La Descente vers la lumière

Aurore. Le fonctionnaire nommeur avait dû y voir une lueur d’espoir, ou alors un brin d’ironie gratuite. Humour ou utopie mal placée, qu’importait : elle ne le remerciait pas. Depuis sa plus tendre enfance, elle avait dû se traîner ce prénom démodé. De classe en classe, elle avait pu côtoyer des Mernas, des Loëd, et le binôme qu’on lui avait attribué dès son arrivée à l’Ecole se nommait Xayr. C’avait tout de même beaucoup plus de classe que ce fichu nom.

Bien sûr, elle avait cherché à comprendre d’où venait cette lubie du nommeur qui avait mis cette suggestion dans la roulette des noms. C’avait été le déclencheur de tout, après tout. Le point de départ des recherches sur l’origine des ces quatre voyelles ridicules, qui détonnaient tant avec les noms courts à deux voyelles maximum.

Car la surabondance de voyelles (ou de syllabes, même) ne faisait plus de bien à personne : la société évoluant, avec l’abandon de l’Ancien Parler, les modes avaient suivi leur cours, et seules les progénitures issues de familles indépendantes, celles qui ne se mêlaient pas aux citoyens et pouvaient encore avoir le luxe d’employer l’Ancien Parler sans se faire trop mal voir, se retrouvaient désormais affublées de noms à l’ancienne, ces noms aux syllabes trop nombreuses qui, s’ils avaient le malheur de se retrouver dans une liste de l’Ecole (les familles indépendantes n’étaient jamais à l’abri d’une faillite…), se retrouvaient vite au ban des autres.

Durant ses premières années, avant d’intégrer l’Ecole, Aurore avait été très seule, sa Nourrice ayant été particulièrement protectrice avec cette enfant sans doute issue d’une bonne famille indépendante. Elle ne pouvait guère se plaindre  : elle avait bénéficié de beaucoup plus d’attention qu’un enfant lambda aurait pu prétendre en recevoir, et l’éducation primaire qu’elle avait reçu de sa Nourrice avait sûrement fait beaucoup pour son entrée à l’Ecole.

Elle était arrivée par le plateau le plus bas et avait eu la chance de tomber sur Xayr pour binôme assigné, un brave gars qui avait juste eu la malchance de tomber sur un de ces gènes qui vous faisait la peau foncée. Tous deux marginaux, l’un par sa couleur, l’autre par son nom, ils s’étaient soutenus et avaient cherché à comprendre l’origine de leur différence. A force de recherches, Xayr avait découvert que quelques très rares personnes noires avaient été incluses dans la grande brasserie génétique, car le Centre avait jugé que le pourcentage de risques que la roulette donne naissance à un enfant noir étaient faibles. Xayr avait alors creusé et découvert que les malheureux étaient simplement envoyés à la Décharge… Pourtant, il avait survécu. Il avait dû montrer patte blanche pour retrouver les traces de sa naissance, et n’avait pas eu accès à ces dossiers avant d’avoir atteint le plus haut plateau de l’Ecole. Il avait ainsi appris qu’à sa naissance, une Nourrice avait eu le béguin pour cet enfant noir et l’avait pris sous son aile pour l’élever, malgré la désapprobation nette du Centre.

Fort de ses résultats et des contacts qu’il avait pu se faire au cours de ses recherches, Xayr avait ensuite aidé Aurore à découvrir le sens de son nom. Cela n’avait pas été une mince affaire : l’accès aux archives de l’Ancien parler était strictement réservé. Si cette langue avait été oubliée, ce n’était pas pour rien. Le Centre n’avait de cesse de répéter qu’elle était nocive à l’être humain, que c’était elle qui avait failli conduire l’Humanité à sa perte, et que sans la construction de la cité-bulle, ses habitants n’auraient pu survivre aux coups des Autres Parlers. Ils avaient alors décidé de s’enfermer, construire cette immense bulle de métal, et de simplifier à l’extrême la vie des citoyens. Les naissances se faisaient grâce à la Roulette ; puis les Nourrices prenaient en main l’élevage des jeunes, jusqu’à leur entrée à l’Ecole. Une égalité des chances, en théorie. Seules quelques richissimes familles indépendantes, en raison de leurs amitiés avec le Centre (ou de la fortune qu’ils avaient pu sauver lors de la période de la grande Transition) avaient pu conserver le droit à l’enfant légitime. Mais ce n’étaient que des excentriques, et peu approuvaient leurs choix.

