Exorciser les démons – Pour en finir avec Narcisse

[Trigger Warning]

L’article qui va suivre est un témoignage dur qui comporte de très nombreux triggers : violences physiques, psychologiques, perversion narcissique, suicide, troubles alimentaires…
Mieux vaut prévenir que guérir : il sera long et ne sera pas facile à lire, alors mieux vaut vous y préparer (ou rebrousser chemin tout de suite).

J’invite tout particulièrement mes proches, ceux qui me connaissent très bien et/ou m’ont connue à cette période de ma vie, à y réfléchir à deux fois avant de le lire. Il y a là-dedans des choses dont je n’ai jamais vraiment eu la force de parler.
Si malgré tout vous lisez : ce n’est pas votre faute si vous n’avez rien vu. Ce n’est pas votre faute si vous avez vu mais n’avez su que faire. Vous avez fait au mieux et vous avez été là. Pour cela, merci, merci de tout cœur, car sans vous je ne serais assurément plus là.
Si cela peut aider, pensez à la Lia de maintenant en lisant. Pas à celle d’alors.

{EDIT du 6/02/2016}
De nombreuses personnes m’ont fait remarquer qu’il était important de souligner que malgré mon ton incertain dans le texte, en aucun cas dans ce genre de situation ce n’est la faute de la victime.
C’est vrai. Si vous tombez sur ce témoignage et y retrouvez des choses tristement connues, vous y retrouverez sans doute ce sentiment de culpabilité. Je le laisse dans mon texte, car il était encore présent alors et je ne peux l’effacer : c’est logique, dans cette situation, de le sentir comme ça.
Mais gardez en mémoire que même si la situation fait que c’est logique, ce n’est pas normal.
Ce n’est jamais la faute de la victime. Ce n’était pas ma faute : ce n’est pas la vôtre. 

Si vous me suivez depuis quelques temps, vous avez forcément entendu parler de Narcisse. C’est un nom d’emprunt, bien sûr, qui lui va à merveille. Pouvoir me détacher de son nom ou même son surnom, c’était la première étape, celle qui me permet de mettre de la distance, de voir sous un autre angle, et de m’extirper de ses griffes.
La deuxième étape, je l’ai décidée en même temps que j’ai choisi ce nom d’emprunt : écrire. La décision remonte à une énième rechute en mai dernier, mais j’ai seulement maintenant le courage et la hargne nécessaires pour écrire tout ça. Et encore. A l’instant où j’écris ces lignes, je me demande encore comment je vais me dépatouiller de tout ça, mais cette fois-ci c’est certain : il faut que ça sorte… Il faut que je témoigne, que je dise tout ce que j’ai vécu par sa faute.

Je sais que je vais oublier des choses, mais je vais tenter de tout raconter, ne rien omettre, afin de poser enfin des mots très clairs sur lesquels je ne reviendrai pas sur toute cette histoire qui a bien failli me coûter la vie. Parce que non, il ne s’agit pas juste d’« une rupture que j’ai mal vécue », contrairement à ce qu’il semble dire. Il s’agit de deux ans de destruction psychologique et de manipulation en continu que j’ai besoin de dénoncer. Et quand bien même je dirais tout, j’amenuiserais toujours, car mon besoin de comprendre à tout prix me permet de diminuer l’impact, d’expliquer les choses.

Pour autant, je me considère partiellement en tort dans tout ça. C’est peut-être une erreur, mais retrospectivement, je repère aisément tous les points sur lesquels j’aurais pu avoir un déclic, toutes les sonnettes d’alarme que j’ai ignorées… Et je vais tâcher de retranscrire ça aussi, parce que je ne veux pas seulement incriminer : je veux exorciser. Mes douleurs, mes peines, mes erreurs. Et toutes les saloperies qui m’ont tachée.

Présentation de la perversion narcissique, ou des années de cauchemar.

J’avoue : je ne me sens pas de vous présenter moi-même la perversion narcissique, les tenants et les aboutissants, les vrais mécanismes à l’œuvre. Les recherches m’épuiseraient, chaque source me mettant encore profondément mal à l’aise. Le trauma est encore fort et je sais que si je tombe dessus, je vais « retrouver des choses ». Je ne veux pas, pas tout de suite. Promis, je vous ferai un article plus tard, et quand je le ferai, ce sera très bon signe sur mon évolution personnelle.

En attendant, et parce qu’il faut quand même bien présenter le sujet, je vous conseille cette vidéo, qui m’a profondément marquée. (Le titre est « violence physique », mais la vérité, c’est qu’elle fonctionne pour violence physique ET psychologique…)

Je ne peux plus regarder ce spot, mais je l’avais déjà vu avant, en 2012, parce que je soupçonnais déjà celui avant Narcisse d’en être un aussi. Je savais ce qu’était un pervers narcissique. Malgré tout, même en étant informée, je n’ai rien vu. Je ne me suis rendu compte de rien.
Pourtant, ce que vous voyez, c’est ce que j’ai vécu. Encore et encore. Pendant deux ans. Mes amis qui m’accueillaient, chacun à leur tour. Qui me redisaient les mêmes choses. Et chaque fois qu’il revenait avec une rose, moi, je ne disais pas non : j’y retournais.
Jusqu’au moment où, drainée, je n’ai plus eu la force.

Pour une meilleure compréhension, une petite trame de fond un peu égocentrique

On parle ici d’une Lia de 2012 (puis de 2013 et 2014, bien sûr, car la situation n’est hélas pas allée en s’arrangeant). Une Lia qui a l’impression d’être sortie de tant de galères qu’elle en a beaucoup mieux compris sa vie. Et en même temps, qui se demande vraiment ce qu’elle fiche sur cette planète et pourquoi elle se lève les matins.
A l’époque, il y avait une question permanente dans ma tête : « pourquoi ». Parfois, ça se transformait en « à quoi bon ». J’en attendais énormément du monde autour de moi ; surtout, j’attendais une réponse. Je me lamentais de ce que personne, jamais, ne serait capable de ressentir ce que je ressentais, d’entendre les SOS que je m’efforçais d’envoyer par télépathie.
Et j’étais un gouffre au besoin d’attention intarissable, et au besoin de compréhension encore plus grand. Je voulais tout donner, absolument tout, pourvu qu’on me comprenne.

Borderline, disaient les diagnostics posés en 2009 et qui n’ont à mon grand désarroi pas bougé jusqu’à 2014. Dans ma tête, c’était plutôt l’attirance du gouffre et l’envie de ne jamais sortir de mes rêves. « Etat-limite », oui, à mi-chemin entre la falaise et le sol dur.

C’est dans cette situation que Narcisse est entré dans ma vie.

Les prémices, où « Tout ne va pas bien mais quand même un peu. »

Quand je rencontre Narcisse, c’est un gamin. Il a 17 ans et des réactions d’enfant, tantôt mignonnes tantôt agaçantes. Il est jeune, et il a beaucoup, beaucoup de charisme. Il a l’air honnête. Il rougit quand on dit « culotte » ou quand une fille prévient qu’elle va faire pipi. Il est en CAP, semble n’avoir aucune expérience de la vie. Moi, je suis dans un couple malheureux qui rompra deux mois plus tard et sur lequel je ne m’étendrai pas, car cette situation-là a été réglée de manière plutôt propre dans ma vie. Pour autant, mon couple tient encore à ce moment et Narcisse n’est « même pas une option » pour moi. Il commence pourtant à agir étrangement, mais il paraît que « c’est normal, c’est comme ça qu’il est, c’est un nounours. » Il me fait un bisou sur le front soudainement, de nulle part, et moi qui ai horreur du contact physique suis tellement sonnée par l’action inattendue que je ne peux rien dire. Il m’envoie des sms alors que mon petit ami est à côté pour me dire qu’il me trouve jolie.
De base, c’est un puits d’attention. Un peu comme moi ; je m’y retrouve, je sais où je mets les pieds. Et puis, c’est un môme, il est mignon.
Lorsque nous commençons à discuter par messagerie instantanée, mon opinion sur lui ne change pas. Pourtant les conversations sont de plus en plus personnelles : je l’aide avec ses problèmes de couple, il m’aide avec les miens. Entretemps, je me suis extirpée de la relation dans laquelle j’étais et qui me faisait clairement beaucoup plus de mal que de bien : c’est la liberté.
J’ai mes propres problèmes et Narcisse est en couple et semble porter sa petite amie aux nues. Rien d’ambigu à mon goût, malgré certaines remarques, surtout des compliments un peu poussés de sa part mais « C’est normal, c’est parce que c’est lui. »

Fin août, je vais voir des amis à Nîmes – dont lui. Je suis contente de le revoir, et lui peut-être un peu trop enthousiaste. Mais je ne vais pas me plaindre, n’est-ce pas ? On me donne de l’attention.
Malheureusement, durant ce voyage, il m’avoue que même si ça a longtemps été l’amour fou avec sa petite amie de deux ans (il la portait aux nues, lui envoyait des cœurs sous mes yeux pendant mon séjour), ça se passe pas très bien et il craque sur moi. Tout ça par sms, alors que sa meilleure amie est à côté de nous.
Le malaise. Il est, je rappelle, toujours un enfant à mes yeux. Il a eu ses dix-huit ans le mois précédent, mais même. Et il attend clairement une réponse. Je temporise. Le soir, il m’asticotera par sms pour que je lui réponde – je suis mal à l’aise, car nous sommes au restaurant avec la même amie. Je réponds par énigmes.
Nous finissons chez lui pour une partie de jeu de rôle qui dure, dure… jusqu’à 4h du matin environ. Mon train est à 9h. Notre amie va s’allonger dans la chambre, moi je m’allonge sur le canapé. Lui s’assoit à côté du canapé, bien décidé à me tirer les vers du nez. Je suis fatiguée et je n’ai pas la force mentale de lui dire un NON franc et massif. J’essaie de lui expliquer que je me sens TRES mal vis-à-vis de sa copine, j’essaie de comprendre pourquoi il lui envoyait des cœurs alors que ça n’allait pas.
Bref. Je gère très mal cette situation, ne nous mentons pas. Au bout d’un moment, il se penche sur moi et m’embrasse. Et au lieu de repousser (alors que c’est la troisième fois qu’on m’embrasse sans me demander la permission), une fois de plus, je me laisse faire. Rappelez-vous : DE L’ATTENTION OMONDIEU. Je ne vais pas vous dire que je suis toute blanche : ce serait mentir.
Il me propose même d’aller plus loin mais j’ai la nausée à la simple idée. Je suis paniquée.
Il voudrait me faire promettre de ne pas en parler, mais je suis profondément contre l’idée de cacher quoi que ce soit. Je lui fais promettre, au contraire, d’en parler à notre amie, et sa petite amie.
Il promet.

Premier mensonge dont je suis sûre.

Mise en couple, entre naïveté et bêtise – ou les frais de ma dépendance affective

Je rentre chez moi déboussolée et pendant deux semaines, je réfléchis. Alors que quand j’étais dans le train, j’étais dépitée et il était très clair pour moi que je resterais la fille de l’ombre et que tout ça n’irait pas plus loin, il bat des pieds et des mains pour me faire comprendre que, mais non, nous sommes faits pour aller ensemble. Je vais très mal, lui part en vacances avec sa petite amie. Je pèse le pour et le contre.
D’un côté cette mise en couple ne serait pas du tout correcte, et il est très jeune, et… de l’autre j’ai grandi, je suis plus mature et un peu plus rationnelle, et puis lui est littéralement grand, beau, fort, intelligent, sensible, attentionné…bref, paie ton prince charmant quoi. Rien que ça, au fond, ça aurait dû me mettre la puce à l’oreille.

Nous discutons beaucoup par téléphone, sms. Il se cache de sa petite amie. Moi je suis mal à l’aise, et en même temps, touchée par l’attention. Il a des problèmes psy que je rapproche des miens. Petit à petit je me dis qu’on pourra parcourir ça ensemble, le dépasser.

Je finis par tomber dans le panneau. Je lui paie des billets de train pour que nous puissions nous voir et mettre les choses à plat. Il quitte sa petite amie sur la fin de leurs vacances ensemble, de manière « propre mais pas trop ». Et nous nous mettons ensemble quand il vient à Lyon, et je le force à tout avouer à notre amie en lui annonçant notre mise en couple. Elle le prend très mal (et je la comprends, retrospectivement).

J’ai un gros complexe par rapport à Narcisse : moi, très peu de succès auprès des hommes. Première relation à 18 ans, plusieurs râteaux. Je me suis fait larguer quasiment toutes les fois.
Lui, en couple quasi-permanent depuis ses 13 ans je crois, et toujours ?celui qui largue. Pour moi, c’est un malaise.
Il me répète souvent que sa plus grande joie, c’est que sa relation avant moi s’est déroulée d’une très bonne manière, sans anicroche, et sa « première fois » s’est bien passée, avec quelqu’un qu’il aimait.
Du haut de mes expériences désastreuse et de m?a première fois sans sentiment, je suis jalouse et je le vis mal.

