#LiaEnScandinavie, chapitre 7 : 15/08/2015 – « Securing the front row », fin en apothéose

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« Dieu merci c’est l’avant-dernière nuit » sont les premiers mots que j’écris sur mon carnet de voyage ce matin. Le réveil se fait en douleur : la nuit a encore une fois été courte et froide, malgré le fait que cette fois-ci j’aie dormi en travers (à la grande joie d’Hime qui n’avait plus de place !) pour éviter de toucher la paroi de la tente et subir les méfaits de l’humidité. En plus, après les pogos d’hier, je suis toute ankylosée de partout (et j’ai un bleu sur un orteil, chose qui ne m’était encore jamais arrivée, tiens) : autant dire que se lever est très, très difficile.

Pourtant, le soleil brille, les hauts-parleurs des tentes voisines crachent leur power metal habituel, et l’humeur est tout de même bonne. Alors bon, aujourd’hui, c’est une grosse journée, il est 10h30, et il est largement temps de se secouer.

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Programme de la journée. On a quand même vu pire.

E.-polonaise est réveillée en même temps que nous et décide de nous accompagner au Lugnet’s Building dans la joie et la bonne humeur. Ne mentons pas, je suis sérieusement dans le cirage encore, et j’aurai bien besoin de m’asseoir un peu histoire de reprendre les forces que la nuit-pas-tout-à-fait-réparatrice ne m’a pas permis de reprendre. Nous poser un moment là-bas me fera donc le plus grand bien.

Une toilette de chat dans les sanitaires du lieu plus tard, ça va déjà mieux. Je me sens peu à peu redevenir humaine, même si mes cheveux, que j’ai oublié de brosser hier soir, semblent toujours doués d’une vie propre (protip : TOUJOURS brosser ses cheveux après un concert où vous avez beaucoup/trop headbangué, sinon c’est simili-dreads le lendemain. Que du bonheur !)

Puis c’est mon moment préféré de la journée.

IMG_20150815_111506 L’heure du cinnamon roll !

E.-polonaise et Hime se prennent un thé. Bon à savoir : en fait, c’est rechargeable à volonté. Je ne sais pas si c’est partout pareil en Suède, mais ici, c’est vraiment le paradis des festivaliers. Nous restons une bonne heure, le temps de recharger la batterie de mon téléphone – et la mienne, un peu. Ce temps posé me fait du bien et je me sens déjà mieux.

Nous décidons que pour le repas de midi, nous éviterions le sempiternel pain suédois qui, reconnaissons-le, commence à nous taper sur les nerfs. Cette fois-ci, donc, c’est hamburger au kiosque du camp.

Aucun regret : pour un hamburger à soixante couronnes, la viande est particulièrement bonne. Bon, on remarque quand même que les Suédois ne vouent pas une adoration à la mayonnaise mais à toutes les autres sauces aussi. Toutes en même temps. En surabondance.

Une fois notre plein de gras fait, j’ai les idées plus claires. Ma mission aujourd’hui est simple, et le camp entier est au courant : je dois m’assurer le premier rang. E.-polonaise se moque gentiment de moi et de ma monomanie, mais pour moi c’est très clair : je m’éloigne de plus en plus de la scène metal et vais faire de moins en moins de concerts, c’est peut-être la dernière fois que j’agis en groupie de festival, alors il me faut ce premier rang. J’explique que l’intégralité du set de la scène principale m’intéresse, et que de toute façon, si je veux mon premier rang à Sabaton, je dois avoir le premier rang tout l’après-midi. A partir de 14h, jusqu’à 1h du matin. Oui, c’est faisable. J’ai déjà fait des trucs pareils et je me connais suffisamment pour savoir que quand bien même mon corps voudrait lâcher, l’adrénaline me ferait encore tenir debout.

Je suis venue jusqu’en Suède pour voir Sabaton jouer dans leur ville d’origine, alors je vais le faire jusqu’au bout. Et tant pis si E. se moque de moi, et tant pis si Hime me traite de folle et refuse de me suivre dans mon délire : j’ai mon camel-bag et ma cape bien harnachés sur mes épaules (la cape = vêtement parfait pour un coin où on passe de 25 degrés à 5 degrés en une heure. Je recommande), il est 13h et je suis prête à partir. « I’ve got to secure the front row. » Les Nerken rient et me souhaitent bonne chance, me donnent rendez-vous au concert de Gloryhammer. Hime, elle, décide finalement de m’accompagner dans ma folie, un peu désabusée malgré tout.

