chaque décor a ses pièges que vous pouvez activer (un câble électrique dans la piscine, un mur qui s’effondre à la demande…), et surtout, votre personnage a des besoins vitaux. Il faut donc régulièrement aller manger, boire, ou faire un tour aux toilettes, et ce, sans se faire tuer.

 

Un jeu très très fun entre amis, donc, dont personne n’a jamais entendu parler. A la rigueur a-t-on un peu entendu parler de The Ship, son prédécesseur qui suit un peu le même modèle (le côté Sims en moins, si mes souvenirs sont exacts), mais le studio a en vérité coulé juste a la sortie de Bloody Good Time et Ubisoft, l’éditeur, n’a pas jugé bon de tenter de le faire reprendre.

 

Un sacré coup dans l’eau, car avec un peu plus de maps, ce jeu aurait sans doute fait un gros succès, et je vous le recommande très fort malgré tout si jamais vous manquez d’idées de jeux pour une soirée entre amis.

#2 : Little Inferno de Tomorrow Corporation (PC, Wii U, Mac, Linux)

 « Tiens, il a l’air sympa, ce jeu », dit-elle en découvrant le Humble Weekly Bundle début 2013 (mars, il me semble, mais sans certitude).
Je ne sais trop qu’en penser, mais le trailer me touche et le fait qu’il soit issu du même studio que les très fameux World of Goo m’inspire confiance. Je suis sûre que je vais passer un bon moment.

 

J’achète donc le bundle et installe le jeu. Il ne faut pas bien longtemps pour que la magie opère : posée devant mon écran par un jour de grosse pluie, j’ai l’impression de profiter de la chaleur de l’âtre numérique tandis que je brûle jouet sur jouet. Totalement prise dans l’atmosphère, je suis l’histoire avec plaisir à travers les différentes lettres que je reçois (avant de les brûler).

 

Le principe est tout con, le gameplay n’est certes pas le plus riche que je connaisse, mais ce n’est pas ce qui reste du jeu. Emotionnellement, il me secoue. A la fin, j’en pleurerais presque.
Je quitte le jeu après l’avoir fini à 100%, parce que je n’avais pas envie que cette ambiance si cozy qu’elle en devient presque malsaine disparaisse.

 

Et après avoir quitté, une question : POURQUOI. Qu’est-ce que c’est que cet ovni. Comment, quoi, où, mais pourquoi se sont-ils lancés dans un jeu si atypique ?
Et surtout POURQUOI tous les critiques ont-ils incendié (comble de l’ironie) ce jeu, alors qu’il gagnerait tant à être connu ?
L’injustice me laisse un goût pâteux dans la bouche quand je vois comme on a décrié un jeu qui m’a pourtant beaucoup fait réfléchir.
Je regrette vraiment que si peu de gens le connaissent, et que les rares qui le connaissent en aient surtout entendu parler en mal.

 

Alors pitié, donnez-lui une nouvelle chance. Scénario qui en cache plus qu’il n’en laisse paraître, atmosphère top, musique chouette… Et puis, oh : c’est quand même un jeu où le principe même est de brûler des trucs. Ain’t that great?

 

#1 : Le Maître des éléments, d’ISJFontein Interactive (PC/Mac)
Vous n’avez JAMAIS lu ce titre. Nulle part. Ever.
Et c’est normal. Et c’est bien triste, aussi.

 

Le Maître des éléments, c’est un jeu des années 90 (1997 précisément si mes souvenirs sont exacts), pondu par un studio totalement inconnu au bataillon nommé IJSFontein et édité par… Gallimard Jeunesse.

 

Ce jeu, c’est un immense mystère. Je ne sais pas quelle était sa genèse. Qui a eu l’idée, qui a demandé à Gallimard de l’éditer, qu’est-ce qui a poussé Gallimard à le faire alors que, bon, ce ne sont pas vraiment les jeux vidéo qui font sa renommée…Et comment s’est-il retrouvé en ma possession ? (J’imagine que c’était un cadeau ou quelque chose comme ça…)

 

Je suppose qu’il faut le remettre dans le contexte de 97, du développement des jeux et logiciels éducatifs. Rappelez-vous, Lapin Malin, Adi…
Bon, du coup, peut-être que Gallimard a vu une nécessité à entrer dans cette danse du « logiciel pour enfant », a cherché du côté des serious game, est tombé là-dessus et s’est dit « Voilà qui est parfait » ?

 

Si on fouille un peu, on découvre que IJSFontein existe toujours : c’est un studio néerlandais d’e-learning et de serious game. Sur leur site internet, on trouve dans leur longue liste de projets le jeu « Meesters van Macht« , le titre original du Maître des éléments apparemment.

 

J’avoue que je n’étais encore jamais allée jusque là dans les recherches : ça fait plaisir d’en découvrir un peu plus sur ce jeu devenu culte dans ma famille, mais que personne d’autre que nous ne semblait connaître.