Les semaines passent. Il est horriblement jaloux et possessif. D’un côté, c’est chouette de sentir quelqu’un qui s’est autant attaché ; de l’autre c’est un peu épuisant. Il faut tout que j’abandonne quand on se voit, pour lui. Je me fais engueuler quand il se rend compte que j’ai envoyé un mail à des amis communs avant de répondre à un de ses sms. Je me fais engueuler quand je mets plus d’une heure à répondre à ses messages. Et lui qui au début se montrait si présent, petit à petit, ne fait plus de son côté aucun des efforts qu’il me demande de faire.

Il m’appelle tous les soirs ou presque, se cache pour que ses parents ne l’entendent pas, et ça me met un peu mal à l’aise.

Nous nous voyons une fois toutes les deux ou trois semaines. La plupart du temps, c’est moi qui paie les billets de train, à une ou deux ex?ception près.
Pour autant, quand nous sommes tous les deux, tout va bien : nos portables sont coupées et nous profitons l’un de l’autre. Nous discutons, nous faisons des jeux ensemble. Le temps semble doux dans nos week-ends ensemble.

Nous partageons des passions communes, parmi elles l’artisanat et les pierres semi-précieuses.
Je lui fais découvrir l’écriture et de nombreux monuments de la littérature de genre, lui présente mon cercle d’écriture. Je suis contente de pouvoir lui montrer mon monde. Lui s’intéresse un peu trop à mon goût à certaine?s filles du groupe, mais j’ai décidé que je ne serais pas jalouse.
Pas à l’époque.

En vrai… En vrai, il me ment dès le départ, mais ça je ne l’apprends qu’après. Sa première tromperie arrive deux mois après notre mise en couple. Moi, j’étais aveuglée par la confiance. « Elle l’a embrassé mais il l’a repoussée » – il dira la même chose à plusieurs reprises, pour d’autres filles. Ce n’est malheureusement, bien souvent, pas la vérité.
Deuxième mensonge, s’il n’y en a pas eu entretemps.

En vrai… La première année ensemble se passe, pas très bien. A plusieurs reprises, je manque de rompre. Il me fait culpabiliser sur beaucoup de choses, alors que je suis en deuxième année de master d’anglais, que j’ai un mémoire à rédiger, que j’ai un boulot de prof à côté. Je ne suis pas assez disponible pour lui, et puis, je ne comprends pas, lui a des horaires de fous, je ne sais pas à quel point c’est dur le travail manuel. La période de mon mémoire, en particulier, est un calvaire. Je souffre énormément et ne m’épanouis pas autant que je le souhaiterais dans mes recherches. Pourtant, je continue, parce que je l’aime, vous comprenez ?

Je l’accompagne à l’enterrement de son grand-père, ai le cœur fendu face à ses larmes, mais à côté de ça, je me retrouve à lui mentir pour aller prendre un café avec des amis. Période bouleversée et bouleversante.

Je boucle mon mémoire, et suis malgré tout très fière de ce que j’ai fait et de ma soutenance. Mais je garde de tout ça un souvenir amer. Il me faudra du temps pour digérer ma rédaction de mémoire. Heureusement que nous étions en relation à distance et que j’ai pu avoir des amis pour me soutenir sur place.

Lui, de son côté, souligne qu’on lui a conseillé de rompre avec moi, mais qu’il ne voulait pas car « on n’en trouve qu’une comme moi ».
Notez le propos. Ça paraît évident, vu de l’extérieur, n’est-ce pas ?… Mais je continue. Je l’aime, et il dit qu’il tient à moi, et j’ai besoin qu’il tienne à moi.

L’été passe, et avec lui, à nouveau, son lot de douleurs. Il vient squatter chez moi sans débourser un centime en loyer, mais juge déplacés chaque commentaire que je fais sur mes difficultés avec mes élèves. J’arrive à négocier pour faire venir certains des gens que je forme à mon domicile, m’évitant des temps de trajet considérables, et il me fait des crises de jalousie de l’ordre du « Tu vas te retrouver en tête à tête avec des mecs dans la cuisine ». (Mon lieu de travail, je sais, pas très glorieux.)

Je prévois des vacances à Paris, chez une amie. Narcisse vie?nt avec moi. Il commence à s’intégrer dans une troupe de GN et discute énormément avec Anaïs (encore un nom d’emprunt), une de ses membres. Il s’agace de ce que je lui fais remarquer que j’en ai marre qu’il soit toujours sur son portable alors qu’on est en vacances, alors que moi je range mon portable quand je suis avec lui.
Finalement, le ton monte. Plusieurs fois. J’en tombe malade.
Les vacances sont écourtées.

Alors que nous partons à un célèbre festival, il me descend devant le bus entier parce que je lui ai envoyé des sms angoissés toute la matinée (car je n’étais jamais allée en festival et partais seule d’un endroit que je ne connaissais pas pour monter dans le même bus que lui, qu’il avait pris de Nîmes) en espérant une réponse. « Je lui ai pourri son début de voyage ».
Quand il part en GN avec certaines de mes amies et que je ne réponds pas à ses messages, c’est à nouveau de ma faute. Quoi que je fasse, je lui gâche son plaisir. Alors j’encaisse et j’essaie de rattraper le coup. Je lui couds ma première peluche, je lui mets même un cœur à l’intérieur, qui dit « On vit une période difficile, mais je suis sûre qu’on pourra parler et que tout ira mieux ».

Parce que je l’aime, vous comprenez ? Et j’ai besoin de quelqu’un qui m’aime…

Le début des ennuis sérieux

On emménage ensemble en 2013, il vient sur Lyon faire son bac pro. Franchement, à l’extérieur, on fait couple modèle. On est mignons, sympas avec tout le monde…
Mais plus ça va plus je fais pas les choses bien pour lui, plus tout est ma faute, tout le temps. Moi, je craque un peu. Je ne suis déjà pas bonne de base pour tenir une maison, mais j’en viens à ne plus faire le ménage, ni la lessive. De plus en plus, je me retrouve à appeler pour annuler des cours, pour « raison médicale », parce qu’en plus de réels soucis physiques que j’avais, je n’avais pas la force psychologique pour y aller.
Lui, si je l’appelle Narcisse, c’est pas pour rien. J’ai fini par comprendre qu’il avait besoin du regard des autres pour vivre. De plus que juste le regard, en fait.
Intérieurement, j’ai conscience que je ne serai jamais assez pour lui, qu’il va me dévorer. Pourtant je continue d’espérer. Déjà à cette époque, il fait des avances à de nombreuses filles dans mon dos, mais ça, je ne l’apprendrai que bien plus tard.

Mon anniversaire tombe mal : pendant une convention auquel il veut se rendre.
Alors forcément, ça ne se passe pas bien. Le premier soir, veille de mon anniversaire nous décidons de nous y rendre ensemble. Il doit me rejoindre au boulot mais il arrive en retard, très énervé, parce qu’il a eu des problèmes de tram. Je n’y suis pour rien, mais sa colère rejaillit sur moi. J’écrase.
Nous faisons le tour du salon, je ne me sens pas à ma place. Je finis par lui dire que ce serait bien qu’on rentre, lui ronchonne : il pensait qu’on resterait? plus longtemps, il veut rester.
Nous nous engueulons. De dépit, je rentre à pied, après lui avoir interdit de m’envoyer un sms à minuit pour me souhaiter bon anniversaire, comme il est capable de le faire.

A minuit, il m’envoie un mail. Je n’en reviens pas de son culot. Une de mes meilleures amies, appelons-là Aurore, vient me soutenir, dans la nuit, alors que j’interdis à Narcisse de revenir. Il se débrouillera pour trouver où crêcher. Ce n’est pas la première fois que je le fais et il m’en veut beaucoup.? Il n’est pas « chez lui ».
Il reste à la convention les deux autres jours — hormis le soir de mon anniversaire,? que nous faisons avec des amis au restaurant. Il est très fier de son cadeau, et le met beaucoup en avant. Moi, je retiens surtout qu’il est fatigué et veut que la soirée se termine vite.
Une soirée gâchée de plus.

Au quotidien, en privé, il me pourrit régulièrement, me rabaisse. J’essaie de nouer des liens, à la fac, mais il est jaloux de toutes mes amitiés, il se méfie de tout le monde. Et puis je ne suis qu’une sale étudiante glandeuse qui se plaint tout le temps, alors que lui a des horaires de fous pour son bac pro, pour son stage. Le fait que je souligne que j’ai vécu le bac moi aussi, et qu’il a beaucoup moins de devoirs que ce que j’avais moi, n’arrange pas les choses. Je l’infantilise et le rabaisse sans cesse, me dit-il. Je ne le remercie jamais quand il fait quelque chose de bien. Je ne lui prête pas assez d’attention. Je suis chiante, parce que je bosse en partie en télétravail et que je ne fais rien à la maison alors que je suis là et que je salis. Je suis chiante, parce que j’ai de plus en plus de mal à me nourrir. Moi qui n’aime pas manger, je n’arrive plus à cuisiner. Je ne fais plus d’effort.

Je me dis que c’est juste une mauvaise passe, même si elle est un peu longue, il y a du bon de temps en temps, pas souvent mais il y en a. On arrive encore un peu à faire des jeux ensemble, beaucoup moins qu’avant, au début de notre relation, mais c’est déjà ça. J’en parle autour de moi, beaucoup, parce que j’ai besoin d’évacuer. Mes amis sont embêtés, me conseillent de lui en parler.
Narcisse tombe sur un message que j’ai envoyé à Aurore, alors qu’elle avait oublié son portable chez nous. Enfin, « tombe sur ». Il fouille dans son téléphone. Il me mène la vie dure parce que j’expliquais dans ce message que c’est difficile, que je ne me sens plus amoureuse, mais que je cherche à retomber amoureuse de lui. Dès ce moment, l’argument « moi, je n’ai jamais cessé de t’aimer » fait son apparition dans son discours. J’essaie de lui pointer du doigt qu’il n’avait pas à fouiller dans le portable de quelqu’un qu’il ne connaît qu’à peine, rien n’y fait. Il a toutes les excuses du monde, il voulait faire ceci, cela, là n’est pas la question. C’est moi, le problème. A partir de là, Aurore est furieuse, et commence à me mettre en garde. Moi, je n’écoute pas trop : je comprends ce que dit Narcisse, et je vois les efforts que j’ai à faire. Et puis il me dit qu’il va faire des efforts aussi, ça devrait aller… non ?

Pourtant, au bout d’un moment de cette vie, je craque et finis par sécher des cours pour me réfugier certains après-midis chez des amis en cachette. Dont un ami qui m’aide particulièrement. Sauf que cet ami, appelons-le Matt, un peu dépendant affectif lui aussi, finit par tomber amoureux de moi – enfin, il croit. Et moi, ça me fait du bien d’avoir dans ma vie quelqu’un qui ne me rabaisse pas perpétuellement. Je souffre de cette situation. J’ai conscience de faire des erreurs, mais je n’arrive pas à distinguer le bon du mauvais.

Pour moi, il est impossible de quitter Narcisse. Pourtant, je sais que je ne serai jamais assez pour lui. Lui est hormonalement très actif, moi je suis asexuelle. Je fais tous les efforts du monde, je fais de mon mieux pour ne pas me faire abandonner, vous comprenez ? S’il y a une chose qu’il faut reconnaître à Narcisse, c’est qu’il ne m’a jamais forcée physiquement, contrairement à certains de mes précédents. Il s’est même arrêté quand j’ai dit « stop », parfois. Il me disait toujours que non, que ce n’était pas grave. Mais il en connaissait un rayon pour me faire culpabiliser de ne pas le faire. Ou surtout, pour me manipuler pour obtenir ce qu’il voulait.
Je ne peux pas quitter Narcisse, donc, c’est impossible, dans ma tête je suis vouée à être en couple avec lui parce que… je l’aime, vous voyez ? Mais je n’arrive plus à l’aimer autant, parce qu’il me fait atrocement mal. Je n’arrive plus à lui faire confiance, j’en suis à me demander si je lui ai déjà fait confiance étant donné notre mise en couple, et puis j’oublie, et je continue.

Je vois un psy à cette période. Il me fait faire des exercices. Je commence un gratitude journal qui marche bien pour mon moral, et m’aide à tirer au clair des choses : je voudrais partir. Je voudrais rompre avec Narcisse. Les seules choses qui m’en empêchent, c’est qu’on vit ensemble et que « ça peut marcher ». Je me sens prisonnière.
Quand j’en parle avec Narcisse, il oscille entre larmes et colère. Il me dit qu’il ne comprend pas, qu’il me dit tout le temps que je peux faire ce que je veux, qu’il veut me laisser toute ma liberté, que son ex lui disait déjà ça, qu’il n’a pas de raison de me faire peur…
Et pourtant, c’est la vérité. Souvent, quand ça ne va pas, j’ai peur de Narcisse et de ce qu’il pourrait faire.