13h15. Le site du festival est encore fermé, mais il y a déjà au moins vingt personnes qui attendent. Ils sont censés n’ouvrir qu’à 14h, mais très rapidement cèdent et les fouilles commencent. Fouille rapide. Des gens courent ; bon sang, combien de temps depuis la dernière fois où j’ai vu quelqu’un courir pour être au premier rang ? Ca devait être en 2009… Je ne cours pas, parce qu’il ne faut pas exagérer non plus, et quand j’arrive devant la scène, le premier rang est déjà quasi plein, sauf les places un peu excentrées. Va pour le bord gauche. Je m’installe.

« Et maintenant ? », me lance Hime un peu goguenarde.

Maintenant, j’attends. Ah, non, d’abord, remplir la poche-à-eau. Un tour rapide aux toilettes donc pendant qu’Hime garde la place, puis démarre la grande attente. A ma droite, un couple de Finlandais. A ma gauche, Hime qui ne sait pas trop si elle va rester, vagabonde un peu, puis finit par me rejoindre pendant que Wisdom se met en place.

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Premiers soundchecks de la journée.

Je harponne une des personnes de la sécurité pour m’assurer que je ne me trompe pas de scène, que tous les artistes que je veux voir jouerons bien sur la principale, à part Orden Ogan. On me le confirme. Une personne de la sécurité vient nous voir et nous informe qu’un tank devra passer à un moment, et qu’il faudra s’écarter de la barrière, puis revenir rapidement s’installer. Il nous dit de prendre garde, mais je ne comprends pas tout. Tant pis, on verra. Devoir faire attention parce qu’un tank va passer, dans un festival créé par Sabaton, je dois dire que ce n’est pas si surprenant.

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(Si vous regardez bien, en haut à gauche, il y en a déjà qui traînent…)

Il est 14h15 : Wisdom entre en scène. Ils me disent quelque chose, vraiment, ils me disent vraiment beaucoup quelque chose, je les ai déjà vus, je connais pratiquement TOUTES les chansons qu’ils jouent… Je tire la conclusion que j’ai dû les voir à Wacken, ou en première partie de quelque chose… mais où  ? Le mystère reste entier, mais je les connais.

Leur set est motivé, péchu, on sent qu’ils sont heureux d’être ici, alors même pour Hime qui n’adhère pas forcément au power metal, il est facile de se laisser embarquer. Le premier rang saute, chante (à tue-tête pour ma part, j’avoue), applaudit, le groupe s’éclate, fait des plaisanteries, le concert est une bouffée d’air frais. L’après-midi commence bien. A l’avant dernière chanson, le chanteur nous annonce que le guitariste est en fait l’ancien leader de Battle Beast, et ils enchaînent pour l’occasion sur une reprise de Out of Control. Hiiii ! Je célèbre la reprise, saute partout et braille encore plus fort, headbangue un peu trop sans doute… puis une dernière chanson, et ils quittent la scène sous les rappels du public (qu’ils ne pourront honorer : leur temps est écoulé).

A la fin du set, Hime et moi nous rassoyons à la barrière, exténuée. Si tout l’après-midi s’avère être de la même qualité, ça va être du très très lourd. Et moi qui n’attendais pas grand chose de Wisdom, je suis absolument ravie et n’en attends que plus impatiemment la suite : Gloryhammer.

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Durant notre pause, Lost Society joue sous un soleil de plomb.

Je ne connaissais pas Lost Society mais leur musique a un côté old school efficace… Toutefois, ce qui nous interpelle, c’est qu’on dirait qu’ils ont à peine 19 ans. Si quelqu’un a plus de renseignements sur ce groupe, c’est un gros point d’interrogation car il s’avère qu’ils ont commencé il y a quelques temps déjà. Peut-être que c’est juste que les Nordiques ne vieillissent pas de la même manière que nous…

Hime et moi sortons la poche à eau parce qu’il fait grand soif, et nous nous faisons interpeller par un membre du staff qui dans un premier temps tient à s’assurer qu’elle contient bien de l’eau. Une fois rassuré, il nous félicite pour notre participation au concert, affirmant que « ça fait plaisir de voir des gens qui font la fête comme ça » et plaisante avec nous. Il me souhaite bon courage pour mon premier rang, et retourne travailler en backstage.

