#LiaEnScandinavie, chapitre 14 : 22/08/2015 – Stockholm, ses musées, ses aiguilles…

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8h45, le réveil sonne.  Pas facile d’émerger, mais il n’y a pas le choix : à cause de notre arrivée tardive, nous devons faire le check-in avant 9h. Un peu vaseuse, je me prépare donc et descends à l’accueil. Heureusement, l’hôtel est spécialisé dans les douches froides spéciales réveil : le réceptionniste, avec un accent au couper au couteau et la tête de quelqu’un qui a enterré sa mère la veille (à peu près)(et il devait pleuvoir et ils avaient préparé des choux de Bruxelles comme repas d’accompagnement je pense, enfin je ne vois que ça) m’explique que nous avons utilisé les draps et qu’il faut les louer et que c’est un supplément.

Allons bon. J’avais lu des choses sur ce supplément en effet, mais pour moi c’était compris dans le prix de la réservation ; en tout cas, c’était ce que Lastminute laissait entendre dans son mail de confirmation. J’essaie d’argumenter ; le réceptionniste est non seulement intransigeant, mais en plus pas sympa. J’ai l’impression qu’il va me mordre, alors je lui lâche le supplément. C’est 80 couronnes par nuit par personne.

Me voilà donc délestée de pratiquement quarante euros, autant dire que je fais franchement la grimace : à ce prix là, les draps/serviettes, on aurait limite pu en acheter des neufs. La journée commence bien…

Mais ne nous laissons pas abattre. Le petit déjeuner m’attend, et il est plein de bon : du miel, des pommes, du thé aux épices, et des restes de pain à pizza que le pizzaïolo d’hier nous a fourré dans les bras en même temps que nos pizzas parce qu’il fermait. De quoi bien contrebalancer ce début de journée discutable : je retrouve ma bonne humeur.

IMG_20150822_100344Mine de rien, la table pleine le matin, ça fait plaisir. Je retrouve la joie du déjeuner.

Une fois le petit déjeuner englouti, nous passons en revue ce que nous avons à faire : repérage de la gare, puis tatoueur à midi. Ensuite, nous allons retrouver Sarah Burchill l’après-midi, faire un tour, et pour le soir nous verrons bien. C’est dans longtemps.

Nous nous mettons donc en route pour le centre. C’est assez amusant de retrouver les mêmes lieux que nous avons traversés au pas de course, il y a dix jours. Cette fois-ci, on se repère beaucoup mieux (la carte de Stockholm récupérée à l’hôtel aide bien, je crois), et on peut mieux profiter de ce qui nous entoure. C’est agréable de ne pas avoir un temps compté…

IMG_20150822_105307Heureusement que nous avons bien déjeuné, sinon j’aurais dévalisé ce magasin.

IMG_20150822_105442 Le toit intégralement métallique de la Riddharolm Church (l’église où sont enterrés les rois de Suède) impressionne.

IMG_20150822_105802 La statue en haut du bâtiment est franchement étrange. Son aspect dégoulinant nous laisse ultra-perplexes.

IMG_20150822_110351 Au loin, le city hall, où nous étions il y a tout juste dix jours…

Il fait beau, la balade est plaisante, et nous trouvons la gare sans encombres. Le repérage se fait plutôt rapide ; nous faisons ensuite demi-tour et retraversons Gamla Stan (non sans nous extasier sur de nouvelles vitrines remplies d’âneries). Nous flânons sur la route, apprécions la météo, puis arrivons sur l’île de Södermalm où… nous reprenons le raccourci de la veille, celui qui rallonge d’un quart d’heure le temps de marche. Dommage. Rien de grave pour autant : nous arrivons devant la porte du tatoueur à 12h10, et cette fois-ci, c’est ouvert. Le succès !

IMG_20150822_124140Le Poui se réjouit de cette victoire. Infamous Studio, nous y sommes.