 

Il s’agit donc d’un jeu d’aventure un peu Myst-like axé « éducatif », dans lequel on incarne… une main. Ou plus exactement notre curseur incarne une main, qui se balade dans différents mondes (sept en tout), bourrés de petits détails et de recoins à explorer.
L’histoire est simple : nous sommes chez les maîtres des éléments, et le Grand Maître a accidentellement transformé son fidèle compagnon, le chat, en… ballon.
Il faut donc retrouver le chat et lui faire retrouver sa forme féline, en arpentant les pièces et en résolvant des énigmes, parfois plutôt ardues.

 

Des heures de jeu et d’arrachage de cheveux dans la famille. Il en a fallu de l’obstination pour que ce fichu chat en redevienne un ! On a beaucoup déploré de ne plus pouvoir y jouer à partir de Vista, faute de compatibilité.
Finalement, il y a peu, j’ai pu remonter une machine virtuelle pour y rejouer et non seulement le jeu est toujours aussi bien… Mais il est toujours aussi DUR.

 

Du coup, s’il y a UN jeu dont je déplore le manque de visibilité, et qui se doit d’avoir sa première place pour ce listing « Les jeux qui n’ont pas eu la promo qu’ils méritent », c’est celui-là. Parce qu’il est fantastique tant pour des enfants que pour des adultes et gagnerait à être connu. Moi, ça me rend triste que si peu de gens en aient entendu parler.
Par ailleurs, j’ai pu découvrir grâce à mes recherches pour ce TFGA qu’une sorte de spin-off a été faite sous la forme de « Webmaster : le maître de l’Internet ». Même principe, mêmes mécaniques, mêmes développeurs. De quoi retomber un peu dans mon enfance, le temps d’un jeu. Merci, les TFGA !
(Et si vous êtes curieux, contactez-moi, j’ai toujours le CD (collector !!!) et en faire une image ne doit pas être insurmontable… Si vous avez un Windows 95/98 pour la faire tourner.)

 

Voilà pour ce premier TFGA ! Je suis contente de m’être adonnée à l’exercice et ne pensais pas en écrire autant.
Merci d’avoir lu et merci à ceux qui m’ont mis un coup de pied dans l’arrière train pour me forcer à m’y mettre !
J’espère que ça vous aura plu autant qu’à moi… et je vous dis à très vite pour le TFGA suivant : « Les morts qui nous ont le plus marqués » !

Le NouvoBoulo au Pays des Merveilles

Difficile de passer à côté de l’information si vous m’avez un tant soit peu suivie sur les réseaux sociaux ces derniers temps : voilà un petit mois que j’ai un NouvoBoulo. Fin novembre, je suis devenue créatrice de magie au Pays des Merveilles.
Étant donné la nature surprenante du job, on me pose régulièrement plein de questions. Il me semble donc assez naturel de vous pondre cet article pour vous en dire plus, et répondre ainsi en une fois à tout le monde.

Tout d’abord, LA question que j’ai le plus, c’est : concrètement, tu fais quoi ?

Le vrai intitulé du poste (enfin, un des postes) de créatrice de magie au Pays des Merveilles, c’est « Opératrice/Animatrice d’attraction », abrégé OAA (d’où un premier hashtag que vous avez peut être vu passer une ou deux fois, #MaVieDOAA).
Comme je n’avais pas une idée très claire de ce en quoi ça consistait, moi non plus, j’ai commencé par chercher la fiche-métier : complète, instructive, effrayante juste ce qu’il faut.

Les OAA, ce sont ces gens que vous voyez en vous demandant à quoi ils servent et en vous disant que leur boulot doit être super chiant. Ces gens qui « ne servent à rien » mais qui « font tout ». Ils vous disent bonjour à l’entrée de l’attraction, ils vous placent, ils vérifient votre sécurité, ils lancent l’attraction, s’assurent que tout fonctionne bien, puis vous disent au revoir, et recommencent.
Ça, c’est la version simple. Celle que j’avais en tête avant d’arriver. En vrai, OAA, c’est un peu plus compliqué que ça.

Mais quitte à témoigner des coulisses du Pays des merveilles, autant que je le fasse chronologiquement.

Voilà donc comment je me suis retrouvée à porter le costume d’une créatrice de magie.

La candidature

Soyons honnêtes : mon arrivée au Pays des merveilles est en grande partie dûe à un énorme coup de pot.

En juillet dernier, après l’obtention de mon dernier diplôme (celui en psychologie, quand je me centrais sur l’ergonomie et la psychologie du travail), je me suis lancée dans la recherche d’un emploi qui collerait bien avec les études que j’avais faites.
Si on récapitule mes huit ans d’études (oui, je vous liste éhontément mon CV) :
– Une licence de chinois ;
– Une licence d’anglais ;
– Une licence de psycho ;
– Un M1 de littérature anglaise en Chine (qui ne vaut donc rien) ;
– Un M1 langue, culture, entreprise de chinois avorté (qui ne vaut donc pas grand chose non plus) ;
– Un master de recherche en anglais (avec un sujet de mémoire aux petits oignons, puisqu’il parlait de nonsense, d’absurde, de Douglas Adams et de Lewis Carroll).

