Il n’y a pas si longtemps, j’ai pris la résolution de recommencer à écrire un article par semaine. Arbitrairement, j’ai décidé de poster le dimanche soir ; ça me semblait être un bon moyen de commencer la semaine. Il s’est avéré que ce n’était pas une si mauvaise idée : j’avais sous-estimé la quantité d’insomniaques de la nuit du dimanche au lundi, et il s’avère en fait que j’ai un pic de lecteurs à ce moment-là. Plutôt intéressant, comme constat, même si je n’étais pas tout à fait dans cette optique initialement.
Il y a des fois où mon article est tout prêt dans ma tête, voire même dans un traitement de texte, dès 15h le dimanche. Aujourd’hui, clairement, ce n’est pas le cas (contrairement à l’article de la semaine prochaine, et peut-être même celui de la semaine d’après ; oui, j’ai presqu’un planning organisé… presque.)
Mais voilà, aujourd’hui c’est un jour pas très clair sur mon planning. Pas facile de pondre un article pour un 25 décembre quand on n’a pas spécialement envie de parler de Noël. Je me suis creusé la tête toute la journée, j’ai demandé autour de moi… J’ai peiné à trouver.
Et puis, finalement, ça vient toujours ! Commencer à écrire cet article à 23h n’est sans doute pas forcément très malin, mais au moins, je sais de quoi je vais vous parler maintenant.
Au début, j’ai hésité à vous parler de mes cadeaux de Noël. Ma marraine m’a offert un très joli collier/bracelet avec le caractère ? (xìn), la confiance, en chinois.
(Bon OK, ça commence à être un sacré mélange culturel sur mon bras, mais j’aime beaucoup ce nouveau bracelet. En plus ses couleurs sont assorties à mon Dalahäst !)
C’est un très joli caractère, qui lie l’humain à la parole. Du coup, je me suis demandé si je n’allais pas vous faire un maxi pavé sur la confiance, parce qu’avec ma confiance en la vie et mon incapacité paradoxale à faire confiance alors que je me livre ouvertement au premier venu, c’est un sujet sur lequel j’aurais des choses à dire.
Une des choses que j’ai apprises en essayant d’écrire des articles, c’est que ce n’est pas parce que j’ai des choses à dire qu’elles font des bons articles de blog. Ou plutôt, que je dois d’abord régler deux trois points avec moi-même avant de penser que ça intéressera les autres. J’aimerais ne pas encourager les gens à approuver mes dysfonctionnements, je préfère être au clair avec ce que je dis.
Bref : je vous parlerai de confiance, un jour, c’est à peu près sûr. Mais là, ce n’est pas le moment. Je crois que mes articles, j’ai besoin de les « sentir » avant de les écrire, même si la plupart du temps ils finissent tous par dégénérer et échapper à tout contrôle.
J’ai noté l’idée de la confiance dans un coin de ma tête (et de mon blog), puis me suis dit que quitte à prendre, autant essayer de vous demander votre avis. Mine de rien, à plus d’une reprise, j’ai fait appel au crowdsourcing. Et autant parfois ça me renvoie à moi-même et à mon insécurité à coups de « mais personne ne comprend/tout le monde s’en fout en fait ? » (ben oui, tout n’est pas toujours tout rose quand on s’adresse à la foule), autant d’autres fois j’ai des super surprises.
Assez rapidement, Facebook comme Twitter se sont transformés en mine d’or à bêtises, et quelques pépites d’inspiration au milieu.
Comme d’habitude la palme du Mékesketuracontes est décernée à Soniop, qui détenait déjà le prix de Médoùtusorcékestions sur mon Curieuchat…
(J’observe au passage que seuls les Français répondent à mes statuts bilingues et je ne sais quelle conclusion tirer. Je n’arrive pas à comprendre qui de mes amis peut voir mes publications sur Facebook, c’est assez frustrant.)
Quelques pépites donc, mais rien d’exploitable en deux ou trois heures. A nouveau, je les note dans un coin de mon blog. J’aime bien avoir des dizaines de brouillons d’articles, je commençais justement à être un peu à court d’idées, ça m’évitera peut-être de me retrouver en crise de « qu’est-ce que j’écris » pour les quelques semaines à venir.
Evidemment, on observe aussi et surtout pas mal d’idées liées à Noël, et ça me contrarie. Je ne saurais pas dire exactement pourquoi. Je n’ai pas hyper envie de parler de Noël le jour de Noël : ce serait trop évident.
Et soudain, le génie : l’ami Khaos débarque. Rappelons que c’est déjà lui qui m’a débloquée pour mes DailyShorts il y a une dizaine de jours, et que ces derniers temps, il semble plutôt vecteur d’inspiration. Merci beaucoup.
C’est tout bête, c’est évident même. Voilà, j’avoue tout, je pars de ce point : je ne sais pas quoi raconter. Le problème, quand on décide de se fixer un objectif de publication régulière, c’est qu’il faut trouver sur quoi écrire, et des fois, on bloque. Fiction ou blog, d’ailleurs : je me suis trouvée dans cette situation plus d’une fois avec mes DailyShorts. Une micro-nouvelle par jour, en fait, c’est un sacré rythme.
Je vous ai déjà parlé de la théorie des points à relier d’Amanda Palmer. Elle n’est assurément pas la première à faire la réflexion, mais j’aime comme elle le met en mots, cette idée qu’une oeuvre d’art naît surtout d’un ensemble de points repérés par l’artiste, qu’il relie d’une certaine manière pour créer une sorte de sens.
J’utilise souvent cette méthode. Mais ici, pour cet article comme pour plusieurs de mes DailyShorts, c’est d’un autre mode de création que j’aimerais parler : celui qu’on obtient en déroulant la bobine.