A la fac, c’est la dégringolade. Je ne vais plus en cours que pour voir les autres, je n’arrive plus à suivre. Narcisse est horriblement jaloux de Matt. Il pense que je le trompe avec lui. Je dois donc cacher mon amitié. Il la découvre, et c’est encore pire. Il me fait culpabiliser de chaque instant passé avec Matt.
Ironie du sort, il le fait si bien, que je dois me cacher, et que je finis bel et bien par le tromper, consciemment. Puis je me sens sale. Puis je ne sais plus. Je lui cache, je n’arrive plus trop à savoir si ça a de l’importance ou non. J’ai l’impression d’avoir fait quelque chose de très mal pour mon corps, je n’aurais pas dû coucher avec quelqu’un comme ça, parce que j’avais besoin d’affection. Pourtant je recommence, une semaine après. Et toujours, je me sens sale d’avoir fait ça.
Mais je n’arrive pas à me sentir mal d’avoir trompé Narcisse. Je me sens mal vis-à-vis de moi-même.
Jusqu’au moment où je me retrouve à devoir lui mentir, les yeux dans les yeux. Moi qui ne supporte pas de cacher des choses, je le vis très, très mal. Je finis par tout lui avouer, un soir, un mois après les faits, après avoir tout passé à l’écrit une fois. Je prends mon courage à deux mains et je lui dis tout, de vive voix. Une des pires soirées de ma vie. Je lui explique mon état d’esprit, ma douleur, l’ambivalence de mes sentiments vis-à-vis de lui, et mon adultère.
Sans surprise, il le prend très mal.

Contrecoup

Il me mène la vie hyper rude après ça. Je dois lui montrer mes messages, mes mails, je dois supprimer le numéro de Matt et promettre de ne plus jamais lui parler. « J’ai perdu sa confiance », vous comprenez. Il pleure, souvent, et moi, je dois me mettre dans un coin, et surtout ne rien dire, faire comme si je n’existais pas, parce qu’il imagine, il se rappelle… Tout ça. Il me fait raconter, encore et encore, puis me dit de ne rien dire, puis me refait raconter, puis m’incendie, puis pleure. Moi j’ai peur.

En vrai… en janvier suivant, soit un mois après… Nous fêtons le départ d’une amie dans un bar. Parmi ces gens, nommons la Rose, une fille qui tient assez mal l’alcool, et qui a un peu du mal socialement. Elle a l’air perdue, mais je sais que physiquement, elle lui plait. Je sais aussi qu’ils ont parfois discuté tard la nuit, et mon angoisse de le voir partir me rend malade. De la jalousie mal placée, sans doute.
Ce soir-là, comme souvent hélas, Rose boit trop. Alors je m’occupe d’elle, un peu. Et puis lui l’emmène prendre d’air, puis va l’aider à vomir aux toilettes. Deux fois.

Je me revois devant cette porte fermée, un verre d’eau à la main, à m’inquiéter pour Rose, et à trouver ça bizarre. J’attends, un peu.
J’ai invité Rose à manger à la maison, le lendemain. Elle vient. Et elle m’avoue ce qui s’est passé.
Quelques mois plus tôt, avant que nous emménagions ensemble, Narcisse lui a fait des avances écrites. Puis dans les toilettes d’un pub, alors que nous étions en soirée (je venais de me faire poser mon stérilet, la veille. J’étais très mal, fatiguée et n’ai pas pu rester longtemps…), il l’avait embrassée – sans trop lui demander son avis. Puis lui avait fait des avances par sms, pour éventuellement qu’il se passe plus de choses entre eux. Elle n’avait visiblement jamais osé lui en reparler. Jusqu’à la soirée de la veille.
Elle me raconte alors que la veille, Narcisse l’a emmenée dans les toilettes, puis qu’il l’a invitée à se déshabiller. Elle l’a fait – l’alcool, ou des choses à se prouver ? Ils s’occupent, tous les deux, puis vont prendre l’air. Il lui propose d’y retourner pour qu’elle lui fasse une fellation. Ils y retournent donc. Vous vous souvenez, ce moment où j’étais derrière la porte avec mon verre d’eau ?…

Narcisse est un connard, donc. Et la vérité éclate.
Malheureusement, Rose était ivre. Du coup… qui croire ? Narcisse qui nie tout en bloc, m’a raconté que « Rose avait eu des réactions bizarres quand il avait voulu la faire vomir », ou Rose, bourrée mais qui n’a rien à gagner à mentir ?

La confiance est détruite. Je suis en morceaux. J’en parle autour de moi. Je ne sais pas quoi faire. Pourtant, je laisse le bénéfice du doute, parce que je n’ai pas envie d’y croire, j’ai envie que ça aille bien…
Les gens me conseillent, mais je refuse de les écouter. Je me dis qu’au moins, il peut y avoir une remise à zéro des compteurs, avec tout ça. Qu’on va pouvoir parler, repartir sur de bonnes bases.

Alors on parle. Je lui dis que j’aurais besoin d’espace. Que j’aimerais qu’il prenne son appartement à lui plutôt qu’habiter dans le mien. Et en même temps, j’angoisse. Parce que la confiance est brisée, et je vois comment il fonctionne. Et je me dis que s’il a son appartement, il invitera n’importe qui pour faire n’importe quoi… Et je ne veux pas le perdre. Je l’aime, vous comprenez ? Et lui me dit qu’il m’aime… Alors nous finissons par trouver un consensus et nous mettons en quête d’un appartement pour nous deux. Un vrai chez nous, dans lequel nous pourrions nous sentir tous les deux à l’aise, parce que lui me dit ne pas se sentir chez lui.

Pendant nos recherches, je découvre qu’il m’a menti quand il m’a dit qu’il avait avoué à son ex qu’il l’avait trompée. « Par mégarde », il efface tout l’historique de son téléphone pour ne pas que je le voie. Je laisse couler. A quoi bon ?

Nous finissons par en trouver un qui ne fait pas battre mon cœur, mais qui correspond à tous les compromis que nous avons faits tous les deux. Etre en couple, c’est bien faire des compromis, non ? J’ai l’impression que c’est-ce qu’on m’a appris, alors j’en fais en tout cas.

Alors je me prépare psychologiquement à lâcher l’appartement de mes rêves, trouvé à peine deux ans plus tôt. C’est très dur. Mais je suis prête à le faire. Pour lui, pour notre couple. Le jour de la signature du bail, je fais une énorme crise d’angoisse, parce que je ne sais plus si ce que je fais est bien.
Mais je le fais quand même. Parce qu’on va être heureux. Pour notre bien.

La descente aux Enfers

La semaine qui suit la signature du bail (j’ai réussi à repousser notre emménagement à la fin de mon semestre, au 1er mai, mais nous signons en mars), j’apprends qu’il avait déjà proposé à une fille de l’embrasser alors que j’étais chez mes parents. Cette fille-là, elle, était sobre. Et elle a peur de ma réaction, peur de se faire accuser d’être une « voleuse de petit ami », alors elle n’ose pas m’en parler directement. Je l’apprends de la pire manière : par les bruits de couloir, l’amie d’un ami.

Cette fois-ci, je ne laisse plus le bénéfice du doute. Je prends Narcisse entre quatre yeux, lui expose tout. Lui dit qu’il est un lâche. Il pleure, il fait une crise d’angoisse, je le gifle. Il panique, il m’engueule, me dit que je n’ai pas à me mêler de ses affaires, mais ne parvient pas à me faire culpabiliser cette fois-ci. Nous finissons par nous battre, mon bras se coince dans la porte, ma montre neuve est cassée (mais elle permet de retenir la porte, et d’éviter des dommages directs à mon bras).
Il finit en larmes et moi je vomis mon dépit, littéralement, la tête dans les toilettes. Ambiance… Puis les choses se tassent. Nous parlons, il pleure, il me dit qu’il est nul. Il me dit qu’il a oublié, qu’il a l’impression de n’avoir rien fait de mal. Je lui dis que c’est grave… mais je me dis que l’abcès est crevé, que putain on va pouvoir repartir sur de bonnes bases… Je m’immerge dans les cours de la fac pour tenir le coup. Et puis pour valider mon semestre, surtout. Je ne suis plus du tout dans les mêmes groupes qu’au premier semestre, alors j’ai perdu tous mes amis. La chute est rude et le sentiment de solitude est très fort, tout le semestre.

Et puis en fait, non. Il n’a rien compris, l’abcès n’est pas crevé, et à nouveau tout est ma faute. Je lui réclame une pause qu’il me refuse. J’essaie de le mettre dehors, au moins une semaine, j’ai même trouvé un appartement pour lui. Il n’y va pas. Alors j’y vais. Et lui vient me voir. Il ne me laisse aucune paix. Je craque à nouveau, j’écris des horreurs en continu, partout, pour évacuer, j’essaie de communiquer avec lui par écrit mais quoi que je fasse, c’est de ma faute. Quand je pointe une chose, il y a toujours un « oui, mais toi… » Il compare l’incomparable, le fait qu’il m’ait menti avec le fait que je lui aie menti quand je faisais mon mémoire pour aller boire un café. Je lui parle de « deux poids, deux mesures ». On dirait que ça lui plait : à chaque reproche que j’essaie de lui faire, à chaque fois que j’essaie de lui faire comprendre ce qu’il a fait, il me ressort ce « deux poids, deux mesures ».
Et c’est toujours moi qui suis en tort.

Je tombe malade le mois suivant, alors que nous étions en vacances chez mes grands-parents. Je me tords dans mon lit de douleur, je ne peux rien faire. On est le lundi de Pâques, et nous passons la journée aux urgences. Au bout d’une heure et demi à attendre, il me demande si j’ai vraiment si mal. Au bout de deux heures, il me fait sentir que tout est ma faute si je suis là.
Je deviens folle. On me fait des tests, ça prend des heures. Finalement, le verdict tombe, très très tard : c’est une pyélonéphrite aigue. Et vu le taux d’infection, ça fait un moment que je me la traîne sans vouloir accepter que j’ai mal. Alors on me garde à l’hôpital. Dans le département à côté d’où j’habite et où je fais mes études. Narcisse, lui, a cours. Alors il repart en même temps que mes parents, et moi je suis seule. Tout cela tombe au moment de l’état des lieux entrant pour le nouvel appartement : Narcisse, en cours, ne peut pas le faire. Moi, je dois gérer la régie, me faire engueuler parce que je ne peux pas être présente à l’état des lieux. Et quand j’appelle Narcisse à l’aide, je me fais jeter. Parce que j’en fais un peu trop, et puis que lui il a des choses à gérer. Je culpabilise d’être coincée à l’hôpital, alors que je devrais finaliser un dossier pour le soutenir trois jours plus tard, alors que je devrais gérer l’appartement. Tous les jours, plusieurs fois par jour, je réclame de sortir. Ma perfusion me fait mal. Par chance, ma voisine de chambre est adorable et son histoire, extrêmement difficile, me fait beaucoup relativiser sur la mienne.

Finalement, ils acceptent de me laisser partir, à condition que je fasse attention à moi, que je ne fasse pas d’efforts, que je me soigne bien, en me faisant comprendre que j’aurais dû rester trois jours de plus. Mes grands-parents me reconduisent chez moi, à Lyon. Le lendemain, je vais soutenir mon dossier. Deux jours après, j’encartonne mon appartement. Et le troisième jour, c’est le grand déménagement.
Narcisse se plaint que je n’aide guère, et moi j’ai mal. Le déménagement se passe mal. Je suis triste, affreusement triste de quitter cet appartement. Pourtant, quand nous avons fini de déposer les meubles dans le nouvel appartement, et qu’enfin les choses semblent se tasser, la première vue que nous avons quand nous regardons par la fenêtre est un immense arc-en-ciel qui traverse le ciel. Tout va bien aller.

Je veux croire à ce bon présage. La fin de l’année se passe enfin, tourmentée. J’ai souvenir d’une soirée où une fille dont il parle souvent se lève pour aller aux toilettes, et alors qu’il dit « Ah oui tiens moi aussi », je le force à se rasseoir. Il le fait sans rechigner, et je culpabilise de ne pas lui faire confiance. A posteriori, c’est pourtant une des meilleures choses que j’ai dites dans cette relation.

Il me parle d’une fille dans son lycée, une « gamine ». Ils discutent beaucoup ensemble, elle l’invite à voir un concert. Il y va avec elle. Je ne suis pas jouasse.