Bilan : de la théorie, de la théorie, de la théorie, de la recherche théorique, un stage pratique pour ma licence de psychologie mais court et peu représentatif… Et à côté, mes trop nombreuses expériences en enseignement axent mon CV sur un emploi que j’aimerais cesser de faire une bonne fois pour toutes. (Je reviendrai sur mon dégoût de l’enseignement dans un autre article je pense. D’ici quelques temps. Je ne suis pas prête, là.)
Dommage, quelque part : je ne compte plus les offres de postes d’enseignante bouche-trou, avec des horaires ridicules et qui impliquent de cumuler au moins trois contrats pour vivre, que j’ai vues passer (ou qu’on m’a même, parfois, proposées personnellement. Diantre !)

Je finis bien par trouver quelques emplois qui correspondraient à mon profil, de la conception-rédaction pédagogique, surtout. Pas inintéressant, mais je me fais refouler à l’entrée de plusieurs boîtes, après quelques entretiens, parfois pour des motifs vraiment bidons – mais c’est la loi du marché du travail.
D’autres offres, plutôt tournées vers la communication, sembleraient me correspondre. Je tente de m’auto-former, mais dans un pays où le diplôme fait foi, je n’ai guère de chance de m’en sortir sans avoir des preuves tangibles.
Je me lance dans la recherche à l’étranger, mais vise sans doute un peu haut. Rien n’aboutit.

Bref. Après des dizaines de CVs, de lettres de motivation, tous modifiés, adaptés au poste, je finis par déprimer un peu pas mal. Mes diplômes ne servent à rien, je ne sais rien faire, bouhouhou.

Survient alors octobre 2015. Mes amis m’offrent un tour dans un célèbre parc d’attractions européen. Comme c’est dans l’air de mon temps, je pars avec un CV sous le coude : manque de chance, on me demande de parler allemand.
Je ne parle pas allemand, et c’est un des plus gros drames de ma vie. J’y travaille, hein, mais Rome ne s’est pas construite en un jour et apprendre une langue, c’est long, surtout quand on le fait seul dans son coin.

Qu’à cela ne tienne. A mon retour du séjour, je décide de postuler pour un autre célèbre parc d’attractions européen qui, lui, se trouve en France et ne me demandera pas plus que du français, de l’anglais, et peut-être de l’espagnol. Et qui sait, peut-être même que le chinois sera utile. Dans tous les cas, je parlerai des langues étrangères, et c’est tout ce que je demande (en même temps, c’est tout ce que je sais faire, concrètement, sur le papier).

Je vais donc sur leur site de recrutement, et découvre qu’une « session de casting » est organisée dans ma ville quatre jours plus tard. La date limite de candidature tombe… le jour même. Il est 17h30. J’ai une soirée à 19h. Je pars à 18h30. Leurs bureaux ferment sans doute à 18h.
C’est un peu short, mais qui ne tente rien n’a rien : j’envoie en deux temps trois mouvements ce que je peux, soit un CV en anglais qui n’est plus à jour et une lettre de motivation écrite en cinq minutes sur le fil (à force d’en rédiger, on finit par acquérir des automatismes…)
Une heure après, je reçois un mail de confirmation : je suis retenue pour le casting.
Efficacité irréprochable.

Le recrutement

Quatre jours plus tard, je suis prête à affronter le monde des paillettes et des contes de fées. J’ai acheté exprès une nouvelle tenue d’entretien, car je n’avais rien sur place. Et quand j’arrive, je suis accueillie par une héroïne de mon enfance…

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Dans les hauts parleurs, des chansons un peu trop connues sont diffusées et contribuent remarquablement à détendre l’atmosphère. Nous sommes une vingtaine de participants, et des conversations que j’ai pu tenir avec chacun, nous sommes tous issus d’univers très différents.

Finalement, sur une chanson beaucoup trop entendue, les RH en charge ouvrent la session. Présentation de l’entreprise, des postes, tout est là pour nous faire envie. Ça dégouline tellement la culture d’entreprise de partout que j’ai l’impression d’être au milieu d’une étude de cas dans mes cours de psycho du travail. Mais la mayonnaise prend, les candidats sont motivés et moi aussi.

Mon entretien se passe très bien, je suis démesurément enthousiaste et quand bien même j’ai tendance à me méfier des RH comme de la peste, je réponds 100% honnêtement à toutes les questions.
« Comment de prof d’anglais on en vient à postuler dans un parc d’attraction ? »
Je lui parle de mon désarroi dans l’enseignement, et surtout de mon envie de PARLER des langues plutôt que les perdre.
« Opératrice d’attraction, ça vous tenterait ? »
Elle m’explique le boulot en deux mots. Ah ben ouais, carrément.
« Ça veut dire qu’il faut que vous soyez capable de gérer une crise dans laquelle vous avez cinquante personnes qui sont bloqués la tête en bas qui attendent que vous preniez une décision. »
AH BEN OUAIS, CARREMENT. Gestion de crise, tout ça. Laissez-les moi. (Ca ne pourra pas me faire de mal d’apprendre !)