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Pendant ce temps, Gloryhammer s’installe et fait les soundchecks. Le public est déjà à fond.

Quand Lost Society termine son set, la foule devant la scène principale a triplé d’effectif par rapport à Wisdom. Et il y a de tout : des costumes de licorne, des épées-boudins en mousse, un Pikachu, un Musclor, un Spiro le Dragon… Pas de doute, on va bien voir Gloryhammer.

Quand ils commencent, c’est le délire. Une voix off nous parle du « futur lointain de 1992 », de la grande quête épique du groupe qui arrive dans le passé de 2015, au niveau sonorités c’est n’importe quoi, mais lorsqu’ils commencent à jouer on sait où on est : Gloryhammer, c’est du power metal Ecosso-Suisse parodique, garanti 100% péchu avec même des sonorités disco en concert, avec des personnages hauts en couleur (chaque membre du groupe a le sien), des quêtes toutes plus épiques les unes que les autres, des objets magiques aux pouvoirs incroyables, des créatures fantastiques comme des dragons magiques, et surtout, SURTOUT des licornes qui envahissent Dundee.
(Oui, je vous fais toute la discographie de Gloryhammer, mais j’aime beaucoup beaucoup ce qu’ils font, voilà.)

Le show passe à toute allure, on assiste au sauvetage d’une princesse, à la déchéance d’un mage noir, à la découverte d’un marteau de gloire, et au couronnement d’un nouveau roi. Le public est déchaîné, les membres du groupe aussi, Hime rit beaucoup à côté de moi parce que tant d’autodérision pour une musique aussi efficace, c’est juste pas possible, c’est juste trop fantastique.

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En plus, la robe de mage noir de Christopher Bowes (le claviériste) me rappelle furieusement celle des mages de Magicka, donc ça m’amuse. (NB : vous voyez le monsieur avec le gilet jaune ? C’est le gentimeussieu de la sécu d’hier, revenu se mettre devant moi ! Il avait l’air surpris de me voir puis m’a fait un grand sourire. Moi, je suis contente.)

Gloryhammer est portée aux nues, dans le public. Nous sommes tous enchantés par le concert auquel nous venons d’assister. Et en plus, une fois la scène démontée, alors que Brainstorm commence à jouer, Chris décide de sauter de la scène pour nous causer, et finit par passer de l’autre côté de la barrière pour une distribution de câlins et une tournée de photos.

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Featuring Chris Bowes (dans le rôle de Zargothrax le Sorcier Noir de Auchtermuchty) & Master Seagull.

Il reste encore pour discuter avec nous – d’alcool, de la Suède, d’accents et de linguistique (OUI J’AVOUE MEME DANS CE GENRE DE CIRCONSTANCES JE PEUX PAS M’EN EMPECHER D’ACCORD), de musique – une bonne dizaine de minutes, puis s’éclipse. Les autres membres sont arrivés entretemps et on les harponne, on les félicite, ils sont tous hyper détendus et ont l’air heureux d’être là : ça fait plaisir !

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Authentique vrai selfie débile featuring Master Seagull encore et Thomas Winkler (dans le rôle d’Angus McFife, prince de Dundee et héritier du royaume de Fife)

Soyons honnêtes : avec tout ça, on n’a pas entendu grand chose du set de Brainstorm. Mais pour moi, discuter comme ça avec Christopher Bowes a fait passer deux blocages : le premier, c’est qu’on dirait le frère de ma directrice de recherche pour mon mémoire de M2. Même forme de visage, mêmes expressions, mêmes yeux… A chaque fois, je ne m’en remets pas. Mais il y a un côté extrêmement amusant à imaginer qu’ils sont peut-être frères et soeurs ou que sais-je ; je pourrais presqu’en écrire une fanfiction (ou pas. Vraie fausse bonne idée.)