Moi, je parle à tout le monde de mon petit ami, depuis le début. Beaucoup. Il ne fait aucun doute que je suis en couple.
Pour autant, lui a dès notre deuxième mois de couple masqué son statut « en couple » sur Facebook, et j’ai remarqué qu’il cachait de plus en plus qu’il avait une petite amie. J’ai compris que ses « potes » de lycée croient qu’ils sont ensemble. J’ai du mal à lui faire confiance. Pourtant ça commence à aller mieux, non ?

Et puis, à une énième soirée (pour la chronologie : nous sommes en juin 2014), alors que je suis très mal à cause de mes choix d’orientation (admissible au CAPES d’anglais, je suis allée une première fois dans la ville des épreuves orales pour les informations, mais je ne trouve pas la force d’aller aux épreuves. Je ne veux pas devenir enseignante. Je ne veux pas avoir mon CAPES), nous rencontrons une nouvelle fille, l’amie de Nathaniel, un des membres de notre cercle d’écriture. Appelons la Laurence. Moi, je fais une maxi crise d’angoisse, qu’il gère, pas très bien (mais il est difficile d’en vouloir à quelqu’un qui a du mal à gérer la crise d’angoisse d’un autre). Lui boude, parce qu’il aurait bien aimé discuter plus avec Laurence. Qu’à cela ne tienne : il passera la journée du lendemain avec elle.
Et moi je sens qu’il va recommencer à se passer quelque chose. Et ça me fait aller encore moins bien.

Arrive juillet et il rentre chez ses parents. Je sais qu’il passe un temps fou à discuter avec Laurence sur Skype. Il ne fait que parler d’elle. Moi je suis seule à l’appartement et j’invite des amis, souvent. Et je discute beaucoup. Ca me fait un bien fou. Et puis, il va sur ses vingt ans, alors je lui prépare un anniversaire dingue.
Je fais venir ses amis des quatre coins de la France, payant le trajet pour certains d’entre eux. J’organise un immense jeu de piste à thème, dans Lyon, totalement en secret. Je prépare une cagnotte pour son cadeau. Je prépare des déguisements, des mini-jeux, des décorations. Je mets une vingtaine de personnes dans le coup. Je stresse, un peu. C’est le plus gros coup de ma vie. J’ai vraiment envie de lui faire un cadeau d’anniversaire inoubliable, parce que je l’aime et que je tiens à lui, et que je sais ce qui lui ferait plaisir.
Ses amis sont fantastiques et m’aident beaucoup. J’hésite à inviter Laurence, parce qu’il parait qu’elle compte pour lui, mais le délai est très court. Finalement non. En revanche, j’invite une de ses amies très chères qu’il n’a pas vue depuis des années. Le jour J, il ne la reconnaîtra pratiquement pas. La journée se passe à merveille, tout s’enchaîne comme sur des roulettes. Enfin, je souffle. Plus de tensions, les gens s’amusent. Nous hébergeons ses amis et malgré le temps vraiment moche, passons un excellent moment avec eux. Pourtant, alors que j’essaie de me glisser à ses côtés, à plusieurs reprises, il me rejette. Parce que je suis trop présente. Parce qu’il ne voit pas souvent ses amis alors il aimerait bien en profiter. Il me verrait plus tard.
Je suis triste, mais je comprends l’argument. Plus tard.
Quand tous les invités sont partis, nous recommençons à nous engueuler. Je l’étouffe, alors il refuse que nous partagions le même bureau. Je finis dans le salon avec mon ordinateur, je réaménage tout mon coin. Il ne supporte pas que je fasse des commentaires quand je le vois parler avec Laurence, mais il est toujours en train de discuter avec elle, en permanence. Son téléphone affiche toujours soit des SMS soit sa session Skype avec elle — même pas besoin de fureter pour m’en rendre compte, il a toujours son téléphone à la main.

Le mois de juillet n’est qu’une succession d’engueulades, pour tout et rien, et moi qui vis mal le conflit, j’en finis par m’écraser. Et lui me dit que s’il est avec moi, c’est parce que je suis une battante, pas une fille lobotomisée. Alors je ne m’écrase pas, et je me fais écraser encore plus. J’essaie le plus possible d’inviter des gens, car quand des gens sont là, tout va bien. Enfin, mieux. Dès que les gens s’en vont, tout recommence encore et encore.
Un soir, je lui dis que j’ai l’impression que je ne suis rien, que l’on n’est rien, il me dit qu’on va sortir. Nous sortons ensemble : la sortie est un désastre. Nous ne pouvons que ressasser des souvenirs du passé. Le soir, nous tentons de parler, comme nous pouvions le faire un temps. Mais cela dure vingt minutes, vingt minutes de creux où rien ne sort, et il reçoit un coup de fil de Laurence.
Laurence est paniquée, Laurence est dépendante affective, Laurence a besoin de lui. Je laisse couler. L’abandon me serre la gorge. Ma phobie se réveille, je sais ce qui va arriver et ça me fait mal, et ça me terrorise. Parce que moi j’habite ici, maintenant, avec lui, et je l’aime et j’ai envie de passer ma vie avec lui et que tout aille bien. Même si de plus en plus j’écris que je ne l’aime pas, parce que je ne l’aime plus, mais son visage se décompose quand je lui dis que je ne l’aime plus, et le voir comme ça me rappelle combien je l’aime. Alors je tiens le coup. Jusqu’à début août.

La rupture

Nous allons passer le week-end chez mes parents, début août. J’ai l’impression que Narcisse s’entend bien avec mon père, même si je sais que ma mère ne l’encadre plus depuis quelques temps. Ca me rassure de voir qu’il s’intègre quand même à peu près bien. A la maison, il y a aussi mon cousin et sa petite amie, et ça me fait plaisir de les voir.
Laurence a prévu de visiter Lyon et Narcisse, bon ami, a promis de l’accueillir. Je me dis que c’est là le bon moment pour lui montrer que je peux lui refaire confiance. Il part de chez mes parents trois jours avant moi, pour accueillir Laurence, dont je préfère éviter la visite car les récents événements m’ont dégoûtée d’elle. Ce n’est pas tellement de sa faute à elle, mais Narcisse a tellement mal géré que je préfère m’occuper de mon côté et lui laisser cette amie sans m’immiscer.
Pourtant, le matin suivant, tout bascule. J’ai fait un cauchemar. J’ai essayé de lui écrire. Voir que je n’ai pas de message de lui m’interroge. Je commence à me douter de ce qui se passe.
Il m’appelle en panique pour me dire que Laurence a essayé de l’embrasser, qu’il voulait que je le sache. Mon cœur se serre. Très fort. Il n’est pas normal, le silence non plus n’est pas normal. Il se passe quelque chose.
Finalement, c’est un ami commun à Laurence et moi qui vient me parler. Me dire de ne pas croire Narcisse. Mais refuse de m’en dire plus.
J’abandonne les vacances tranquilles chez mes parents. Je ne suis pas tranquille. Je ne serai plus jamais tranquille. Je rue dans les brancards. Je force les gens à me parler. Je retrouve Narcisse sans même le prévenir que je rentrais.
Il m’accuse d’être rentrée. Me dis que je suis folle. Sort de l’appartement en courant. Je le suis. Je suis en rage. C’est tout ma confiance qui est détruite, il ne reste plus rien de moi. Je ne suis qu’une masse de tremblements, de douleur, d’incompréhension. Je voudrais ne pas être en train de vivre ce moment.

Je le rattrape. Et une première fois, je le frappe. Une tape derrière la tête. Puis plus fort. Toujours, derrière la tête. Et je l’insulte. Comme si j’étais incapable d’être rationnelle. Comme si tout ce que j’avais réprimé pendant presque deux ans voulait sortir. Et je me hais de le frapper mais je le hais encore plus fort que moi. Et je vais mal, tellement mal. Et je l’insulte. « Arrête de me frapper ». J’arrête. Il fait mine d’avoir peur de moi.
Je fais venir Laurence, et notre ami l’accompagne. Enfin, ENFIN, une fille a le courage de parler, alors que les autres sont venues me voir beaucoup plus tard, trop tard à chaque fois. Moins de cinq heures après m’avoir laissée chez mes parents, après un excellent week-end chez eux, Narcisse me trompait avec Laurence.
Dans mon lit.
En lui ayant fait promettre de ne rien dire.

Trop de choses qui ressurgissent, trop de similitudes avec tant de situations qui m’ont fait mal. Je n’ai plus les mots. Je refrappe. Puis j’arrête, je lâche. Je n’en peux plus. Je ne lui laisse pas le choix et je romps avec lui.
Il s’enferme dans la chambre et je ne le suis pas cette fois, je ne lui remonterai pas le moral, je ne l’aiderai pas à se lever, je ne lui dirai pas que je comprends. Je vais dormir chez Nathaniel, que je connais depuis un peu moins d’un an. Il a accueilli ma souffrance d’un coup, sans y être prêt, parce qu’il était juste là, au mauvais endroit au mauvais moment. Nathaniel paie beaucoup trop les pots cassés des autres.

Mais je dois retourner dans ce pastiche de « chez moi », cet appartement que je n’aimais pas, le territoire des rêves brisés. Le bail est à nos deux noms.
Nous décidons de vivre en colocation, sous la condition que ni l’un ni l’autre ne ramène de conquête à la maison. La période qui suit est coriace. Et moi, je me mens. Je suis soulagée de ne plus être en couple avec lui et pourtant je suis encore totalement sous son joug.
En vérité, j’espère. Je me dis qu’enfin, il va comprendre. Je parle avec lui, beaucoup. De tous mes ressentis, toute ma douleur. J’essaie de lui expliquer, de l’éduquer. Je me dis que s’il comprend, il ne me fera plus jamais mal. Alors je parle et il m’écoute, et il parle et je l’écoute.

A l’entendre, il a « oublié » ce qui s’était passé avec Laurence. Il a fait une crise en se rappelant.
Une crise après, il s’est rappelé la scène avec Rose.
Il « oublie », toujours, les mensonges. Et moi je vois ce qui se dessine. Je vois quelqu’un qui se ment à lui-même. Quelqu’un qui peut apprendre. Je vois dans le fait qu’il me parle une trace d’espoir, peut-être que quand il aura compris, peut-être qu’il sera prêt à tout avouer, tout admettre, peut-être que nous nous remettrons ensemble. Je vois qu’il a besoin d’une aide, aussi, psychologiquement. J’essaie de l’envoyer chez un psy. Parce qu’il y a définitivement quelque chose qui a raté dans son développement, parce que ce besoin d’attention et ces mensonges, ce n’est pas normal chez quelqu’un comme lui.
Alors je parle, j’éduque, et je l’aime. Mais je ne le touche plus, je le repousse, malgré ses tentatives. Et ça me coûte.

Les violences physiques s’installent. Je l’ai frappé, et lui qui au début refusait de me frapper (j’en étais venue, en crise, à lui demander de me gifler pour avoir un stimulus physique qui arrêterait la crise. Après une heure à tergiverser, il l’a fait), s’est retrouvé à avoir la baffe facile. J’ai le souvenir cuisant d’une gifle claquante sur un quai de gare après que je lui ai fait remarquer qu’il y avait toujours un gouffre entre ce qu’il disait et ce qu’il faisait. Je me suis demandé si les gens sur le quai allaient réagir.
Non.

Nous devions partir en randonnée avec ses amis. J’aime beaucoup ses amis, et la perspective de la randonnée me plaisait énormément. Alors nous partons malgré tout, dans une situation pire qu’étrange, moi en état de choc mais contente de pouvoir voir les paysages et profiter de tout ça. Nous parlons beaucoup à ces moments-là, les soirs avant de partir, et j’ai l’impression de retrouver le Narcisse d’avant, celui avec qui je pouvais discuter de tout. Mais je sais que dès que je baisserai ma garde, il recommencera.
Alors je profite de ce voyage – surtout quand nous ne sommes pas dans la même voiture pour y aller.

Malheureusement, les nuits, les cauchemars reprennent le dessus. Je ne dors pas, je n’y parviens pas. En plus, il fait très froid. Toutes les nuits, je m’éloigne du camp. J’ai un peu envie de me perdre, de me laisser mourir. A quoi bon, de toute façon ? J’avais mon avenir avec lui, j’avais mon chez moi avec lui, et je n’ai plus ni chez moi ni avenir. Mes études ne m’intéressent plus, je n’aime pas mon boulot, je ne vois plus l’intérêt de tout ça. Je me sens comme une bête prisonnière, au bout du rouleau, dans une impasse. Il n’y a plus lieu d’avancer. Je suis contente d’avoir vécu jusque là.