Jeu de rôle et mise en situation, en anglais, en espagnol, je ne fais pas la fière mais je m’en sors. Elle passe à ma collègue (les entretiens se font en binômes), mais est régulièrement tournée vers moi même quand elle s’adresse à l’autre… Je prends ca comme bon signe.

« Vous aurez la réponse dans 2 semaines. »

Je m’en vais avec un bon feeling. Puis une semaine passe. Dix jours. Pas de nouvelles. Je commence mon deuil. Je monte à Paris pour les 30 ans de Retour vers le futur au Grand Rex (C’ETAIT GENIAL). Je passe par Marne La Vallée et je suis triste parce que treize jours se sont passés et je n’ai toujours rien.
Finalement, deux semaines pile, et alors que Dame Poulpette et moi allons déguster un brownie au Hard Rock Café, je reçois un coup de fil. C’est le RH en charge de la session de recrutement à laquelle j’ai participé.
Il m’annonce une embauche, non en vente, ni en accueil comme je l’avais demandé, mais en OAA. En CDI. En 35h. Pas de panique, le service logement s’occupe de me loger. Je n’aurai qu’à venir signer mon contrat, et me lancer. Je commence dans deux semaines.

CSASC2XWoAA-izdAprès ça, le brownie avait un petit arrière goût de victoire. Poulpette a même payé le champagne pour l’occasion…

Départ et premiers pas dans l’entreprise

Le week-end passe et je suis sur des charbons ardents. Finalement, le mail de confirmation arrive, m’apprenant que j’ai deux semaines de répit et ne commencerai pas avant le 21.

Je dois donc me rendre à Marne le 20, pour signer mon contrat et récupérer mon logement temporaire.

J’arrive, peste contre les RER et les tarifs abominables de la RATP, vais signer. Une personne du service logement me conduit à mon nouveau chez-moi. Par chance, il s’avère que nous sommes deux à arriver : c’est ainsi que je rencontre J., ma voisine, qui est au moins dix fois plus extravertie que moi, et a des centres d’intérêts aux antipodes des miens. Pour autant, le courant passe direct. Nous nous installons chacune d’un côté de la paroi qui nous sépare, testons l’isolation sonore des appartements, nous faisons visiter nos nouveaux antres. Puis allons faire les courses d’emménagement, qui tournent vite à l’épique.

Pour la première fois depuis un bon moment, j’ai un vrai chez moi à moi. Je n’ai pas la possibilité d’héberger des gens, mais c’est déjà un grand pas.

Le lendemain, J. et moi faisons nos premiers pas dans l’entreprise.

S’il y a une chose que le Pays des merveilles soigne bien, c’est l’arrivée de ses employés. Chaque contrat longue durée passe par trois jours d’integration, qu’ils appellent les journées Tradition.

Là encore, ça transpire la culture d’entreprise. Employés, vous allez l’aimer, votre boîte ! Tout y est : le culte d’une personne (ce bon vieux Walt), le slogan motivant (« Faire rêver c’est un métier »), le jargon type que personne, hors de l’entreprise, ne pourrait comprendre (« N’envoie pas les guests au BTM, il est en 101. Tu fais la close aujourd’hui ? On est de clearance ensemble. »), et les principes que tout bon employé doit appliquer. Demandez à n’importe qui ayant bossé dans cette boîte de vous parler des « 4 clefs ». Je suis sûre que même dix ans après ils s’en rappellent encore. Les quatre clefs sont au Pays des Merveilles ce que les tables de multiplication sont à l’école primaire.

C’est martelé, distillé, tout est fait pour que dès le départ on soit dans un bain de paillettes et qu’on ait des étoiles dans les yeux en parlant de notre boulot.

Et ça marche. Mon côté sociolinguiste est tout émoustillé, mon moi-psykoteuse-du-travail fasciné. Tout fonctionne à merveille. Il y a dans cette boîte des génies de la comm RH, des psycho-ergonomes extraordinaires, et le fait de le savoir et d’entrevoir les mécanismes à l’oeuvre n’empêche pas le coup de foudre.

On apprend à chérir notre ID (le fameux badge sur laquelle notre vie repose désormais : pour travailler, pour manger, même pour rentrer chez soi), on trésore notre Nametag (qui n’est qu’un bout de plastique avec notre nom, mais remis des mains de Sa Majesté elle-même, dans des conditions telles qu’on ne peut l’oublier).
On découvre aussi un parc qu’on va vite prendre l’habitude d’arpenter…

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Journée Tradition du 21/11 : on apprend à faire preuve de « Courtoisiiiiiiie ! »

Ces trois jours permettent également de tisser des liens avec des gens dans d’autres locations, qui font d’autres métiers. On découvre à quel point l’entreprise est vaste. A ce stade, on ne peut qu’admirer…alors on admire.
Et puis on quitte les salles de l’académie : on nous envoie dans nos locations.