Grâce à l’aide de Xayr et d’autres chercheurs du plateau supérieur de l’Ecole, Aurore avait donc appris, après de longues années de recherche, le premier sens de son nom. La lumière du lever du jour… L’idée la laissait pensive. Elle n’avait jamais connu que le gris du ciel métallique de la cité-bulle. Les couleurs décrites dans l’ouvrage en Ancien Parler qui lui avait enfin apporté la réponse à l’énigme l’avaient fait rêver. Au point de l’obséder. Alors elle s’était lancée dans une nouvelle quête. Un nouveau projet de recherche encore plus périlleux. Celui de voir ces couleurs et cette lumière, pour de vrai. Et les recherches touchaient à leur fin.

Heureuse, Aurore s’extirpa du sas du plateau supérieur de l’Ecole. Cette journée s’était déroulée exactement comme elle l’avait prévue  : banale, plate et inintéressante. Cela faisait longtemps qu’Aurore s’était résignée au gris de ces jours passés dans le bâtiment le plus haut de la cité-bulle. Depuis qu’elle avait découvert que le ciel avait un jour été orange, tout lui semblait si terne… Mais ce soir, c’était le grand soir. Enfin. Aurore ne pouvait retenir le sourire qui flottait sur ses lèvres. Les choses réellement importantes commençaient. Elle retrouva Xayr au bout du tunnel conduisant au bas de l’Ecole et, sans mot dire, tous deux un peu nerveux, ils se mirent en route.

Ils avaient étudié les plans trouvés dans les réceptacles à données de la datathèque du plateau supérieur pendant des mois. Sortir de la cité-bulle semblait inenvisageable. Pourtant, ils avaient fini par trouver la solution là où ils n’auraient pas pensé à la chercher  : le Pôle d’Amusement. La soucoupe de verre du Pôle hébergeait toutes les propositions faites aux citoyens pour remplir leur temps libre. Parmi eux, un dépliant accrocheur pour une visite organisée du métro désaffecté avait attiré leur attention. Depuis la création des terriers, la multitude de tunnels individuels qui zébraient le ciel de métal avait depuis bien longtemps remplacé les galeries souterraines, qui étaient désormais livrés en pâture aux citoyens curieux d’être témoins de l’enfer que les Anciens Citoyens s’imposaient. En axant leurs recherches sur le métro, Aurore et Xayr découvrirent que ses couloirs formaient un véritable réseau sous la cité-bulle. Ils purent mettre la main sur d’anciens plans dans la datathèque, et s’aperçurent que, pour peu qu’ils arrivent à dépasser certaines barricades, ils pouvaient s’en servir comme issue à la bulle gardienne de métal qui englobait la ville. En vérifiant les horaires des visites, en prenant garde aux tours de rondes des Guides, aux orientations des Yeux numériques, ils avaient pu planifier leur descente dans les souterrains. C’était ce soir qu’ils essayaient. Aurore en était presque fébrile.

«  Je n’arrive pas à croire qu’on soit en train de faire ça.  », marmonna Xayr, presque solennel alors qu’il forçait la trappe du métro. L’entrée était habilement camouflée dans un endroit de la cité-bulle où personne n’aurait pensé à baisser les yeux. Aurore, elle, restait alerte, surveillant les Yeux numériques, pour ne pas se faire prendre dès le début de leur excursion. Qui savait ce qu’ils risquaient pour tenter de voir le monde hors de la bulle de métal ? La justice de la cité était rarement mise en avant  ; on préférait se concentrer sur le fait qu’il n’y avait aucun problème, aucun délit à juger. Aurore avait entendu parler d’une prison cachée, loin sous la cité, mais elle n’en savait pas plus. Dans le doute, elle choisit de redoubler d’attention. Une odeur de renfermé montant de la trappe que Xayr venait d’ouvrir, et dans laquelle il commençait à s’engouffrer, une corde nouée autour de la taille. Il tendit l’extrémité de la corde à Aurore.