Une nuit, il me rattrape, furieux. Je craque. Je l’insulte. Je le frappe à nouveau. Tous ses mensonges, toutes ses trahisons, ma confiance brisée, tout est mort à l’intérieur. Je n’ai plus rien. Je suis morte. Je craque. Finalement, nous trouvons un coin, et établissons un accord. S’il me prouve qu’il ne refera jamais de conneries, nous nous remettrons ensemble. Si jamais il fait la moindre connerie, je me tue. Je lui confie ma vie. Il la prend. Il promet.

Et il me demande ce qu’il doit faire. Moi, je ne parviens plus à parler, je suis vide. Dans un premier temps, je lui dis, on trouve un endroit. Et on se bat. J’ai besoin de frapper. J’ai besoin d’évacuer. J’ai besoin de te frapper, toi.

Alors nous nous battons au clair de lune, jusqu’à ce que je lui arrache un lambeau de peau du bras, jusqu’à ce qu’il me mette à terre d’un coup de genou dans le ventre. C’est comme un fight club, avec un safe word. Et je ne m’étais pas sentie aussi vivante depuis longtemps. Ce moment-là, je le sais, a créé une nouvelle relation entre nous. Et m’a fait du bien. Je n’arrive pas à l’expliquer. J’ai l’impression d’avoir dépassé un cap.

Quand nous rentrons, j’en parle à mes amis, qui sont terrorisés, affligés. Me proposent de m’héberger, de m’aider à fuir. Moi, je n’ai pas envie de lâcher. Parce qu’on va y arriver, on est dans une pente ascendante. Et puis… je l’aime toujours. Je n’ai pas envie qu’il m’abandonne.
Et en même temps je ne l’aime plus. Et une partie de moi le méprise, une autre à peur de lui. Mais principalement, je voudrais y croire. Je persévère. Et puis, c’est chez moi ici. Même si tous les soirs je m’endors en espérant que ce ne soit qu’un cauchemar. Et tous les matins je me réveille en pleurant, en ayant perdu tout le sens que je pouvais avoir, que ma vie pouvait avoir. Il n’y a aucune issue au cauchemar que je suis en train de vivre. Je déteste me réveiller.

Les jours passent. Nous reparlons. J’essaie de lui faire comprendre qu’il ne peut pas vivre une relation exclusive, pas comme il fonctionne. Il me dit que si, que lui c’est absolument tout ce qu’il souhaite, et qu’il souhaite que ce soit avec moi. Il me promet que quand il aura regagné ma confiance, il me demandera en mariage. Une fois par jour ou presque, il me demande d’être sa petite amie. Des « propositions propres pour contrebalancer notre première mise en couple ». Il m’écrit une chanson pour me reconquérir. Et moi je pleure, parce que voudrais le croire mais je sais que c’est faux, et je le hais et je l’aime. Je suis totalement dissociée. Et je souffre sans pouvoir l’exprimer. Et nous recommençons à nous engueuler. Parce que « malgré tout lui n’a jamais cessé de m’aimer ». Parce qu’il voudrait que nous nous remettions ensemble. Et je n’arrive plus à extérioriser. Alors, sur un coup de rage, je m’arrache les cheveux. Puis je prends une paire de ciseaux, les coupe et les lui jette à la figure. « Même comme ça, t’arrives à être belle. » Et je recommence à me scarifier, et ça lui fait mal, mais qu’y puis-je ? Je n’arrive plus à parler. A plusieurs reprises, je tente de me jeter du balcon. Il s’impose, devant moi, me retient physiquement.

A côté, il me flique. J’invite des amis et il surveille mes conversations, même quand j’ai la porte fermée. Il se veille à ce que personne ne s’approche trop de moi. Il surveille mes interactions avec d’autres gens. Il se logge sur mon PC (bonne poire, je lui avais laissé le mot de passe), lit mes conversations Skype, va fouiller dans ma boîte mail. Il instaure un climat de terreur pour moi. Quand je le prends sur le fait, c’est ma faute. Quand j’ai des doutes, il ne se rappelle de rien. Pour lui, « c’est toujours moi qui veux tout compliquer, qui ne veux pas aller bien ».

Le saut de l’ange
(Titre des plus ironique quand on sait que le deuxième prénom de Narcisse est Ange…)

La rentrée arrive, et j’en profite pour penser à autre chose. Pour me préserver, je me noie dans le boulot, boulot, boulot, pour avoir du fric, pour faire plaisir à ma mère, pour entrer dans la vie active et ne plus avoir le temps de cogiter, je cumule la fac et trois boulots différents.
Je passe vingt heures par semaine dans les transports en commun. Je ne mange plus. Je dors beaucoup, et quand je ne dors pas, je travaille. Je pars à 7h30 les matins, rentre à 21h30, suis à quatre endroits différents par jour. Il faut que je travaille. J’accepte toujours plus de missions, toujours plus de cours.
Et dès que nous nous croisons, nous nous engueulons. Parce que je lui en veux, parce que lui m’en veut de lui en vouloir, il « voudrait juste être heureux », il pleure, je lui dis qu’il n’est qu’un connard…

Arrive une semaine, à la mi-septembre, où je craque et je lui dis que je ne veux plus qu’on se parle de la semaine. Pour tester. Voir si ça me manque ou pas. Ca ne devrait pas me manquer.
Les trois premiers jours se passent, atroce. Mes cours de psychologie me font ressasser tout ce qui dysfonctionne chez moi. J’ouvre un fichier texte où j’écris tout ce que je voudrais lui dire mais ne peux pas. Mais je travaille, j’en tire les satisfactions que je peux, et je n’ai pas de temps pour moi. Alors ça va. Jusqu’au soir du concert d’Alestorm. 17 septembre 2014.
Je devais y aller mais j’ai décidé de prévoir autre chose : je me fais inviter à manger et une amie et revends ma place pour le concert. Je ne veux pas être dans la même salle que lui. Je ne veux pas le voir faire le malin devant d’autres filles. Parce que ce connard claque des doigts et a toutes les filles qui lui tombent entre les bras. Moi c’est un peu moins le cas.

Ce soir-là, je disjoncte. Le lendemain, je commence un nouveau boulot, une formation d’anglais pour personnes aveugles, et ça me stresse énormément. Les nouveaux boulots ça me stresse toujours, et là, c’était particulièrement difficile : je n’avais jamais enseigné à des aveugles et je n’avais pas confiance en ma méthode. Mais je voulais essayer. Je voulais être en forme. Alors je ne rentre pas trop tard de chez mon amie : je vais me coucher tôt.

Pourtant, au milieu de la nuit, je suis réveillée par sa voix, qui discute avec celle d’une fille. Je me doute de ce qui se passe.

J’entends leur conversation. Il a l’air très intéressé par le fait qu’elle ait déjà couché avec chacun de ses colocataires. Il lui parle de notre relation. Il lui dit que oui, que si j’étais prête à lui pardonner il serait prêt à m’épouser.
A l’entendre lui est le chevalier servant, et moi la femme ingrate. Parce que, vous voyez, il a fait « des écarts » et du coup je l’ai quitté.
Je pète un câble : il a ramené une fille face à qui il se pavane alors qu’il n’en avait pas le droit. Au début, je m’immisce l’air de rien, pour lui rendre un livre. Mais finalement je romps la digue du silence et demande à lui parler. On s’engueule, bien sûr. C’est ma faute, je me mêle de ce qui ne me regarde pas, il est chez lui. Il fait ce qu’il veut. Il va retrouver la fille, une « gamine », de ce qu’il me disait d’elle il y a quelques mois. Je vais finir par croire qu’il les aime, les gamines.
Je lui demande de revenir pour qu’on parle sérieusement, il essaie de m’amadouer, je disjoncte de le voir si faux, l’engueulade recommence : ils vont s’isoler dans le hall de l’immeuble pour « discuter » (probablement se rouler des palots, à moins qu’il ne lui déballe tout son charme d’homme battu et incompris).
Entre ça et le stress du lendemain, j’ai trop besoin de dormir, et je suis désespérée, et je ne veux pas être où je suis, et je ne veux pas être ce soir, ni demain.
Assise sur le rebord de la fenêtre, du haut du sixième étage, je pleure et j’hésite. Mais non, je ne peux pas me donner la mort, pas comme ça.
Alors j’ouvre la boîte de Lexomil qu’un psy m’a conseillée quand je suis allée le voir pour mon mal-être en novembre 2013, et je me tape la boîte entière. Glop, première bouchée. Glop, deuxième. Glop, troisième.
Je m’allonge, en sachant qu’au moins, il ne me réveillera plus.

Je me réveille… je ne sais plus. Ces jours-là se sont effacés de ma mémoire. Je ne me souviens que de quelques bribes qui reviennent parfois… J’oubliais, de 24h en 24h.
Il paraît que j’étais réveillée le jeudi, mais je ne m’en rappelle pas.
Il paraît que j’étais réveillée le vendredi, mais je ne m’en rappelle pas.

Ce que je sais, c’est que le mercredi où j’ai pris tous ces médocs, j’avais envoyé des appels au secours à 3h du mat, par sms à des amis, sur Facebook, sur Twitter.
Et personne n’avait pu me répondre. A 3h du matin, en même temps…

Mais le lendemain matin, à 7h, Aurore venait tambouriner à la porte pour vérifier que j’étais toujours en vie.
Et elle a trouvé Narcisse et cette fille dans la salle de bain juste à côté de ma chambre, probablement en train de fricoter d’un peu, très, près (mais à ses dire, il « nettoyait son arcade sourcilière qui avait pris un poc pendant le concert ». A 7h du matin alors qu’il était rentré depuis un moment. Sachant qu’il était trempé et que la fille était sous la douche).
Grande classe.

Moi, j’étais juste endormie. Aurore a vu que je dormais, elle est repartie.

Je suis restée un peu à l’hôpital, d’abord en intensif dont je ne me souviens d’absolument rien, puis dans l’aile psy. J’ai failli devenir complètement folle : je devais aller au boulot, il fallait que j’aille au boulot, je ne pouvais pas rater des heures de travail.
Ca revenait sans cesse dans mon discours de fille encore sous l’emprise des médicaments.
Et puis je demandais en boucle pourquoi Narcisse était un pareil connard, pourquoi il ne comprenait pas. Et je ne pouvais pas sortir. Ils me maintenaient dans ma chambre, en fait. J’étais aux urgences psychiatriques.

Finalement, mon entourage a pris la relève et a interdit à Narcisse de m’approcher, de me parler, de tenter quoi que ce soit.
Le numéro d’urgence qu’il avait donné était le sien. Il n’avait pas prévenu mes parents. C’est mon amie qui l’a fait. Ils sont arrivés en urgence. Il paraît qu’il « avait peur de se faire engueuler ». Il paraît qu’il a dit que « mes amis l’avaient agressé ». Il paraît qu’il avait « attendu, éploré, pour me voir, et n’avait pas pu me voir plus d’un quart d’heure parce que les infirmières l’ont fait sortir ».
Quand on voit l’état dans lequel il me mettait, il n’y a pas besoin de chercher très loin pour comprendre pourquoi.

Et pourtant, honnêtement, il levait le petit doigt, il marmonnait une excuse, je lui retombais dans les bras. Je l’aimais, vous savez ? Et je demandais en boucle pourquoi il était un connard, et pourquoi il ne comprenait pas.
Et lui me détruisait parce qu’il me maintenait sous son emprise tout en m’assénant saloperie sur saloperie quand je lui montrais ce qu’il avait fait. Parce que, vous comprenez, « ce n’était pas lui qui avait pris des médicaments », et « il avait bien assez de choses à gérer, il ne pouvait plus, là ».

Les choses à gérer c’étaient sans doutes celles qui bougeaient sur mon lit, sous ma couette quand mes parents sont allés récupérer des affaires à moi à l’appartement… Ou le concert auquel il a assisté le soir suivant, pas plus dérangé que ça.

Un jour, il a appelé, furieux : ma mère avait appelé la sienne, en lui disant que pour l’appartement, ce n’était pas possible, que ça ne pouvait pas continuer. Sa mère n’était au courant de rien. Il l’avait appelée pour lui dire qu’il était malade.
Honnêtement, je crois que s’il y a une personne à qui il a plus menti que moi, c’est bien sa mère. Pour « la protéger », sans doute.

Un autre jour, mon père m’a dit que Narcisse avait énoncé, cash « qu’il était hors de question qu’il se remette en couple avec moi de toute façon ». Alors qu’il m’avait dit le contraire. Furieuse, j’ai fait venir Narcisse à l’hôpital. J’ai demandé à mon père de se cacher. Quand Narcisse est arrivé, je lui ai demandé, s’il était prêt à ce qu’on se remette ensemble. Oui oui oui si je voulais bien de lui. Mon père est entré dans la pièce à ce moment-là. Narcisse est devenu violent. Je suis devenue l’hystérique qui faisait tout pour le piéger. Il ne pouvait pas compter sur moi.
Il ne comprenait pas. Jamais. Rien. Il avait « oublié ». Et tout était ma faute. Toujours.