Le deuxième, c’est que Christopher Bowes, c’est le chanteur d’Alestorm. Et que Alestorm, j’ai un problème avec eux depuis bientôt un an. Un énorme problème de l’ordre de « j’entends trois notes/je vomis » que j’ai pu diminuer à « j’éprouve un profond malaise en entendant le début d’une chanson et je demande à la passer le plus vite possible ». Là, je n’avais pas le choix, j’étais devant le mec, il avait sa voix habituelle et je n’allais pas lui demander de la ferme, c’aurait été plutôt malvenu vu les circonstances. Alors vraiment, discuter avec lui pendant dix minutes, c’était un micro-exorcisme. Je n’ai pas voulu lui parler de mon malaise avec Alestorm, le moment ne s’y prêtait pas (et puis j’étais trop heureuse de causer linguistique, reconnaissons-le), mais j’ai savouré cette petite victoire sur moi-même. Tout n’est pas résolu, mais une fois de plus : it’s getting better.

Alors que les membres sont partis, que Persuader investit la scène, Hime décide d’aller faire un tour et je découvre que le Loulou est apparu à côté de moi.

Un point sur le Loulou, figure emblématique et personnage récurrent de ce festival ! Il s’agit d’un jeune metaleux typique, tellement passionné qu’il en devient mignon, le genre qui te fait dire « J’aurais bien aimé être en Suède il y a dix ans ». Mais en vrai, c’est un Loulou. Il est excité comme une puce, il court partout, saute partout, secoue ses cheveux à qui mieux-mieux, mendie les mediator, les serviettes, les baguettes, envoie des textos à tous ses amis, raconte n’importe quoi, a des étoiles plein les yeux… Dès le premier jour du festival, je l’avais repéré (comment le rater, en même temps !), et j’avais dit à Hime : « T’as vu ? Y a un Loulou ! » Je n’avais même pas eu à lui décrire : elle avait immédiatement vu de qui je parlais.

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Regardez sa trogne, pas de doute : c’est un vrai Loulou en pleine action de Louloutage !

Bref. Le Loulou, il a dix-huit ans depuis un mois et demi, et maintenant qu’il est majeur, il fait tous les festivals qu’il peut. Il a le poignet étouffé sous les bracelets, a attrapé plus de vingt mediators en un mois, envoie des photos à son ami qui aura dix-huit ans en septembre et qui n’a donc pas pu venir. Et là, il se retrouve à côté de moi, donc je découvre que non content d’être le Loulou du festival, il est capable d’être sympathique. (On a vu des Loulous méprisants, mais celui-là, il est juste très très très très enthousiaste et pétri d’innocence, ça fait plaisir de discuter avec un Loulou pareil).

Je discute également un peu avec les deux Finlandais à côté de moi, beaucoup plus réservés, qui me demandent toutefois si je compte rester jusqu’à Sabaton et si oui, si je pourrai les aider à plaquer leur banderole sur la barrière. Bien sûr, pas de souci ! Je relance au passage la question du tank, que nous n’avons pas vu passer, mais ils n’en savent pas plus que moi.
Pendant cette pause, le membre du staff venu plaisanter avec nous tout à l’heure revient et me félicite à nouveau pour mon dynamisme. Il se demande si je vais être aussi dynamique tout le long, je lui explique ma philosophie du premier rang. Il me fait part de quelques anecdotes backstage puis retourne travailler. J’ai hâte qu’il revienne causer avec moi, parce que je l’aime bien. E.-polonaise passe à son tour, me demande comment ça se passe, je dois avoir des étoiles dans les yeux parce que je la fais rire. Elle, elle vient pour Falconer, alors ils joueront sur l’autre scène. Elle ne reste pas longtemps et me quitte sur un « Comme une amie philosophe française que je connais l’a dit un jour, il faut que je m’assure le premier rang. » (« As a French philosopher and friend once told, I’ve got to secure the front row. ») Elle repart donc pour un premier rang de l’autre côté.

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Alors que Brainstorm termine, c’est au tour de Persuader de se préparer.