«  Kay. Je passe devant, tu m’assures, et on échange une fois que je suis en bas. Tu es prête  ?  »

Le ton de Xayr n’était même pas hésitant. Aurore opina du chef. Enfin. Ils allaient pouvoir traverser la ville, sa muraille de fer, et enfin, elle verrait le soleil et son ton orangé qui trancherait tellement avec son gris quotidien. La descente se fit paisiblement, dans le noir. En descendant l’échelle métallique aux barreaux inconstants, Aurore tenta de se convaincre qu’elle ne faisait rien de mal, que ces couloirs étaient abandonnés simplement parce qu’il étaient impraticables et dangereux, qu’elle allait juste voir le soleil et qu’elle reviendrait vite dans la cité-bulle, plus riche d’avoir compris l’origine de son nom.

Mais arrivée en bas, elle ne fut plus si sûre d’elle. La lumière blafarde de la lampe apportée par Xayr éclairait des murs bien plus gris et sombres que ceux de la surface de la cité-bulle. Sinistre, le couloir s’étendait devant eux. Ce n’était pas un de ces couloirs visités par des touristes en mal de sensations fortes  ; celui-ci était désaffecté, abandonné depuis des années, des siècles même. Les parois étaient couvertes de symboles en Ancien Parler, menaçants malgré leurs tons délavés. Quel genre d’horreurs avait pu avoir lieu dans un lieu si nauséabond  ? Ils avancèrent toutefois le long d’un quai poussiéreux, puis descendirent sur les rails. Aurore se concentra sur son but pour ne pas détailler de trop près ce qui l’entourait. La structure du tunnel semblait incertaine, la lampe de Xayr créant des ombres menaçantes sur les murs. Aurore fut interpellée par un wagon renversé sur un côté du tunnel. On aurait dit la carcasse d’un monstre mort, abandonné là depuis des siècles… C’était sans doute le cas, après tout. Ses vitres cassées, ses portes défoncées, tout laisser deviner un passé terrible. Des gens s’entassaient vraiment là-dedans, mettaient leurs vies entre les mains de ce monstre de fer branlant  ? Aurore voulut aller voir à l’intérieur, tenter de comprendre, mais Xayr la tira de son observation.

« Ne traîne pas trop. On dirait que c’est abandonné, mais je doute que le Centre laisse ce coin sans surveillance quand même. Nous ne sommes pas très loin de la sortie, si les plans qu’on a suivis sont les bons.

On est encore sous la cité-bulle, tu crois  ? Ou alors on est sortis de son enceinte  ? Où est-ce qu’on va atterrir  ? Tu crois qu’il y a encore des Parlers Etrangers à l’extérieur  ?  » Les questions affluaient dans la tête d’Aurore, qui, le moment d’inconscience passé, commençait à percevoir dans quel pétrin ils s’étaient fourrés. Xayr eut l’air un peu agacé.

« Pourquoi tu poses ces questions maintenant  ? Tu ne crois pas que c’est un peu tard  ? On y est maintenant. Tu voulais le soleil, on va trouver le soleil. Moi aussi, je veux savoir. Alors avançons.  »

Qu’allaient-ils trouver au bout  ? Le ton sec de Xayr l’avait refroidie, et Aurore commençait à douter du bien fondé de leur entreprise. Et si les réceptacles à données avaient été erronés  ? Et s’il n’y avait rien  ? Si le soleil n’était qu’une invention de ceux qui maniaient l’Ancien Parler  ? Ses réflexions furent interrompues par une exclamation de son binôme.