Malgré tout j’avais le cerveau totalement lessivé… Je l’aimais à la folie, en fait, alors que je n’avais plus aucune confiance en lui, et je le haïssais du plus profond de mon cœur.

J’étais totalement disloquée. Perdue. Je ne savais plus qui j’étais. La Lia qui travaillait, la Lia qui aimait, si je n’avais plus l’un ou l’autre, je n’étais plus qu’une fine bulle de savon prête à éclater sur un simple « plop »…

Remonter la pente savonneuse

J’ai passé encore un week-end à l’hôpital. Un week-end infernal. J’ai failli devenir complètement cinglée. A ne pouvoir voir aucun psy parce que c’était le week-end alors que j’avais tellement besoin de parler, de savoir. Ma camarade de chambrée avait ses propres problèmes, mais a beaucoup ramassé à cause des miens. Nous avons parlé, beaucoup. Elle a essayé de me canalyser. Nous nous sommes promenées pour évacuer. Nous avons prié, aussi – elle était fervente chrétienne, et moi je me raccrochais à ce que je pouvais.
Et heureusement, mes amis sont venus me voir. En masse. Et m’ont raconté ce qui s’est passé, car j’oubliais tout. Il paraît que j’ai beaucoup parlé, avoué beaucoup de choses, fait preuve de peu de pudeur…
En réalité, je ne me rappelle de rien. Je dois tout aux témoignages de tous ceux qui sont venus me voir et ont accepté d’écrire ces quelques jours pour moi. Et qui sont étrangement très différents de celui de Narcisse… Quant à la fille qu’il avait ramenée, elle devait m’envoyer son témoignage, mais ne l’a jamais fait.

Enfin, le lundi, j’ai pu voir une vraie psy. Plusieurs même, je crois, mais je n’en suis pas sûre. Dans ma tête il y en avait trois…
Contrairement aux autres qui me maintenaient enfermée, elle m’a écoutée. Elle a compris que je refusais de reprendre des médicaments, quand je lui ai dit que si elle me donnait quoi que ce soit, je savais que je recommencerais. Elle a vu mon état et m’a dit qu’on allait me sortir de l’hôpital, à condition que j’accepte d’être suivie.
C’était tout ce que je demandais. Il fallait juste que j’aie un endroit où loger. J’ai squatté alternativement chez Aurore et chez Nathaniel. Ensuite, elle m’a dit de m’adresser à un foyer d’accueil psy.
J’ai eu un moment de flottement de trois semaines. Moment que Narcisse a mis à profit pour tenter de reprendre contact avec moi.
En m’accusant de ne pas lui faire confiance, en m’accusant de lui mentir quand je refusais de lui dire où j’étais.
Grâce à Aurore, j’ai coupé court à la conversation.

Début octobre, nous mettions Narcisse hors de l’appartement pour empaqueter tous mes cartons, tous mes meubles, tout déménager. Nous étions une fine équipe : tous mes amis étaient venus me donner un coup de main, et tout ça me faisait vraiment chaud au cœur. Il ne restait plus à Narcisse qu’un matelas, un sac de couchage, quelques affaires de bric et de broc et son ordinateur quand nous sommes partis. Parce que tout le reste était à moi.
Malgré tout, il a trouvé le moyen de faire traîner le moment de trouver un nouvel appartement pendant deux mois, où mes parents ont accepté de payer ma part du loyer alors que je n’y étais plus.

Après le déménagement, j’ai reçu un message affreux de Narcisse, qui m’accusait de tout son malheur d’être dans un appartement vide. Alors qu’on m’avait conseillé de laisser couler, j’ai senti la moutarde me monter au nez. Je lui ai fait un mail avec tout ce que j’en pensais. J’ai décidé de ne plus laisser couler, et de dire, tout simplement. Lui rappeler à quel point il avait agi comme un connard, et à quel point j’avais bien l’intention de ne plus me laisser me marcher sur les pieds.
Après cela, il a contacté plusieurs de mes amis pour leur demander « pourquoi j’étais si agressive envers lui ».
On se le demande.

Une semaine après, j’intégrais un foyer psychothérapique en internat. C’était… L’endroit idéal, je crois. Pour moi, à ce moment-là, en tout cas. J’ai habité là-bas deux mois. J’étais libre d’aller et venir, j’ai même pu un tout petit peu reprendre le travail (j’avais démissionné de 2 boulots sur les 3). On se retrouvait juste pour les repas de 11h30 à 14h et 18h30 à 21h30.
Ca me paraissait interminable, surtout parce que je n’aimais toujours pas manger. Alors que j’avais l’impression de ne faire que manger, tout le temps. Et il y avait le couvre-feu à 22h. J’ai perdu pas mal de vie sociale à ce moment-là, mais je crois qu’au fond ça m’a pas mal aidée à me recentrer.

J’ai raté tout mon premier semestre, du coup, mais j’ai pu le rattraper. Et ce qui est chouette, c’est qu’il y avait des psychologues tout le temps : je pouvais discuter quand je voulais avec eux, c’était formidable pour moi qui avais un tel besoin d’être écoutée.
Même la nuit, je pouvais les réveiller si ça allait mal. Et j’avais un rendez-vous psychiatrique et un rendez-vous psychothérapique par semaine. La psychologue que je voyais toutes les semaines était très bien, et je me suis prise d’affection pour une des psychologues stagiaires qui était là alors, qui a sans doute, indirectement, fait office de figure de mère le temps de mon séjour.
C’était vraiment de l’intensif, pour une période de crise… et quand bien même j’avais envie de frapper à chaque fois qu’on me disait qu’il « fallait que je me pose », ça m’a fait un bien fou.

J’y suis restée deux mois, le temps du séjour, et j’ai enchaîné avec des séances chez la psychiatre-psychothérapeute toutes les semaines, qui a accepté de me suivre en connaissant le problème.
Hélas, en sortant du foyer j’avais déjà recommencé à construire le petit masque du « je vais très bien ne vous en faites pas ». Il a fallu quelques (moindres) autres coups durs pour que je m’autorise beaucoup plus à craquer. Je rechute, parfois : je verrai comment les choses seront quand j’aurai une situation stable.

Une histoire qui finit bien… je crois ?

Le moins qu’on puisse dire, c’est que je m’en sors… bien. Très bien, même. Je crois que j’ai une chance exceptionnelle : celle d’avoir pu m’entourer au fil des ans de gens qui sont prêts à m’écouter, m’épauler. La deuxième, c’est peut-être celle d’avoir eu les bons déclics au bon moment — on ne chemine pas tous de la même manière et tout ça aurait pu finir beaucoup plus mal.
Enfin, certes, les déclics sont arrivés un peu tard… mais avant qu’il ne soit trop tard.

Je n’ai jamais regretté ma tentative de suicide. Mais, avancée notoire, je ne regrette plus de m’être réveillée. Bien sûr que tout aurait été beaucoup plus simple, mais quand je vois comme j’ai avancé, je crois que finalement, ça valait le coup de rester en vie encore un peu. Surtout que maintenant, j’ai une tonne de projets — résolument, je ne peux pas mourir tout de suite.

Comme je le disais sur Ask :

Je suis sortie grandie de tout ça. Pour autant, les traces restent, lourdes. J’en parle souvent.

Le stress post-traumatique

Je bataille toujours — je n’ai pas fini de batailler. Après le choc, j’ai oublié. Tout. Une suite de presque 5 mois dont j’ai effacé tout petit à petit. Mes amis m’ont rappelé des choses, j’ai retrouvé des photos, des écrits, alors je me souviens vaguement. Mais tout est flou. Cette amnésie a été un traumatisme : un temps, j’écrivais dans un journal TOUT ce que je faisais la veille pour le relire le lendemain matin. L’amnésie jour-par-jour a duré presqu’un mois. Maintenant, ça va mieux : j’ai juste oublié cette période. Si vous m’avez rencontrée entre septembre 2014 et janvier 2015, il y a de grandes chances que je ne me rappelle plus de vous. Encore maintenant, je fixe beaucoup moins bien les souvenirs qu’avant.
Les rêves perdurent, également. Je rêve naturellement de manière vivide, je ne sais pas pourquoi, il en a toujours été. Pendant des mois, j’ai revécu pendant les nuits des scènes d’avant, et encore maintenant, je me réveille avec des palpitations, une angoisse dont je mets quelques minutes (voire quelques heures dans les cas les pires) à me remettre.
Les rêves les plus durs demeurent ceux où en me réveillant, je me rappelle clairement avoir « réglé mes comptes » avec Narcisse. Dans le sang, dans la douleur. Alors je pleure et je me demande ce qu’il a fait de moi, où est mon innocence, et pourquoi je dois encore et encore et encore frapper jusque dans mes rêves…

On voit passer tellement de triggers warnings « génériques » maintenant. J’ai un trigger générique, celui de tout ce qui touche aux pervers narcissiques, comme je l’expliquais au tout début. Mes autres triggers sont autrement plus incongrus : une chanson d’Alestorm, des lieux à Lyon et ailleurs, un bruit de clés jetées sur une planche en bois, un son lancinant et trainant comme un violon qui me rappelle un ton de voix geignard que je ne pouvais plus supporter au mois d’août 2014, son nom écrit quelque part, les transports en commun…
Des manières de s’adresser à moi également : les « ma belle » par exemple, les « je suis là pour toi » ou pire, « fais-moi confiance ». Mais aussi plein d’autres termes imprévisibles, qui peuvent revenir dans la conversation de tous les jours et me faire me figer brutalement.

Ca n’est absolument pas rationnel : la sueur froide, le coeur qui bat, les hallucinations sonores et visuelles… La dissociation et la perte de repères également, l’impression de replonger, la panique d’y être encore, le besoin de mettre de la distance avec des choses qui m’étaient très proches avant, l’impossibilité de me rendre dans certains lieux…

Tout ça est encore d’actualité. Et je me bats contre, au quotidien. C’est le stress post-traumatique. Je vous en ai déjà parlé quelques fois.
Mais grâce à mon entourage, et grâce à d’autres choses. Je continue d’avancer.
On me dit que cela prend du temps. J’attends. Je n’ai pas d’autre choix que d’attendre.

Attends Lia. Y a un truc que je comprends pas. Pourquoi t’es restée, pourquoi tu t’es pas barrée quand t’as réalisé que t’en pouvais plus ?

Je vous l’ai dit : je ne suis pas toute blanche dans tout ça. Vu de l’extérieur, et maintenant que j’ai fini mon témoignage, je le reconnais : les signes étaient évidents, mon épuisement aussi.
Pourtant je suis restée jusqu’au bout.
C’est un peu de ma faute, aussi, toute cette histoire : je ne sais pas d’où je sors ça, mais je me suis toujours dit que si je faisais assez d’efforts, mon couple pourrait marcher et ce malgré les pires coups durs.
Et j’y croyais, dur comme fer. Je me disais que peut-être que je ne voyais pas les efforts qu’il faisait comme lui ne voyait pas les miens. Pour moi, c’était normal. C’était comme ça qu’un couple fonctionnait.
Je rationnalisais tout en me disant « Ça va aller. C’est une question de temps. »
Je voulais y croire très fort : il n’y avait pas d’autre issue pour moi. Et puis, je me disais toujours « Il y a quand même des fois où c’était bien ». Et je m’y suis raccrochée. Pas mieux qu’une femme battue.

Les fois où j’en parlais, on me disait « Je ne sais pas comment tu as la patience. » On me disait qu’on serait parti depuis longtemps. Je me disais que si le couple survivait à ça, il survivrait à tout.

Il y a aussi le souci de l’interlocuteur privilégié. Vous savez, comme quand vous partagez tout avec votre meilleur ami, mais si vous vous engueulez, vous vous retrouvez avec plein de bêtises à dire… Mais personne à qui les raconter.
J’avais besoin de cet interlocuteur. Du lui de « quand ça va bien ». Quand on est en couple, quand on a une relation fusionnelle, on finit toujours par créer une espèce de mythologie de couple. On a nos mots-clefs, nos private jokes, tout un univers qu’il est difficile d’abandonner. Pour moi qui ai autant de mal à partir, j’avais envie de conserver cet univers pour moi. Parce qu’il existait encore, une fois sur vingt certes, mais toujours. Je ne pouvais pas me résoudre à l’abandonner. C’aurait été perdre mon dernier refuge, même s’il était illusoire.

Alors à aucun moment je n’ai réussi à lâcher prise. J’avais l’impression de voir les mécanismes à l’œuvre mais aussi de les comprendre, de savoir comment faire pour que ça aille mieux. Ce que je refusais de voir, c’était que Narcisse ne changerait pas de fonctionnement pour moi. Ca l’aurait mis en danger, après tout.