Il est 18h15. Hime est revenue et Persuader commence à jouer, et moi ça fait cinq heures que je suis là, alors j’avoue : je commence à avoir un coup de pompe. Du coup, j’emploie la technique du « repos stratégique sans en avoir l’air », plus couramment appelé « mode veille » : ça veut dire que je suis très active la première chanson, puis me contente de battre les mains en appréciant la musique pendant trois chansons, et après ça va mieux et je peux recommencer à sauter partout sans impacter le retour que je fais au groupe. Parce que Persuader c’est quand même un méga-bon-groupe, surtout sur scène (pardon pour la qualité vidéo, je n’ai pas trouvé mieux…) et que je n’ai pas envie de jouer les plots sans émotions posés devant la scène. Malheureusement, la fatigue aidant, je me retrouve à cogiter sur des choses pas cool et à m’éloigner de plus en plus de la musique. Je rate un peu une chanson, reprends pied, me fait mille injonction et surtout la promesse que « après le festival, je n’y penserai plus jamais de cette manière. Je ne me laisserai plus impacter comme ça. La simple pensée de Narcisse sera écartée ou tournée en dérision, parce que c’est tout ce qu’il y a à faire. Et tout ira mieux. Parce que ce festival, c’est une page qui se tourne ». (Croyez-moi ou pas mais globalement, ça fonctionne pour le moment. Et c’est dingue. Et ça fait du bien. Pourvu que ça dure.)

Je retourne donc à la musique un peu plus sereine et reposée, plus dynamique, et m’éclate à nouveau devant ce set efficace. Je n’avais jamais vraiment écouté Persuader, et j’avoue que les découvrir vraiment en live, c’est chouette. Mais le set se termine très très vite (normal en même temps, avec mon mode veille j’ai déjà dû en rater un quart d’heure) et déjà ils remballent. Dans la foulée, Hime récupère un mediator (non marqué) qu’elle donne au Loulou (qui la remercie en cascade). Elle réussit même à en avoir un autre, pas marqué non plus, qu’elle aimerait essayer d’échanger contre le mediator de Kreator. Avis aux intéressés…

Pendant ce temps, de l’autre côté Orden Ogan s’installe. Orden Ogan, gniiiiiih ! J’aime beaucoup ce qu’ils font et c’est peut être mon regret, de devoir rester là alors qu’ils jouent sur l’autre set. Qu’à cela ne tienne, je ne sacrifierai pas tout : je préviens Hime et le Loulou qu’à un moment, je ne sais pas quand, je me lèverai et courrai vers l’autre scène. Hime me propose d’aller voir tout de suite, d’en profiter pour un tour aux toilettes parce que bon, voilà, et je reconnais qu’elle a raison.

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Je profite donc de la pause pour apprécier l’arrivée sur scène et les premières chansons d’Orden Ogan, du fond…

Puis je reviens m’asseoir. Mais à peine ai-je les fesses au sol que soudain, premières notes… Je suis sur mes pieds en un instant, les autres me voient filer en urgence et avant qu’ils aient le temps de dire ouf, je suis au premier rang, devant le bassiste d’Orden Ogan. Ce n’est qu’une chanson mais elle dure presque dix minutes, elle est ultra participative et le public derrière moi suit avec joie le groupe. Je m’éclate, vraiment, sans doute que tous les membres du staff me prennent pour une dingue, arrivée de nulle part et repartie aussi sec, mais j’aurai malgré tout passé un super concert de Orden Ogan, même si raccourci. Je retourne m’asseoir un peu à contrecœur, profitant quand même du set de loin (je retourne même un peu dans la foule pour la dernière chanson, parce que.)

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Pendant ce temps, Sonata Arctica s’est installé.

Hélas, les fans de Sonata Arctica sont au rendez-vous, et l’étaient même déjà pour Persuader… Pourquoi hélas ? Parce que le public de Sonata Arctica est un des publics les moins respectueux que je connaisse. Surprenant quand on voit le groupe, mais le fait est là : les statiques du premier rang, ils viennent le plus souvent de là. Les gens qui n’écoutent rien que LEUR groupe, ce sont eux. Ceux qui frappent pour un premier rang, bizarrement, ce sont eux. Et moi, ça m’énerve. Je parle de mes déboires avec des fans de Sonata Arctica avec Hime qui, déjà peu emballée à l’idée de les voir en live, décide de s’éloigner en voyant la faune alentour. Moi, je me cramponne à mon premier rang, qu’on a déjà tenté de m’arracher trois fois alors que le set n’a même pas commencé. La nuit va commencer à tomber, enfin Sonata Arctica arrive.

Le concert est rodé : la voix off remplace les discours de Tony, on sent qu’il n’y a aucune place à l’improvisation, et une distance énorme avec le public. Dire que je suis déçue est l’euphémisme du siècle : je suis clairement dégoûtée. Tony a pris un coup de vieux monstrueux et n’est à mon goût plus crédible, les autres membres nous regardent à peine, les blagues sont mauvaises et les discours discutables et interminables… Je repense à mon concert de 2007, le premier concert de Sonata Arctica que j’ai vu, et je me demande ce qui est arrivé au groupe que j’aimais tant.