Nous sommes accueillis par un Américain et une jeune Suédoise. Je prends la parole la première pour expliquer ce que je veux : une phrase courte écrite autour de la cheville. La tatoueuse derrière le comptoir me regarde puis déclare sans plus de cérémonie : « On ne fera pas ça. Ca serait moche ».
A ce moment précis, je sais que je ne regretterai pas d’avoir choisi cet endroit. J’aime qu’on discute mon tatouage, qu’on me donne des conseils, qu’on ne me laisse pas faire n’importe quoi non plus, parce que c’est quelque chose que je vais garder toute ma vie sur le corps. La philosophie du salon est « On ne vous fera pas quelque chose qu’on ne porterait pas » : ils prennent en compte les déformations du corps, le vieillissement du tatouage, la pertinence des projets qu’on leur présente. Et ce, même alors qu’ils font des tatouages « à la volée », ces tatouages pour lesquels il n’y a pas besoin de rendez-vous. J’aime bien cet esprit.

Malgré tout, j’essaie d’argumenter un peu, montrer où je le veux, négocier, voir si… Elle me montre sa cheville pour m’indiquer ce qui serait laid, je vais lui pointer l’endroit où je veux. « Don’t touch me! » – je fais presqu’un bond en arrière. Je ne m’attendais pas à une réaction aussi épidermique, surtout que je n’étais pas partie pour la toucher, ça me paraissait évident. Bon, ça me refroidit un peu, mais d’une part c’est une réaction très suédoise, je crois, et d’autre part j’imagine qu’elle a ses raisons et que travailler dans un studio de tatouage n’est pas toujours simple. Et puis je ne suis pas là pour tripoter les chevilles de la tatoueuse, de toute façon.

Après en avoir un peu parlé, on me propose d’écrire la phrase soit plus haut autour du mollet (un endroit que je n’affectionne pas tellement, alors ça me laisse dubitative), soit sur le pied (un endroit extrêmement symbolique pour moi, alors j’hésite franchement). Derrière le comptoir, ça discute. Il y a un autre tatoueur dans l’arrière boutique, mais il n’a pas l’air disponible.

La tatoueuse nous offre un thé aux épices et nous propose de regarder les books pour patienter. On s’installe donc dans les canapés confortables pendant que le chien du studio vient mendier des caresses. Entre deux commentaires sur les tatouages que nous voyons, nous en apprenons plus sur le pourquoi de l’attente : ils ont perdu une tatoueuse, celle qui s’occuperait des « tatouages à la volée » a priori. Ils ne savent pas trop quoi nous dire. Des gens vont et viennent, demandent des devis, des rendez-vous, boivent du thé. Il y a une atmosphère agréable, presque familiale – on sent bien que s’ils parlaient français, tout le monde se tutoierait.

IMG_20150822_124116Le Poui apprécie le thé. Il en a quand même eu deux tasses, comme nous.

Finalement, la tatoueuse disparue réapparaît, mais ne peut tatouer aujourd’hui. On nous dit donc qu’il faudra attendre 16h. Pas de souci, on a des choses à faire en attendant ! L’Américain arrête de nous faire une démonstration de son niveau avancé de français (il sait dire « merde » – sans surprise – et « sac poubelle ». Mots utiles) pour nous recommander vivement le Vasa Museum, qu’on m’a déjà recommandé quatre fois. Il nous dessine même le trajet sur une carte, quand finalement, l’autre tatoueur nous indique qu’il a un client qui s’est décommandé : il a du temps pour nous.

Hime lui explique ce qu’elle veut pendant que notre quasi-bilingue en français bataille contre sa nouvelle imprimante pour me montrer mon futur tatouage. Le tatoueur regarde ses croquis, puis les prend et va essayer de dessiner quelque chose. De mon côté, c’est déjà réglé : j’ai l’impression que ma phrase sera un peu grande, mais on me dit que vu que l’encre se dilate, si on la fait plus petit, ce sera vraiment laid en vieillissant. Je fais confiance.
Toujours faire confiance à son tatoueur. Sinon, à quoi bon ?

Le tatoueur revient : il a dessiné le futur tatouage d’Hime, qui correspond exactement à ses attentes. Pour elle, ce sera la nuque : elle s’assure donc qu’elle n’aura pas trop mal, car elle a peur de bouger. Le tatoueur la rassure directement, alors elle maintient l’emplacement. De mon côté, finalement, ce sera le pied. C’est un endroit vraiment chargé de sens pour moi, et j’ai le cœur un peu pincé par l’angoisse de confier mon peton au tatoueur, mais à la réflexion, c’est l’endroit parfait. C’est un tatouage de voyage, et mon pied est quand même un grand voyageur.