Un point sur la personne de Narcisse

Honnêtement, ce gars, si vous discutez avec lui, vous pourriez devenir potes. Facilement. Et vous pourriez l’adorer, parce qu’il est hyper sympa.
Il a l’air serviable, honnête, et il n’a aucune conscience de ce qu’il fait. Mais c’est aussi un connard fini. Soit c’est un énorme connard volontaire, soit c’est un mec qui a un énorme problème dans sa tête.
Ca ne m’empêche pas de comprendre de mieux en mieux.

Narcisse, je vous l’ai dit : c’était un peu le prince charmant improbable, celui que je n’osais espérer. Le mec parfait sur tous points : grand-beau-fort-intelligent-sensible et tutti quanti. Du genre que vous auriez du mal à refuser dans votre vie. Il avait la même phobie de l’abandon que moi, et des travers que je comprenais et qui le mettaient en mesure de comprendre les miens. On en avait passé, des heures, à discuter de nos troubles, à nous centrer l’un sur l’autre pour oublier l’extérieur !
Maintenant, je repère mieux son fonctionnement. Sans lui chercher des excuses (je l’ai bien trop fait), je comprends encore mieux les troubles et les éléments qui auraient dû me mettre la puce à l’oreille chez lui.

En fait, Narcisse, c’est un prédateur. Et ses proies sont toutes des « gamines », comme il dit : des filles plus jeunes, ou alors un peu paumées. Plutôt bien fichues. Beaucoup qui ont aisément les yeux qui brillent de?vant lui. D’autres qui lui font briller les yeux et qu’il a envie d’impressionner, aux yeux desquelles il voudrait briller.

Je crois qu’il n’existe pas, Narcisse, en fait. Ou plutôt, il n’existe qu’à travers le regard des autres. Au fond, c’est une vie terriblement triste.
Erreur dans sa construction personnelle ? Toujours est-il qu’il n’a pas grand chose « à lui », pas grand chose qui le « fait ». Terriblement influençable, extrêmement fluctuant, il s’insérait dans des cercles « qui lui correspondaient » pour qu’enfin le regard des autres se pose sur lui.

Tout pour se sentir vivant et exister, envers et contre tout, jusqu’aux pires extrêmes qu’il pouvait atteindre sans même se poser de question — mais sans parvenir à les admettre, parce que ça nuisait à sa « ligne de conduite », l’idéal qu’il voulait renvoyer aux autres.

Narcisse, c’est erreur sur erreur. C’est l’histoire d’un mec qui veut tellement renvoyer une image idéale de lui et briller qu’il s’est persuadé qu’il est cette image et qu’il n’en démordra pas, jamais : ce serait reconnaître qu’il n’existe pas en tant que personne, qu’il n’est qu’une coquille vide. D’aucuns mordraient pour moins que ça.

Et tant pis s’il entraîne d’autres personnes dans sa chute.
Pas de chance, dans cette histoire, l’autre personne, c’était moi.
Alors maintenant, je ne le prendrai plus en pitié.

La colère qui demeure

Il y avait l’incompréhension, à l’hôpital, mais maintenant j’ai compris. J’ai beaucoup cherché à excuser — un trait caractéristique, il paraît : la victime chercherait toujours des excuses au manipulateur.
Mais j’en ai assez d’être « l’ex hystérique, agressive, qui l’a jeté à cause d’une rupture trop douloureuse ».

Alors certes, il n’y a pas une seule vérité. Tout ce que je dis là est évidemment lié à mon affect — et je me doute que, vu son fonctionnement, tout ce qu’il pourrait dire de son côté serait la stricte vérité pour lui. Je me targue toutefois d’être en mesure de donner des faits réels, et non des mensonges par omission ou même des mensonges éhontés.
Pour autant… A qui la faute ?

Rétrospectivement, je m’en veux d’être tombée dans un panneau aussi évident.
Dans l’épineuse question du fou qui tue la femme volage, les débats ont lieu encore et encore pour que finalement on conclue que ce n’est la faute de personne.

J’aimerais conclure que ce n’est la faute de personne. Mais même plus d’un an après, c’est encore trop frais. Alors les choses sont claires dans ma tête.
C’est un peu ma faute. Je n’ai pas été toute blanche dans cette histoire : pas facile à vivre, trop dépendante affective, et sans doute même que je l’ai encouragé dans tout ça.
Mais n’empêche. C’est beaucoup la sienne, de faute.

J’ai hâte de m’en moquer. En attendant, je ressasse, je panique et je souffre inutilement pour quelqu’un qui n’a rien compris parce qu’il ne veut pas comprendre, parce que la remise en question serait trop dangereuse pour son intégrité, pour la cohérence de l’ego qu’il s’est construit.

Alors pour le moment, je suis encore en colère. Et je canalise cette colère comme je peux — par des activités créatrices, par l’écriture. Il paraît que l’écriture est ma manière de canaliser. C’est mon ancienne psy qui me l’a dit.

Et si je lâche cette colère, je commence à culpabiliser. Parce que j’en fais trop, vous savez. Je me montre victime alors qu’il n’avait juste rien compris, qu’il n’y était pour rien…
On culpabilise toujours dans ce genre de cas.

J’ai beaucoup culpabilisé en écrivant cet article. Il m’a coûté de l’écrire. Je l’ai commencé le 1er novembre à minuit, et chaque mot a été arraché à mes doigts. Il m’a fait brasser dans des choses que j’aurais préféré oublier. Et les articles suivants sur ce thème risquent d’être dans sa continuité. Il me faudra du temps pour m’atteler à la tâche, d’ailleurs.
Pour autant, je suis contente d’avoir écrit. Parce qu’il était important qu’enfin, j’en parle de manière officielle. Pas pour me plaindre, mais pour présenter les choses, une bonne fois pour toutes.
Et ne plus avoir à le refaire.

Je sais que Narcisse est là, dans la nature, qu’il est dans des cercles qui sont communs aux miens. Qu’il s’implique dans des milieux féministes – la bonne blague – et littéraires. Des communautés de jeunes écrivains. Des endroits où j’ai peur d’aller car je ne veux plus jamais le recroiser.
Je ne sais pas ce que je ferais si je le recroisais. Je me dis qu’il faudrait que je fasse ce qui serait le pire, pour lui. Faire comme s’il n’existait pas. L’ignorer, le snobber. Le mettre face à sa transparence, à son caractère insipide.
Car tant qu’il n’aura pas compris, c’est ce qu’il restera. Une personne transparente.
Hélas, une personne également profondément toxique et nocive pour tous ceux qui l’approcheront de trop près. Tous ceux sur l’attention de qui il pourra compter. Alors j’écris, en conservant l’anonymat. Je ne veux pas afficher. Je veux juste avertir. Et j’espère que mon entourage saura distinguer le vrai du faux.
Soyez sur vos gardes. « Mon » Narcisse traîne toujours. Mais je n’ose pas imaginer combien d’autres rôdent également.
Alors tentez de faire un pas sur le côté, de regarder les choses différemment. Parfois, un Narcisse peut même se cacher dans votre cœur, dans votre fonctionnement. Je pense qu’en d’autres circonstances, avec mes ratées de construction personnelle, j’aurais pu devenir une Narcisse moi-même.

Alors si vous vous apercevez que vous vivez pour les autres… Si vous vous rendez compte qu’il vous faut à tout prix un regard pour exister…
Et surtout, si vous vous apercevez que trop souvent, vous avez abandonné quelque chose qui vous tenait à cœur pour quelqu’un qui ne le méritait pas…

Dites non.
Le premier non est le plus difficile.
Dites juste : non. Et partez.

La vie vaut la peine d’être vécue, hors des griffes de ceux qui voudraient nous la voler parce qu’ils n’en ont pas pour eux.

Published byLia

Hobbite berserk à la plume acérée, aubergiste itinérante, éleveuse de peluches, geekàlunettes, mélomane, linguisticomane et psychocentrée : tant de centres d'intérêts, si peu de temps.

23 Comments

  • Silenia

    8 novembre 2015 at 13 h 39 min Répondre

    Merci.

    Je voulais faire un message très long pour dire tout ce que j’ai sur le coeur concernant ce texte mais en fait non. Merci suffit. Parce qu’il contiendra tout ce que je voulais dire.

    • Lia

      9 novembre 2015 at 2 h 18 min Répondre

      Merci à toi. Pour avoir lu et t’être manifestée. Merci beaucoup, beaucoup. Ca compte.

  • Imladrik

    8 novembre 2015 at 20 h 14 min Répondre

    (J’ai rien d’intéressant à dire.)
    (Juste des bonnes ondes et tout ce que tu voudras d’autre à envoyer.)

    • Lia

      9 novembre 2015 at 2 h 17 min Répondre

      C’est déjà très chouette d’avoir lu. Et les bonnes ondes sont bien reçues. Elles ont été reçues tout du long.
      En vrai, j’en reviens pas comme t’as été présent à travers tout ça. Merci, merci, merci. T’es pas mentionné dans tout ça mais tu mérites au moins une médaille en chocolat et un verre d’hypocras maison.

      • Imladrik

        9 novembre 2015 at 10 h 06 min Répondre

        Je sais même pas d’où est venue l’image haha.
        Je ferai de l’hypocras avant de venir à Paris tiens. Le vin chaud risque d’être un peu froid ^^

  • m'man

    8 novembre 2015 at 20 h 43 min Répondre

    J’ai beaucoup hésité avant d’écrire… un après midi pour digérer !
    mais je crois que j’ai besoin de dire, en tant que maman, parce que je suis la seule dans cette position là, et c’est toute l’ambiguïté du rôle.
    on peut voir des choses, et dans ton cas, j’en ai vu, mais a-t-on le droit de faire des commentaires, ou même donner un avis ? De toute manière, quelle que soit la manière de le présenter, il sera mal pris. On peut faire part de son expérience… mais l’expérience ne s’acquiert pas à travers le vécu des autres, il faut vivre pour savoir.
    Alors perso, je choisis d’être là, mêmes coordonnées, même ligne de conduite dans laquelle je crois, un peu comme un pilier (de corps et d’esprit) pour que le lieu de rendez-vous ne soit pas trop dur à trouver.

    • Lia

      9 novembre 2015 at 2 h 13 min Répondre

      Je crois dans ce genre de cas que de toute façon, quoi qu’on dise, les commentaires ne seront pas reçus. Le déclic doit toujours venir de la personne, et de la personne seule : on ne force pas les gens à changer contre leur gré. On ne peut qu’être là, les écouter, et les soutenir au besoin jusqu’à ce qu’ils réagissent. Et je comprends que c’est ce qu’il y a de plus difficile pour l’entourage.
      Je pense que je ne réaliserai jamais à quel point ça a pu être difficile pour vous, en fait. Mais je trouve que vous avez super bien géré la cellule de crise. Je l’ai déjà dit et je le répète : cette année, tu as réussi à être une super m’man.
      « …même si… » ;)

  • Geitz

    9 novembre 2015 at 9 h 45 min Répondre

    Hmmm well.
    On en a beaucoup discuté de cette affaire, mais là, lire tout d’un bloc… Je peux pas te dire ce que je ressent vraiment. Y’a un mélange de tristesse, de peine, de colère. Je m’en veux de pas avoir pu être là, vraiment.
    Et puis, bah j’ai aussi mal, parceque tu me renvoies a mon histoire dans certaines proportions. Et malgré tout je suis content qu’on se soit soutenus a ce moment là.

    Je crois que c’est bien que tu ai pu écrire cet article, je crois que tu peux en être fière même si ça n’a pas du être facile, ça fait longtemps qu’un texte m’avait pas autant atteint…

    Prends soin de toi !

    • Lia

      9 novembre 2015 at 15 h 47 min Répondre

      Merci d’avoir lu et pris le temps de commenter.
      Et désolée que ça t’ait fait ressasser…

      De ton côté, tu n’as pas à t’en vouloir. Vraiment. Faut pas. T’étais là, tu sais. Peut être pas au moment de la crise, mais juste après, t’as été un des premiers à se manifester et mine de rien, tu fais clairement partie des gens qui m’ont BEAUCOUP aidée à remonter la pente. Même sans être là physiquement, j’ai souvenir de quelques conversations un peu hard et d’échange de pavés bien sentis qui m’ont fait un bien fou.
      Merci beaucoup pour ça.

      J’ai pu te voir un peu avancer aussi et j’espère vraiment que ça va continuer dans cette direction. Plein de courage à toi et prends soin de toi ! :D

  • Nya

    9 novembre 2015 at 16 h 04 min Répondre

    Pour ma part je voulais simplement t’envoyer une brassée de câlins. C’est un beau texte, d’autant plus dur à lire que j’ai rencontré les personnages principaux (à défaut de les connaître… puisque je n’ai rien vu de tout cela). Je me permets de le partager à d’autres personnes sous l’emprise d’un Narcisse, qui luttent elles aussi pour remonter.
    Prends soin de toi Lia, j’espère que la pente n’est plus aussi savonneuse désormais et je te souhaite de belles aventures.