Tout me semble insupportable : le discours mielleux du chanteur, le public, les nouvelles chansons… Je décide donc de profiter du concert en égoïste, en me donnant à fond sur les anciennes chansons auxquelles je voue toujours un culte (avec un petit passage suraigu quand ils annoncent qu’ils vont jouer Destruction Preventer parce que je ne l’ai encore jamais vue en live) et en ignorant totalement les nouvelles…

La fin du set arrive, à mon grand désarroi, comme un soulagement. Ils saluent, s’en vont. J’admire la technique du Loulou pour récupérer les mediators : il se met les vigiles dans la poche au début, puis tente d’accrocher le regarde des artistes pour qu’ils lui lancent un truc, et le vigile lui donne naturellement une fois le truc tombé entre la scène et la fosse. Bien joué, Loulou.

Après ce concert au goût atrocement amer, ma décision est prise : je n’ai pas aimé les deux derniers albums de Sonata Arctica. Je n’ai pas aimé les deux derniers concerts que j’ai vus d’eux, à deux ans d’intervalle, et seulement moyennement aimé celui d’avant. J’ai essayé, j’ai persévéré. Si la musique qu’ils font leur plait, qu’ils continuent à la faire. Moi, je n’achèterai plus de Sonata Arctica, et n’irai plus à leur concert : pour moi, ils se sont arrêtés à The Days of Grays. C’est triste, mais il paraît que quand on aime quelqu’un, il faut savoir le laisser partir vers ce qui le rend heureux… J’espère juste qu’ils aiment toujours ce qu’ils font (et quand on voit leur tronche sur scène, on est en droit de se poser la question).

A la fin de Sonata, je n’ai pas le temps de souffler : un rush énorme secoue les premiers rangs. Je me trouve soudain compressée et à nouveau, à quatre reprises en dix minutes, on tente de m’arracher à la barrière. Je tiens bon, le Loulou d’un côté, les Finlandais de l’autre, nous sommes tous accrochés les uns aux autres, premier rang solidaire. Cette fois-ci, plus question de quitter la zone, alors j’écoute Candlemass de loin en sachant que ma femme est sans doute en train de cuver sa nostalgie devant.

Je papote avec le Loulou et m’arrange pour qu’il puisse me traduire ce que Sabaton dira, quand il en aura l’occasion. Persuader a refait le coup de ne parler qu’en suédois et je suis frustrée linguistiquement. Et surtout, je sais que Sabaton fera pareil : ils sont chez eux, ils ne s’amuseront pas à parler anglais (et c’est logique, et quelque part, très bien comme ça). Il approuve avec grand’joie. Il a l’air content de papoter avec ce qu’il doit considérer comme une « mamie du metal » (presque dix ans de concerts alors qu’il commence juste… je n’ai pas osé lui dire qu’il avait déjà fait plus de festival que moi). Je discute avec les Finlandais, qui me disent avoir vu treize fois Sabaton en deux ans. Moi qui étais fière de mes cinq fois en cinq ans, bon… Leur banderole, qu’ils ont faite eux-mêmes, demande que Sabaton joue Into The Fire. Même s’ils ne la jouent pas, elle est vraiment belle et je suis contente de ne pas me retrouver à aider à tenir n’importe quoi. Surtout qu’Into The Fire, ça va, on a vu pire comme chanson.

A mesure qu’on discute, le set de Candlemass s’écoule, et l’attente est longue pendant que la scène est préparée. On sent que tous les membres du staff sont stressés devant nous, mais le Loulou met en place un jeu : « vas-y, tape-moi dans la main ! »

Du coup, tous les membres du staff, à leur tour, nous en tapent cinq pendant que nous leur faisons une haie d’honneur. Sur scène, j’observe des roadies habillés en soldats préparer les deux tanks de déco (nommés Audie, et Murphy, en référence au fameux Audie Murphy qui a inspiré To Hell And Back). L’un d’eux se prend le canon du tank (Audie, je crois ?) sur son casque, et… il ressemble furieusement à mon hôte de couchsurfing, tiens. Je lui poserai la question demain.