Et là, c’est la baffe. En tout cas pour moi.

La réalité du métier

Pendant la formation, aucun souci : j’étais en terrain connu. J’avais effectué le métier des gens devant moi. Faire des formations, faire défiler des powerpoints, capter l’attention d’un public, je savais faire, je comprenais.

Arrivée sur le terrain, une fois mon costume essayé et enfilé, j’ai rapidement déchanté. Même en sachant en quoi le métier consistait, je n’étais pas vraiment prête.

J’ai découvert les coulisses, immenses et placées de manière tellement évidente que les gens ne les remarquent même plus. Il n’y a la plupart du temps même pas de porte entre les coulisses et la scène : pas besoin. Et moi qui pensais connaître le parc comme ma poche, j’ai commencé par me perdre copieusement. Le premier jour sur le terrain, j’ai failli ne pas manger, incapable que j’étais de retrouver le chemin du restaurant d’entreprise. (Rassurez-vous, j’ai quand même réussi à mettre la main sur un sandwich. Et même un beignet au chocolat. Et depuis, j’ai appris globalement les chemins, même si je me perds encore un peu.)

En grande championne de la théorie, je me suis soudainement retrouvée catapultée dans un monde où on réfléchit et on FAIT tout à la fois. On nous apprend à faire en même temps qu’on nous demande de faire autre chose. Occupée à surveiller des gens, il faut réciter les procédures d’urgence, appuyer sur le bon bouton, ne pas quitter ta scène des yeux et donc s’empêcher de regarder son interlocuteur… Tout ce que j’avais appris à ne pas faire.
De difficilement devenue monotâche, j’ai dû redevenir multitâche en urgence, sans trop avoir le choix. Pour mes deux attractions, ma formation a duré moins de quatre jours. Simple, rapide, efficace : maintenant, je récite sur le bout des doigts mes procédures (enfin. Il me semble que je suis capable de le faire).

Et il y en a, des procédures : vous n’imaginez pas la paperasserie que ça engendre, de créer de la magie.
J’ouvre une attraction ? Papier. Je la ferme ? Papier. Elle s’arrête ? Papier. Je dois l’arrêter ? Papier. Quelqu’un tombe ? Papier. J’arrive à la console ? Papier. Objet trouvé de valeur ? Papier, papier, et encore papier. Toujours. Tout le temps. On fait de la paperasse tout en maintenant la magie en place. On apprend à coincer le téléphone sous l’oreille, le stylo dans la main gauche à écrire comme on peut, en gardant la main sur l’arrêt d’urgence et les yeux rivés sur la scène. Ouvrir la porte, appuyer sur des boutons, dire bonjour, rester à l’affût des signaux envoyés par les collègues, répondre au téléphone, noter des choses, vérifier en permanence la sécurité, et sourire en remplissant les papiers sans que personne ne s’en rende compte.

Les premiers jours sont parmi les plus éprouvants que j’ai connus. J’ai pris conscience d’à quel point j’étais terriblement efficace dans le théorique (aucun souci pour retenir les choses tant qu’on me les disait), ou l’aspect social (aucun souci pour accueillir et renseigner les visiteurs). Et à quel point j’étais lamentable dans l’opérationnel.
J’ai eu l’impression désagréable de repasser mon permis de conduire.
De rebooter toutes mes connaissances et repartir de 0, d’être une incapable qui ne sait rien faire, comme si tout ce que j’avais fait jusque là n’avait servi à rien (ce qui est, bien sûr, totalement faux. Mais sur le coup, je me suis sentie nulle, nulle, nulle…)

En plus, l’accent est tellement mis sur la sécurité que, pour peu qu’on soit un tout petit peu trop réceptif à TOUS LES DANGERS POTENTIELS, chaque battement de cils devienne une source d’angoisse MONUMENTALE car on ne surveille plus assez.
J’avais conscience du poids potentiel de chacune de mes erreurs. Des risques pris. La phobie de la porte restée ouverte, l’angoisse des personnes en trop qui bloqueraient en cas d’évacuation… Même maintenant, avec un peu de pratique, ça ne me quitte pas encore. Je me fustige à chaque micro-erreur, qui n’en est pas vraiment une. Mes inattentions me plongent dans un désarroi profond. A la console, je passe mon temps à m’engueuler. Ca finira par passer, je ne m’en fais pas.

Bref. Psychologiquement, la mise dans le bain des premiers jours a été rude. Les journées de dix heures n’aidant pas, même si elles me permettent d’avoir trois jours libres par semaine (pas du luxe, puisqu’après ma première série de quatre jours de dix heures d’affilée, j’ai ensuite dormi quarante heures en trois jours…)

Enfin, après quatre jours assez rudes passés à moitié en salle de formation, à moitié sur le terrain… j’ai obtenu mes « permis d’attraction » (par une partie théorique via QCM ou questions ouvertes, et une partie pratique sur le terrain).
Notez bien que je suis absolument la seule à les appeler comme ça. Le terme est tout sauf officiel, mais c’est comme ça que je m’y retrouve.