    • Lia

      12 novembre 2015 at 16 h 46 min Répondre

      Merci beaucoup pour ta lecture et ton commentaire.
      Tu connais les personnages principaux, tu sais. Le fait de ne rien avoir vu ne veut pas dire que tu ne nous connaissais pas ; ce n’était pas si évident que ça en avait l’air…
      Je suis sincèrement désolée pour les personnes de ton entourage qui luttent contre leur propre Narcisse. Notre société semble très propice au développement de véritables champs de Narcisses… J’espère que ces personnes sauront avoir le déclic et s’en sortir.
      Merci beaucoup pour tes encouragements. Désormais, je veux croire fermement que le meilleur reste à venir. Et puis qui sait, un jour, peut-être, j’arriverai même à venir vous trouver :)

  • Finrielle

    10 novembre 2015 at 15 h 41 min Répondre

    Coucou !
    J’ai lu ton article dimanche, au fond de mon lit et depuis, j’ai eu tout le loisir d’y réfléchir. Et je maintiens ce que je t’ai dit sur Twitter : ce n’est pas de ta faute. Ce que je lis, et ce que je crois, c’est que tu as essayé de l’aider, du mieux que tu pouvais, d’abord par toi-même puis en lui conseillant d’aller voir une personne extérieure. Il a refusé, et dès lors, la faute lui revient entièrement.
    Je partage ton avis sur le fait qu’un/e PN peut guérir et s’en sortir, Mais pour ça, il faut accepter de reconnaître qu’on va mal, et dans le cas des PN, reconnaître également les souffrances infligées aux autres, ce qui est je pense encore plus dur. Bref, ce n’est pas évident à faire sachant qu’il faut vivre avec ce poids après et pour ça, je suis très admiratives de celleux qui parviennent à briser ce cercle.
    Concernant Narcisse, tu as fait ce que tu as pu, jusqu’à l’éclatement et je le dis, le répète et le rabâche, mais ce n’est pas de ta faute, même partiellement. Il ne veut pas se soigner, et tu n’y peux rien. Je sais que ça paraît très tranché comme opinion mais en te lisant, je n’ai pas eu d’autre conclusion. On ne peut pas aider quelqu’un qui est dans le déni.
    Sur ce, plein de câlins invisibles, et j’espère que tu vas faire péter les scores au NaNo.

    • Lia

      12 novembre 2015 at 21 h 48 min Répondre

      Merci Finrielle. On en a déjà parlé un peu et effectivement, sur certains points je n’y peux rien, mais je maintiens que je ne suis pas toute blanche sur d’autres. Je pense sincèrement qu’en tant que dépendante affective j’ai moi aussi mes torts dans l’histoire, j’ai peut-être parfois usé des mêmes armes que lui, mais je ne saurais dire. Pour autant, effectivement, je ne me complais pas là dedans et je cherche à tout prix à en sortir.
      (Et visiblement ça fonctionne un peu, alors ça c’est vraiment chouette.)
      Mais oui… On ne soigne pas les gens contre eux mêmes, et on ne reste pas avec les gens dans l’optique de les soigner. Je crois que ça y est, la leçon est retenue.
      Merci beaucoup pour ton passage et pour ton message. Ca compte beaucoup. Merci merci. Des câlins à toi aussi, plein, et bonne remontée de NaNo. Je suis contente de voir ton compteur grossir de plus en plus (et ravie de retrouver Pixel Mauve en ligne <3)

  • Esther

    15 novembre 2015 at 19 h 52 min Répondre

    Oh la claque ! Tu m’as attrapé et tu m’as scotché.
    Quelle puissance dans tes mots. Ces derniers ont été écrits avec tes larmes et ton sang. Il n’y a aucun doute là-dessus.
    D’abord j’ai eu la chaire de poule, puis le coeur battant et enfin les yeux brillants, avant de transpirer à grosse gouttes sur la fin. Je n’ai pu m’empêcher de penser à moi et à une de mes meilleures amies.
    Lors de la lecture je n’ai pas eu mal en me remémorant ce que j’avais vécu. J’ai eu mal en m’imaginant ce que tu as pu ressentir, peut-être parce que justement tu as enduré ce que je considère comme mes plus grandes peurs.
    Je nage entre compassion et admiration face à tes cicatrices.
    Amour, respect et courage.
    (Et pardon pour ce commentaire bancal écrit sous émotions)

    • Lia

      18 décembre 2015 at 23 h 44 min Répondre

      Merci à toi pour ce commentaire, et désolée pour le temps que j’ai mis à y répondre… J’avoue qu’avec tous mes bouleversements de vie récents, j’étais un peu passée à côté.
      J’avoue ne savoir que répondre… C’était un témoignage qui ne se voulait pas forcément « à rebondissements », plutôt le simple reflet de ce que j’ai vécu (et ça m’a fait du bien de l’écrire). Je n’ai pas tellement soigné la forme, ça reste très… « dérangé ».

      Mais quelque part, si ce texte t’a permis de mettre le doigt sur des peurs, et sur des erreurs que tu peux, toi, éviter, alors je serai très heureuse.

      Merci beaucoup pour ton commentaire, en tout cas. Et désolée pour le retard… et pour les émotions suscitées, aussi…

  • Flotsam

    26 janvier 2016 at 15 h 41 min Répondre

    Je commente rarement sur Internet, mais j’avais envie d’intervenir. Tout d’abord tu as toute ma compassion et mon soutien, et je te souhaite de remonter la pente le mieux possible. Mais je crois qu’il est important de te le répéter, même si je ne suis qu’une inconnue et que ça n’a pas beaucoup de poids : ce n’était pas de ta faute. C’est important non seulement pour toi, mais aussi pour toutes les personnes prises dans une spirale de manipulation et/ou de violences physiques et psychologiques. Je ne cherche pas à te faire la leçon et je m’excuse d’avance si tu le ressens comme ça, mais dire que tu étais en partie responsable, c’est laisser ouverte la possibilité pour d’autres victimes de se dire « après tout c’est de ma faute » « moi aussi je suis responsable de ce qu’il m’arrive » « je l’ai un peu cherché ».

    Je te souhaite tout ce qu’il y a de meilleur, et je te réitère mes excuses si ce commentaire a pu te heurter.

    • Lia

      3 février 2016 at 18 h 31 min Répondre

      Merci beaucoup pour ton retour. Tu ne m’as pas du tout heurtée, au contraire : ce que tu écris est extrêmement pertinent.

      Tu n’es pas la première à me dire que ce n’est pas de ma faute. Je finis par le croire.
      Je vais finir par faire une update rapide de cet article pour le préciser. Tu as raison, c’est extrêmement important de le rappeler pour tous les autres aussi…

      Je n’arrive pas encore à mettre les mots sur le fait que « puisqu’on est victime » (de la dépression, de la dépendance affective…), on devient aussi plus facilement facile de pervers narcissiques. Plus on est dans le noir, plus on sombre. Je ne sais pas comment tourner ça, mais je préférerais que ce soit de la mise en garde, plutôt que de la culpabilisation. Ce n’est vraiment pas mon but.

      Bref. Merci à nouveau. Ce que tu dis est très juste, et il faut que je le corrige au plus vite.

  • Adéline

    26 janvier 2016 at 21 h 58 min Répondre

    C’est avec les larmes aux yeux que je termine de lire ton témoignage. J’ai revécu les 10 dernières années de ma vies, durant lesquelles j’ai eu la « chance » d’enchainer 3 PN.. Toujours le même schéma, au début on a l’impression qu’enfin le bonheur est à notre porte, pour au final se retrouver au fond du trou, à tout donner pour l’autre. La dernière fut la plus dure, car la plus belle au commencement.
    Quand il est tombé en dépression, et que les crises d’angoisses sont arrivées, j’étais là, toujours, jusqu’à m’oublier.
    Je me reconnais tellement dans ton écrit, je réalise d’autant plus la chance que j’ai eu de rencontrer mon ami actuel. Il m’a empêchée d’aller au bout des choses, et de me tuer pour faire cesser tout ça. Il m’a prise par la main pour me sortir de cet enfer, et m’a laissée me reconstruire durant une longue année. Sans lui et sans l’aide d’un psy, je serais encore à vouloir retrouver cet homme si gentil avec tout le monde, sauf avec moi. Parce-que notre première année était si belle, c’est forcément possible de reconstruire quelque chose, non ?…
    Aujourd’hui, 2 ans plus tard, j’arrive à ne plus le détester autant qu’avant. J’arrive à m’épanouir avec ENFIN un homme qui m’aime véritablement, qui ne dépend pas de moi, qui ne cherche pas à s’immiscer dans toutes mes relations amicales.
    J’arrive à ne plus avoir de crises de colère incontrôlables suivies de crises de larmes si douloureuses car inexpliquées. J’arrive enfin à savourer le fait d’être en vie..

    Je t’envoie toutes les bonnes ondes dont je dispose, tout le courage nécessaire pour avancer dans ce combat quotidien et détruire les dernières chaines qui peuvent encore t’emprisonner. Et plein d’amour, sans poison à l’intérieur.

    • Lia

      3 février 2016 at 18 h 37 min Répondre

      Oh la la la vague d’émotions… Ton commentaire m’a pas mal secouée.
      Je suis contente que tu en sois sortie. Ca me touche beaucoup quand les gens m’écrivent pour me raconter à leur tour… » et que ça finit bien.

      Je constate qu’on est plusieurs à avoir « enchaîné » les PN (trois pour moi aussi)… Mais c’est vraiment heureux de lire qu’on en sort, finalement. Je crois effectivement que l’entourage est un pilier, un soutien indispensable pour ce moment. C’est beau que tu aies pu trouver quelqu’un avec qui t’épanouir.

      Merci à toi pour ces mots, pour tes voeux. Je ne te souhaite absolument rien de moins. Continue à t’épanouir, à être heureuse, à profiter de la vie. L’amour sans poison, c’est beau. Merci beaucoup, beaucoup.

  • Fr2ed

    1 mai 2016 at 17 h 36 min Répondre

    Je n’ai lu que la moitié pour le moment, mais j’avais besoin de dire ceci : oui, je comprends.
    L’amour est un sentiment incroyable.
    Tellement beau. Tellement puissant. Et tellement destructeur parfois.
    Capable d’apporter le pire comme le meilleur. Je ne cesse d’être étonné, jour après jour, de l’influence qu’il peut avoir sur nos comportements.
    Je te souhaite de pouvoir extraire tout le positif de cette douloureuse expérience et de pouvoir, à nouveau, aimer et être aimée, en toute sincérité.

    • Lia

      3 mai 2016 at 21 h 10 min Répondre

      Il y a amour et amour. Je n’ai jamais arrêté d’aimer, ni avant ni après cette expérience. Je donne et je crois.

      A ce moment là, il y avait amour et dépendance affective. Je me suis détachée de ça. Ce qui m’a détruite, sur la fin, c’était le mélange des deux. La dépendance affective m’a forcée à rester. L’amour me forçait à croire qu’il « comprendrait ». Mais il ne le voulait/pouvait pas.

      Cette expérience m’a appris qu’il est impossible d’aimer « en donnant tout et se donnant soi-même » quelqu’un d’autre. Je ne crois plus en l’amour fusionnel. Ce n’est pas comme cela que ça fonctionne. J’en ai parlé un peu dans mon dernier article, aussi. Je morcelle plus, maintenant. Je me donne toujours autant, mais différemment. Je n’ai jamais cessé de pouvoir aimer ni d’être aimée, juste différemment, et non moins sincérement. Au contraire. Il y a tellement plus de sincérité je crois.

      Je suis très heureuse de sortir de tout cela grandie, et d’avoir réussi à rejeter ce cliché de l’amour qui fait tant de mal.

      • Fr2ed

        4 mai 2016 at 14 h 33 min Répondre

        « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ».

        L’expression tellement cliché qu’elle en devient parfois ridicule.
        Mais qui se vérifie pourtant si souvent. ^^

        Je suis heureux de savoir que tu as pu tirer tout le bénéfice de cette épreuve.

        Je prends toujours autant de plaisir à te lire.

        Merci. Tu es précieuse. ^_^

  • Lorelei

    9 novembre 2016 at 0 h 30 min Répondre

    J’ai tout lu ce soir suite à ton message « un an après » – beaucoup de choses me parlent beaucoup, mais je ne pense pas qu’en parler soit positif pour l’une ou l’autre. Je te souhaite donc simplement que tu puisses redire dans un an que ça va mieux que cette année, et merci pour ton témoignage, ça m’aide et je suis sûre que ça aide d’autres personnes =)

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