Il y a quelques temps, au milieu d’un temps de crise où je suranalysais tout pour garder un semblant de contrôle, ma psy d’alors m’a dit « arrêtez vos analyses ! Vous vous faites du mal. Lâchez ! Faites des associations d’idées. »
Il s’est avéré après coup que bon nombre de ses remarques étaient surtout des injonctions paradoxales qui ne pouvaient pas bien marcher sur moi, mais que les associations d’idées, ce n’était pas une si mauvaise astuce. J’ai appris à m’allonger et essayer de faire le vide pour partir d’un point et aller à un autre sans forcément chercher des liens profonds entre les choses. C’était ma méditation à moi, c’était apaisant, dès que je sentais que je partais sur un sujet qui me mettait en danger, je recentrais, reprenais tout depuis le début et partais sur un autre fil de pensées.
C’est comme ça que j’ai appris à dérouler la bobine.
A partir de là, j’ai essayé d’écrire de la fiction au fil de la plume, et pour la première fois, j’ai réussi. J’écrivais, mot après mot, des choses qui n’avaient absolument aucun sens, en ajoutant des détails ici et là. Mettre des mots clefs permettait de donner des informations que je n’avais pas moi-même, et il me fallait trouver des raisons de les intégrer au récit.
C’était la base de l’écriture « mot à mot », et j’ai découvert après qu’en fait, la plupart des gens que je connaissais écrivaient comme ça. Mais pour moi qui avais toujours été dans le contrôle, c’était tout nouveau : je pouvais faire une histoire à partir d’un mot. Il suffisait d’une étincelle et hop, le feu prenait. Il fallait juste trouver l’étincelle, ou plutôt le bout de la bobine, pour pouvoir la dérouler allègrement.
Ca a changé ma vie et ma vision de la création. Je n’allais plus vers un but (la raison de l’histoire, la chute de la nouvelle…), je suivais juste un cheminement narratif et je découvrais la chute en même temps que le lecteur ou presque. Quand la phrase de fin s’imposait à moi, c’était l’illumination, un sentiment de satisfaction énorme, très différent de celui que j’avais lorsque je faisais mes « textes à trous », où je complétais les morceaux pour arriver à la phrase finale -la première que j’avais écrite.
Dit comme ça ça paraît tellement bête et évident, mais il m’a fallu plus de dix ans pour comprendre comment mon écriture marchait.
Maintenant, j’essaie de prendre le réflexe de noter les étincelles potentielles, les bouts de phrase qui viennent, pour avoir une espèce de collection de pelotes à dérouler quand j’en ai besoin. Les brouillons de ce blog en sont un exemple ; il y a aussi les notes dans mon téléphone. J’aimerais revenir à la bonne vieille méthode du carnet, aussi, mais trop souvent j’éparpille les étincelles sur plein de carnets différents. Il y en a beaucoup qui se perdent en route, beaucoup de pelotes emmêlées qui ne seront jamais déroulées. Pour d’autres, j’en reviens à la méthode des « points à relier » : une étincelle plus une autre étincelle…
Mais parfois, je prends juste mes deux, trois mots jetés au hasard, et je me force à essayer de trouver le fil et tirer. Je me suis récemment fâchée contre un ami artiste qui a, enfer et damnation, invoqué le « writer’s block », la bonne vieille crampe de l’écrivain. Pour moi, cette crampe n’est une excuse que quand on cherche à écrire quelque chose de bien précis. Quand on cherche simplement à écrire, sans avoir un but, il suffit de mettre un mot après l’autre. Comme quand on marche.
J’aime bien retourner à mes sources et citer Lewis Carroll dans ce genre de cas :
« [Alice] went on, ‘Would you tell me, please, which way I ought to go from here?’
‘That depends a good deal on where you want to get to,’ said the Cat.
‘I don’t much care where——’ said Alice.
‘Then it doesn’t matter which way you go,’ said the Cat.
‘——so long as I get somewhere,’ Alice added as an explanation.
‘Oh, you’re sure to do that,’ said the Cat, ‘if you only walk long enough.’ «
« Alice continua : « Dites-moi, je vous prie, de quel côté faut-il me diriger ? »
« Cela dépend beaucoup de l’endroit où vous voulez aller, » dit le Chat.
« Cela m’est assez indifférent, » dit Alice.
« Alors peu importe de quel côté vous irez, » dit le Chat.
« Pourvu que j’arrive quelque part, » ajouta Alice en explication.
« Cela ne peut manquer, pourvu que vous marchiez assez longtemps. » »
(Traduction de Henri Bué)
L’écriture et la marche, même combat. Quand on sait où on va, c’est mieux d’avoir un plan. Mais quand on ne sait pas où on veut aller, ce n’est pas d’une carte dont on a besoin, mais plutôt d’avancer : on finira bien par tomber quelque part ! Le plus dur, en fait, c’est de trouver l’étincelle, la pelote à dérouler. Ca passe par un mot-clef, une photo, une idée, un tweet stupide… Vos suggestions, aussi, alors vous pouvez tout à fait en faire après tout. Ce sont toutes ces choses que je note, et que je vous invite à noter, si vous êtes créatifs. Finalement, les étincelles, elles sont partout, et c’est à nous de les transformer en histoires.
Du coup, voilà. Maintenant, quand je ne sais pas trop, je mets un pied devant, je vais chercher celui derrière pour l’avancer à son tour, j’aligne les mots. Et ça marche. La preuve étant, je viens de vous pondre un article complet sur « je ne sais pas quoi vous dire », avec citations à l’appui.
Et sur ce, je vais vous dire à la semaine prochaine pour un article plus préparé, et vous laisser avec le maître incontestable en la matière de « Parler pour ne rien dire ».
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