Depuis, mon quotidien, c’est ça :

« Bonjour ! Bienvenue. Vous êtes combien ? Attention au départ, get ready ! Au revoir, bonne journée ! »

(Et toutes les variations possibles, selon les langues, les situations, les questions des visiteurs…)

Pour ceux qui s’interrogeraient sur la musique d’ambiance : j’ai trouvé la boucle. Elle ne dure même pas deux minutes. Ecoutez cette merveille pas stressante du tout.

Le tour durant 1mn30, et l’attente moyenne étant de 20mn, les visiteurs ne s’en lassent pas TROP. Nous, par contre…

Bon, t’es bien gentille de nous avoir déballé ta vie, mais on sait toujours pas ce que tu fais, concrètement !

J’y viens, j’y viens. Si vous avez bien regardé la vidéo, vous m’avez vue. Enfin, pas moi, hein. Mais des anciens collègues. Peut-être des qui sont toujours là (mais vu la date de la vidéo, j’en doute). En tout cas, vous avez pu apercevoir ces manteaux bleus et écharpes rouges. Voilà, moi, je suis ça.

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(Soyons honnêtes : je déteste ces rayures rouges.)

J’arrive le matin, je me change, puis je prends le bus qui me conduit à ma base.

Là, je participe au briefing, puis je je fais les procédures d’ouverture de l’attraction. Des papiers, des coups de fil à passer, des tas de choses à vérifier, des boutons à appuyer.

J’accueille les visiteurs, avec courtoisie. Je les renseigne au besoin. Je m’assure qu’ils peuvent faire l’attraction. Je surveille les enfants, rassure les parents. J’accueille les personnes handicapées qui passent par la sortie, en vérifiant leur carte d’accès, en les comptant dans mon tour suivant.

Je compte les gens, en fonction du nombre de tasses disponibles, accompagnée de mon fidèle ami, le compteur à clics. Souvent, c’est difficile, parce que les gens n’écoutent pas quand on leur dit « une tasse, deux tasses ». Ca les embête, qu’on leur pourrisse leur groove. Alors il reste des tasses vides quand on lance le tour, ou alors il y a des gens qui n’ont pas de tasse et doivent attendre le tour d’après. Les visiteurs ne comprennent pas trop que quand on fait ça, c’est aussi et surtout pour eux.

J’ouvre les portes, essaie de calmer les enfants trop enthousiastes qui pourraient tomber et se faire mal, je dis bonjour, courtoisie à nouveau. J’indique les tasses libres, au besoin.

Je fais le tour des tasses, avant de lancer. Je m’assure qu’ils ne sont pas trop nombreux par tasse, que les enfants sont accompagnés. Ca les embête beaucoup, à nouveau, quand je leur dis qu’ils sont trop, ou qu’il leur faut leurs parents, ou qu’ils ne peuvent pas faire l’attraction pour x ou y raison. Parfois, une femme enceinte va cacher son ventre pour pouvoir faire l’attraction quand même. Des enfants vont mentir sur leur âge. C’est un peu triste : une fois de plus, on ne fait pas tout ça juste pour les embêter. Mais s’il y a le moindre problème, ils vont forcément nous accuser. Alors on se protège. On est obligés. On surveille tout, tout le temps. Et on note tout. Tout le temps.

Je décide que le tour peut être lancé en toute sécurité. Alors, je l’indique à mon collègue, parce qu’on n’envoie pas un tour tout seul, il faut une validation.

J’annonce le tour au micro. Je lance le tour. Et je surveille, surveille, surveille, dans les tasses, autour des tasses, que personne ne saute la barrière, que personne ne se lève, qu’il n’y ait pas de bruit suspect, pas d’odeur, pas d’alerte incendie, pas de malaise. Je ne lâche pas ma scène des yeux, main toujours posée sur le bouton d’arrêt.

S’il y a le moindre problème, je fais des annonces au micro. J’arrête le tour. Je remplis des papiers, je passe des coups de fil, au besoin. J’évacue des gens, au besoin, même si c’est pas drôle, même si je me fais engueuler parce que c’est quand même un monde, c’est toujours en panne, y a toujours quelque chose qui ne va pas. (Et ce même si quelqu’un a fait un malaise, parce que oui. Si quelqu’un est allongé sur la scène et les pompiers à côté, c’est un problème technique. C’est quand même ma faute si l’attraction ne fonctionne pas. C’est aussi mon métier : je fais tampon. Au Pays des Merveilles, on apprend à se protéger…)

J’écoute les visiteurs, je les aide, je les renseigne dans la mesure du possible. Puis je les escorte vers la sortie, en leur souhaitant une bonne journée avec un sourire irréprochable (et le plus souvent, honnête, même si les gens ne s’en rendent pas compte).

Je nettoie l’attraction,  je vide les poubelles. Je ferme l’attraction, papiers, coups de fil. Je range ces papiers. Je note les informations nécessaires.