« Regarde  !  » Son doigt pointait un détail devant eux. Là, au bout du tunnel, une volée d’escaliers inégaux semblaient conduire à la surface. Aurore sentit son cœur battre plus fort. Un fin rayon de lumière tombait sur le quai… Laissant son binôme derrière elle, elle se mit à courir en direction du soleil, le fameux soleil, enfin, celui qui lui avait donné son nom, celui qui était orange et pas d’un gris métallique comme la cité-bulle. A cet instant précis, elle se sentait légère, heureuse comme jamais. Elle allait éclater de rire, lorsqu’un cri retentit dans le couloir, la coupant dans son élan. Xayr. Aurore stoppa net et se retourna. Son cœur s’arrêta net. Xayr était au sol, inconscient. A côté de lui, trois hommes grands, vêtus d’ample vêtements noirs partiellement recouverts de pièce métalliques à l’aspect menaçant. Une angoisse froide saisit Aurore. Elle voulut se remettre à courir, vers la lumière, mais les trois étaient désormais après elle.

« Stop  ! Vous êtes en état d’arrestation ! »

Tout s’effondrait. Les Guides les avaient rattrapés. Ils avaient dû déclencher un mécanisme de surveillance quelconque. Alors qu’ils étaient si proches du but… Qu’elle allait enfin la voir, la lumière orange du soleil… Aurore sentit un poids sur ses épaules et s’effondra au sol. Elle ne pouvait plus bouger, immobilisée par l’intercepteur du Guide le plus proche. Elle ne put même pas crier. Contrairement à Xayr, dont elle vit le corps inerte embarqué par les deux autres Guides sans pouvoir lui adresser le moindre mot, c’est bien consciente qu’elle fut conduite dans un sas intégralement noir. Personne ne lui dit rien. On la fit s’asseoir. Elle voulut poser des questions, mais l’intercepteur avait immobilisé jusqu’à ses cordes vocales. Alors elle attendit.

Une semaine passa, durant laquelle l’obscurité et le silence ne la quittèrent pas. Une fois par jour, on lui apportait de la nourriture. Elle ne savait pas si Xayr était encore en vie. Un jour, quelqu’un vint, lui fit appliquer sa main sur un identificateur, opina du chef en observant l’écran de l’objet, puis repartir sans même lui adresser un regard. Aurore eut lieu de réfléchir, encore et encore, à ce qui s’était passé. C’était peut-être là sa punition  ? Devoir rester enfermée dans le noir, elle qui ne voulait que voir la lumière, à réfléchir à ce qu’elle avait fait, comme une Nourrice punissait un enfant qui avait fait une bêtise  ? Pourtant, après une attente interminable, on la fit enfin sortir, et elle fut conduite dans une large salle où cinq hommes, l’air grave, la détaillèrent des pieds à la tête. Des membres du Centre, étant donné leur air grave. Le plus grand ouvrit la bouche pour déclamer sa sentence d’une voix solennelle. Il résuma les faits, puis le verdict tomba.

« Vous êtes condamnée à perpétuité dans la prison sous-marine de la cité. Vous ne reviendrez jamais à la surface.  » Désormais, Aurore savait ce qui l’attendait. Le sas sombre n’était que l’antichambre de la peine. Elle ne verrait jamais plus le ciel, ni celui de métal, ni le vrai, celui où le soleil si cher à Aurore devait encore trôner. On la conduisit hors de la salle sans cérémonie et elle fut menée le long d’un nouveau couloir gris. Il fut hors de question qu’elle repasse par son sas personnel pour récupérer des affaires  : là où elle allait, elle n’en aurait pas besoin. Le couloir s’élargit en un immense hangar dont la moitié donnait sur une eau noire et peu engageante. Un ponton métallique conduisait à une navette amphibie, peu accueillante, dont le métal cuivré semblait rouillé par endroit, et certains rivets paraissaient prêts à céder.

W413R. Les symboles sur la plaque de la navette rappelaient ceux sur les murs du métro abandonné. Aurore n’eut pas le temps de la détailler plus  : on la bouscula pour qu’elle entre et on la sangla sur la chaise du prisonnier. A côté d’elle, celui qui conduirait le véhicule vers les fonds marins s’installa. C’était le Guide qui l’avait rattrapée dans le métro. La navette fut positionnée à l’entrée d’un tunnel de verre qui plongeait dans les profondeurs noires de l’eau. Au bout, la prison sous-marine, la peine ultime. Aurore ne savait qu’en penser. Elle se demanda ce qui était arrivé à Xayr. Elle ne le saurait sans doute jamais.