Le staff s’affaire, on sent qu’ils ne rigolent pas, ça pue la pression maintenant. Et le tank ? A côté de moi, la Finlandaise est persuadée qu’ils ont abandonné l’idée, que c’est trop dangereux vu le public compact que nous sommes. Pourtant, on nous fait enlever le drapeau posé sur la barrière, révélant une marque juste entre ma main droite et ma main gauche. Tout va bien aller.

Soudain, une alarme retentit : elle vient des rampes de saut à ski. Apparemment, toutes les années, des gens tentent de monter hors surveillance et il y a un grand nombre d’accidents… Mais pas le temps de s’apesantir : enfin, les lumières s’éteignent, et The Final Countdown est lancé. Ceux qui me connaissent bien pourront imaginer l’émotion que j’ai pu ressentir, dans la mère-patrie de Europe, à chanter en chœur avec une armée (je dirais une petite dizaine de milliers, mais c’est difficile à estimer) de Suédois. Je suis heureuse, mon premier rang est maintenu, physiquement c’est hard mais tout se passera bien. J’ai réussi. Plénitude. Et puis soudain, c’est la panique.

Imaginez un premier rang forcé de s’écarter de la barrière alors qu’il est difficile de seulement lever un bras tellement nous sommes serrés. Et pourtant, ils arrivent. Je me tourne vers la Finlandaise : « Ils le font ! Ils sont complètement fous ! »

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Quand Sabaton disent qu’ils vont faire quelque chose, ils le font. (Source des photos)

Ca paraît pas bien gros comme ça mais croyez-moi, quand ça vous arrive dessus, ça fait un drôle d’effet. Surtout qu’ils s’arrêtent pile devant moi. Ils doivent voir ma grimace de douleur, car je suis à moitié écartée de la barrière, le bras droit toujours agrippé pour être sûre de ne pas perdre ma place. Je prie pour les caméras ne filment pas ma trogne, mais me dis que de toute façon, ils feront un focus sur le groupe plutôt que sur une Lia qui grimace de douleur. Il y a eu l’étudiant de Tian An Men, il y aura la Lia de Falun. (Pardon pour cette image discutable…)

Jamais cette chanson ne m’a parue aussi longue, mais je tiens bon, me cramponne et continue de chanter le Final Countdown le plus long de ma vie. Ils descendent, enfin, et montent sur scène. On pourrait les toucher tellement ils sont près. Alors le tank recule et c’est le grand flot. Je lutte, mais récupère ma place à côté des Finlandais (visiblement soulagés de me retrouver en un morceau quand même, et c’est bien réciproque). Tristesse : je n’ai plus de traducteur, une fille peu sympathique s’est glissée entre le Loulou et moi, écrasant au passage une autre demoiselle qui m’avait demandé l’asile pour sa main sur un coin de barrière. Super… Je suis tellement compressée que ma cape, qui s’est dégrafée dans la bataille, ne peut pas tomber de mes épaules. Ça me casse un peu les pieds, alors je mets des coups de coude partout pour retrouver un tout petit semblant d’espace vital, et je parviens à coincer ma cape dans mon sac. Je me laisse alors aller, enfin. Voilà : le tank, c’est fait. La barrière est toujours là. Le Loulou plus, mais la banderole des Finlandais est intacte et nous pouvons à nouveau l’étendre. Devant moi, il y a mon vigile préféré. Ça n’aurait pas pu être plus parfait.

Et puis de toute façon, je n’ai pas le temps de réfléchir. Le concert a commencé. Ça pète de tous les côtés, feux d’artifice et grand spectacle, et nous sautons, nous chantons à tue-tête, et c’est génial. Le groupe bouge, fait participer. Dès le début du set, Chris me voit et me fait un signe : ça me fait chaud au cœur. Thobbe, plus tard, fera de même.

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Bref, y avait personne, c’était nul et vous pouvez me voir, mais si : je suis celle avec le bras levé ! :D (Même source.)