Enfin, j’aide à vider le parc. A renseigner les gens sur l’heure de fermeture, sur le spectacle de fermeture, sur les itinéraires à prendre.

Je participe ensuite au débriefing, puis vais prendre le bus qui me conduit à mon casier, où je me change. Fin de la journée.

 

Voilà. Concrètement, je fais tout ça. Et techniquement, tout est fait pour que les visiteurs s’en rendent le moins compte possible.

Bien sûr, je ne fais pas tout ça à la fois, d’un coup, en une journée : si j’ouvre, je vais vider les poubelles, mais pas forcément fermer. Si je ferme, je vais ranger les papiers, mais pas forcément vider les poubelles. Et si je valide le lancement de mon tour, il faudra toujours quelqu’un d’autre pour valider de l’autre côté.

Je ne suis jamais seule : il y a toute une équipe autour. Dans ces attractions, on ne peut pas être moins de deux. Et ça, c’est énorme pour moi. Pour la première fois, je fais réellement partie d’une équipe. Nous occupons chacun des postes, les uns après les autres, nous gérons notre rotation, nous écoutons ceux qui sont en charge de nos pauses, et nous répondons à nos questions mutuelles.

Grosse nouveauté dans ma vie, le vrai travail d’équipe, et dans une grosse équipe : je ne déteste pas, même si c’est souvent une autre source d’angoisses/de difficultés.
Il n’est pas toujours simple d’intégrer une équipe qui semble déjà bien formée… surtout quand tout le monde a prévenu « Attention, ça parle beaucoup ; n’en dis pas trop sur toi ». Il y a une sorte d’hypocrisie latente dans la bonne humeur globale.
Toutefois, après quelques jours, j’ai un peu compris les règles du jeu. Dire « oui oui », quand il le faut, faire les plaisanteries avec les bonnes personnes. Ne pas trop parler, être beaucoup d’accord, profiter de la bonne ambiance sans taper du poing trop fort. Au pire, avoir recours à l’agressivité passive ; mais vraiment au pire du pire. (Jusque là, je n’en ai pas encore eu l’occasion. Pas à mes souvenirs.)
L’hypocrisie, elle est partout, dans toutes les boîtes. Et je préfère être entourée de gens qui sourient et sont avenants, même si je ne leur raconterais pas toute ma vie ni ne sortirais avec eux tous les soirs, que de gens qui font la gueule du matin au soir.

J’ai donc observé. J’ai appris à me protéger (sans doute jamais assez, je reste une véritable éponge sur certains points, et ça me reviendra forcément dans la tête à un moment ou un autre), mais ça ne m’a pas empêchée de tisser des liens malgré tout. Je profite de cette bonne ambiance, qui m’aide plus qu’elle me plombe. Je conserve juste les mises en garde dans un coin de ma tête. Ma chef d’équipe a été claire quand je suis arrivée : « La première chose qu’on apprend, ici, c’est à se protéger. »
Ca tombe bien, ça faisait partie des choses que j’avais cruellement besoin d’apprendre.

Bref, presque quatre mille mots plus tard, vous l’aurez compris, tout n’est pas toujours rose au Pays des merveilles, et le métier de créatrice de magie n’est pas de tout repos.

Il faut sans arrêt jongler avec les procédures, la sécurité, la courtoisie avec les visiteurs et les collègues (quitte à verser un peu dans l’hypocrisie), les journées de travail aux horaires un peu fous, aux dates un peu folle (ce matin, ma chef d’équipe a donné le ton : « Leurs vacances commencent, c’est la fin des nôtres. »), dire adieu à sa vie sociale, et parfois faire face à des tensions épuisantes, qu’elles soient à cause de l’attraction, des visiteurs, des collègues ou de la hiérarchie…

Malgré les complaintes, une conclusion positive

C’est indéniable : ce Nouvoboulo au Pays des merveilles est une expérience extrêmement formatrice. Pas forcément « celle qui me manquait », car si elle résout certaines choses, il n’en reste pas moins qu’elle crée d’autres problèmes (ou du moins en accentue des plus anciens, tout particulièrement ceux liés à mon rythme de vie et mes troubles alimentaires).

Mais comme je le disais, tout d’abord, elle m’apprend le travail opérationnel en équipe. Un truc jamais fait auparavant. Elle m’apprend à travailler sur le terrain, par des conditions parfois absurdes (entre le bruit, les odeurs de nourriture, les musiques entêtantes, les visiteurs plus ou moins courtois, et le froid hivernal…), elle confirme et renforce toujours plus mon adaptabilité (comme si j’avais encore besoin de me prouver ça. Donnez-moi un moule, et je me fondrai dedans…)

Ensuite, elle m’apprend, comme dit plus haut, à lâcher prise sur des situations où je ne peux rien faire, et à me protéger. Deux personnes ne peuvent pas se voir ? Ce n’est pas mon problème, ça ne me regarde pas. Les gens ne sont pas contents ? J’ai fait ce que j’ai pu ; ce n’est plus mon problème, ça ne me regarde plus. J’avance. Je m’imperméabilise. Des fois je craque ; globalement, je fais attention. Petit à petit, j’arrive à gérer des petites crises sans (trop) paniquer.