Xayr et elle avaient bravé sans le savoir le plus grand interdit posé par le Centre. On n’allait pas à l’extérieur de la cité-bulle. Ce n’était pas une question de sécurité des citoyens. C’était une question de contrôle. Comme on contrôlait les gènes et les noms. Comme on contrôlait les binômes et les plateaux. Comme on contrôlait les rues. Maintenant qu’elle y pensait, ils avaient dû être surveillés dès leurs premières recherches. Ils avaient beau être brillants, ils n’en restaient pas moins deux marginaux. Deux potentiels fauteurs de trouble, de par leur nature même. Si ça se trouvait, on leur avait fourni les informations dans le simple but de les conduire à l’erreur. Si ça se trouvait, on avait même inventé de toutes pièces ces histoires de nourrice bienveillante, de soleil orange, d’Ancien Parler. Si ça se trouvait, ils n’étaient que des expériences. Aurore réprima un sanglot.

Y avait-il vraiment un soleil dehors  ? Aurore ne savait plus que croire. Pourtant, alors que sa condamnation allait prendre effet, ses pensées s’envolèrent vers le rayon de lumière qu’elle avait entraperçu au bas des escaliers du métro désaffecté. Elle ne pourrait jamais savoir. Prisonnière de son fauteuil, à côté du Guide maudit qui l’accompagnerait jusqu’à la prison sous-marine, elle serra les dents tandis que le décompte qui la séparerait à jamais de la surface commença. Cinq, quatre, trois, deux, un…

Zéro. La navette s’enfonça dans le tuyau de verre. Aurore sentit ses oreilles se boucher, la pression de l’eau appuyer douloureusement sur ses tympans. Elle eut l’impression que sa tête allait exploser. Dans sa poitrine, l’angoisse pointa, son étreinte de plus en plus forte remontant jusqu’à sa gorge… Son geôlier la vit changer de couleur et la libéra de son fauteuil en lui indiquant les latrines de la navette. Aurore ne se le fit pas répéter et se précipita dans la micro-cabine pour vider son estomac qui ne contenait pourtant pas grand chose. Elle se rinça le visage, et alors qu’elle relevait la tête, son regard fut attiré par un bouton sous lequel se trouvait une suite de symboles anciens qui lui étaient pourtant bien familiers.

ABCDEFGHIJKLMNOPQRSTUVWXYZ. Les souvenirs affluèrent ; sa Nourrice qui lui apprenait la comptine pour mémoriser les symboles, malgré les interdictions du Centre ; les panneaux aux écrits étranges dans le métro, et tous les réceptacles à données qu’elle avait dû fouiller dans les différents plateaux de l’Ecole. Elle ferma les yeux un instant. Elle avait compris. Malgré les efforts du Centre, elle avait appris à lire l’Ancien Parler. En rouvrant les yeux, elle aperçut un bouton sur le hublot grisé de la cabine. OUVRIR. Sans réfléchir, elle lança sa main dessus. Il y eut un clic, et le volet de protection s’ouvrit. Emerveillée, Aurore observa le fin rayon de lumière se glisser dans la cabine. Elle se colla au hublot, et enfin, elle le vit. A travers la vitre, à travers le tuyau dans lequel la navette filait, les rayons perçaient l’eau pour l’atteindre. Le nez collé contre la paroi transparente, Aurore retenait ses larmes face à la lumière quand le volet arriva en haut. Alors, après un second clic, une alarme se déclencha, et Aurore eut à peine le temps de se décoller de la fenêtre avant que son geôlier débarque violemment et la plaque au sol. Le volet redescendit bien vite. Elle fut immobilisée pour le reste du voyage. En bas, la prison éternelle l’attendait, mais elle partirait avec cette image brûlée sur sa rétine, la réponse à toutes ses questions. A travers l’eau, elle l’avait vu clairement  : le soleil existait. Il n’était pas orange. Il était bleu.