Les chansons s’enchaînent, toutes plus efficaces les unes que les autres, entrecoupées de commentaires de Joakim… en suédois, bien sûr, et je n’ai plus mon traducteur personnel. Il nous dit toutefois bonjour en anglais, nous informe que nous sommes de 33 nationalités différentes, ce qui est énorme, puis conclut en disant qu’on ferait mieux d’apprendre le suédois pour la prochaine fois. Comme prévu. J’avais qu’à mieux lire les notes de Rain, tiens. J’ai un énorme coup de cœur sur Carolus Rex, qu’ils interprètent en suédois et que je trouve beaucoup mieux comme ça qu’en anglais (et que je chante à tue-tête en yahourt et qui sera sans doute la deuxième chanson en suédois que j’apprendrai après Caramelldansen, d’ailleurs). Moment de joie quand ils jouent Attero Dominatus, grande oubliée des dernières setlists à mon goût, grosse émotion quand vient Resist and Bite, et que Joakim me voit et me pointe (mais il me voit vraiment derrière ses lunettes dans cette foule ?). L’ambiance est énorme sur Panzer Battalion (avec un fanclub déchaîné), et tous implorent le groupe de chanter Swedish Pagans, comme d’habitude. La chanson n’arrivera qu’à la fin du set, juste avant les rappels, avec un Primo Victoria toujours aussi efficace sur lequel tout le monde saute allègrement, avant qu’ils finissent vraiment sur Metal Crüe (si vous ne devez voir qu’une vidéo c’est celle-là), choix évident, sur lequel ils font littéralement tout sauter. Il pleut des papiers jaunes et bleus, il y a des feux d’artifice dans tous les sens, ça y est, c’est fini…

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Souvenirs de premier rang : deux Finlandais, un Loulou très très heureux, une Lia et la squatteuse arrivée après. (Arrêt sur image du DVD Heroes on Tour)

Ils remercient, ils saluent, et c’est beau, et c’est émouvant (et on note le remarquable coup de com de « Si vous voulez comprendre ce que j’ai dit, achetez le DVD ») et ils jettent tout ce qu’ils peuvent (Chris jette même ses bracelets, et en bonne groupie, je suis jalouse de ceux qui les rattrapent, mais ils passent trop loin de moi). Un mediator tombe à mes pieds, de l’autre côté de la barrière, personne ne l’a vu. J’attends un peu, Sabaton sort, puis je capte l’attention du vigile gentil et il voit le mediator. Il se penche, repousse les mille bras tendus (tout ça oui) qui m’écrasent, et me colle le mediator dans les mains, attend que les autres aient enlevé leurs bras pour me serrer la main et me regarder avec un grand sourire. Honnêtement, je ne tenais même pas tant que ça à un mediator, initialement, mais là je suis tellement contente que je ne sais même plus où j’habite. (Même si cette expression n’est sans doute pas la plus appropriée, certaines mauvais langues pouvant sans doute affirmer que ça, c’est de toute façon une habitude que je me traîne depuis un an.)

La foule se disperse petit à petit, certains fouillent le sol à la recherche d’un mediator oublié, Hime me rejoint et moi je ne tiens presque plus debout. Je trouve par terre un autre mediator, mais on me l’arrache des mains. Pas grave… le mien a une histoire vachement mieux que « je l’ai arraché des mains de la fille qui l’avait trouvé ». D’ailleurs, au loin, je vois mon vigile préféré et je décide d’aller lui parler vraiment cette fois-ci. J’y vais pour le remercier, et il a l’air vachement ému lui aussi, c’est étrange, mais il a l’air super content. Je lui dis que j’espère que je pourrai être là l’an prochain et que je pourrai le revoir. Je suis presque prête à m’enrôler comme volontaire l’an prochain, mais on verra, ne précipitons rien, je ne sais même pas où je serai l’an prochain…

La journée a été longue. La foule s’amasse devant Falconer, qui a commencé à jouer. C’est un concert un peu particulier, car leur dernier concert en Europe avant qu’il ne deviennent un groupe de studio seulement. C’était donc cette occasion ou jamais de les voir. Pas étonnant qu’E.-polonaise ait fait le déplacement exprès (et soit si émue d’avoir pu les rencontrer en dédicaces)… Mais je ne tiens plus sur mes jambes, et ai besoin de dormir.

Il est 1h15 du matin quand nous arrivons au camping. Falconer joue toujours, nous l’entendons, et je m’endors avec plaisir sur leur musique.

Le festival s’achève. Demain, il faudra plier les tentes, et tâcher de retrouver notre hôte en couchsurfing.

Cette nuit, je dormirai avec la tête pleine d’images formidables.

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