Je travaille sur moi et je me remets en question. J’en apprends toujours plus sur moi, sur ce que j’aime vraiment faire, sur ce que je n’aime vraiment pas faire. Sur ce que je gère bien, moins bien. Pour, à l’avenir, réussir à cibler de mieux en mieux ce dans quoi je m’investis, que ce soit professionnellement ou personnellement. Pour pouvoir m’épanouir au lieu de m’épuiser.
Je m’écoute, aussi. Dernièrement, j’ai enfin mis le doigt sur le fait que j’ai une fâcheuse tendance à me chercher des excuses, tout le temps. « C’est pas moi, c’est parce que… » (Oui, je demeure une linguiste, et je suis mon premier cas d’étude.)
Alors certes, je viens d’arriver, je suis toujours en train d’apprendre, j’ai des excuses. Mais rhétoriquement, j’apprends à reconnaître : oui, je me suis trompée dans telle procédure. Je peux l’expliquer par le fait que je ne l’avais jamais faite avant même si on me l’avait montrée. Je ne peux pas dire « Ah non mais c’est ». Je peux juste dire « Ah oui, en effet. Je suis désolée. Je n’avais jamais mis en application avant, maintenant je saurai et ça ne se reproduira plus. » Quasi-insignifiant pour un auditoire peu attentif, mais un pas de géant pour une Lia…

Egalement, j’essaie de moins « faire semblant » qu’avant. Maintenant, je fais de moins en moins « oui oui », quand je ne sais pas. Je pose mes questions, sans honte. Même si elles sont souvent stupides. Même si je me plante régulièrement.
Ca, c’est un vrai pas en avant. Je suis contente d’être repartie de zéro, ça a mis un peu de plomb dans l’aile de mon syndrome de l’imposteur.

Je mets aussi les pieds dans une vraie grosse entreprise bien bureaucratique, qui me permet d’observer au quotidien des authentiques cas d’étude de la psychologie du travail. C’est extrêmement formateur pour mon avenir, je pense. Je réfléchis de plus en plus à le faire, ce master de psychologie du travail par correspondance. Je verrai bien, pour l’instant, je n’en suis pas là. Mais le Pays des Merveilles regorge de métiers tous très différents, alors j’essaierai peut-être de tenter ma chance. J’ai la bougeotte. J’aime bien l’idée de ne pas faire la même chose toute ma vie.

Dernier point positif, et peut-être le plus important : tous les soirs je rentre chez moi épuisée, sur les rotules, avec un mal au dos à réveiller les morts et tout sauf envie de me faire à manger… Mais satisfaite. Parce qu’aujourd’hui une petite fille m’a offert une fleur. Hier, j’ai eu un peu de barbe-à-papa. Avant-hier, une petite princesse m’a fait un bisou. Régulièrement, des enfants font des câlins à mes jambes.
Et quand je rentre chez moi, je prends le temps de discuter un peu. Je lis, je dessine. J’écris, des fois. Je ne suis pas dégoûtée des activités créatrices. J’ai peu de temps avant de dormir, mais le temps que j’ai, je ne le passe pas à me torturer en obligations, en devoirs à la maison.
Et surtout, même si me lever demeure une obligation atroce parce que j’aime beaucoup trop dormir… Je ne vais pas au travail à reculons. Et je ne suis jamais en retard.
Et ça, croyez-moi, c’est une amélioration considérable de ma vie.

Alors oui, pour le moment, j’aime bien travailler au Pays des Merveilles. Je me fais engueuler par des parents parfois, mais souvent ils me remercient. Les enfants ont les yeux qui brillent, et ce n’est pas de colère de devoir aller en cours. S’ils baillent, c’est parce qu’ils ont couru partout toute la journée, pas parce qu’ils se font ch… dans une salle de classe.
Mes collègues ne se plaignent pas trop, pas en permanence en tout cas. Ils plaisantent entre eux malgré des tensions.
Et puis, soyons honnêtes : la culture d’entreprise incroyable est aussi source de motivation. Parce que même en sachant que je suis remplaçable en un claquement de doigts, je me sens indispensable. L’Education Nationale a tout à apprendre.

Pour tous les moments où je me demande ce que je fais là, dans le froid, à attraper la mort en disant bonjour à des gens qui n’en ont rien à cirer, il y a toujours un regard émerveillé d’un petit de quatre ans, et son père qui vient me remercier. Une fois par heure, environ. Et la musique, au loin, épique. Et les décors féériques. Et les gens qui dansent.
Des choses qui ne marcheront peut-être plus dans quelques années. Je ne ferai sans doute pas toute ma vie au Pays des Merveilles, mais je suis bien contente d’y avoir mis les pieds. En plus, ça me fait plein de choses à vous raconter

(Et puis hein, au moins : MON MEMOIRE DE M2 ME SERT ENFIN A QUELQUE CHOSE !)