(Ca sonne un peu idiot dit comme ça mais ce n’est que la pointe de l’iceberg. Mettez-y la symbolique que vous voulez : si je commence à expliquer à quel point mes tatouages sont chargés de sens, cet article va encore faire cinq mille mots !)

Nous tirons à pile ou face pour savoir qui commence : ce sera elle. Le Poui et moi patientons donc en chantonnant les chansons qui passent à la radio (que du bon !), pendant que le « dzzzzzz » du tatouage en train de se faire retentit dans la pièce.

 

IMG_20150822_124212C’est au tour du Poui de trouver une machine à écrire, il est bien content. De mon côté, j’ai sorti les cartes postales.

Il ne faut pas plus de trente minutes au tatoueur pour finir le tatouage d’Hime. Un gros pansement, et hop, emballé c’est pesé ! Ca c’est efficace. A mon tour maintenant. Il me demande si j’ai déjà des tatouages, je lui réponds que oui, un. Il me demande où, je lui montre mon côté gauche. « Les côtes ? Tu aimes les faire aux endroits où ça fait mal, toi, hein ? »
Je ris et lui explique que je ne vois pas l’intérêt si ça ne fait pas au moins un peu mal, il acquiesce avec un large sourire, affirmant qu’il partage mon opinion, puis se met au travail.

Moins de trois chansons plus tard, c’est déjà fini. Même pas quinze minutes, ça c’est efficace ! Le tatouage est parfait, mon pied a un peu tressauté quand il passait sur l’os, sans surprise, mais le trait est droit et propre. Il me montre les endroits où se trouvent les imperfections que je lui ai demandé d’ajouter volontairement, puis le prends en photo. « L’idée est géniale, ça me plaît beaucoup. »

Moi aussi, ça me plaît vraiment. Je ne pensais pas faire un tatouage à la volée un jour, et puis finalement, je pense que je ne regretterai pas de l’avoir fait. Même si je découvre vite que se faire tatouer le pied alors qu’on est en road trip et qu’on marche toute la journée dans des rangers est une idée un peu débile. Tant pis.

Il n’est même pas quatorze heures lorsque nous sortons. Nous allons directement acheter de la Bepanthen pour protéger le tatouage durant la cicatrisation. Nouveau mot appris ! « Apotek » veut dire pharmacie. Puis il est l’heure de… rencontrer Sarah Burchill.

Pour l’histoire : j’ai découvert Sarah Burchill en tant que Fairyfrog sur deviantART en 2010, avec cet anneau et son histoire qui m’a touchée. Parmi mes pièces préférées, il y a ce pendentif atypique, cette bague-sceau, et cet incroyable pendentif.
J’ai toujours été fascinée par la création de bijoux, parce que c’était joli et que je leur mettais le sens que je voulais. Elle m’a fait rêver au premier regard posé sur ses pièces : chacune raconte une histoire. J’aurais voulu devenir joaillière pour pouvoir à mon tour faire tout cela, mais à défaut, j’ai continué à admirer ce qu’elle faisait : son apprentissage de la maîtrise des métaux, puis ses pièces d’ambre gravée, puis le verre soufflé… J’ai enfin appris son nom quand elle a fait une page web et n’ai jamais vraiment cessé de la suivre.
Alors la savoir à Stockholm et la contacter après cinq ans de groupitisme aigu, ça paraissait logique, quelque part.

Je n’aurais pas pensé qu’elle soit si accessible : c’était au-delà de mes espérances. Nous la retrouvons, après quelques ratées de points de rendez-vous, à la sortie de métro au nord de Södermalm. Elle est chargée comme une mule ! Et au moins aussi jolie en vraie que sur ses photos et dans ma tête. La rencontrer, c’est un rêve qui se réalise : émotion.

Elle n’a malheureusement pas beaucoup de temps à nous accorder, deux heures tout au plus, et a plein d’idées mais ne sait pas trop par quoi commencer. Elle nous parle d’un bon glacier pas loin, du musée Vasa, du ferry… Finalement, apprenant que j’avais une carte de transport de Stockholm (Rain me l’avait prêtée avant mon départ), elle me la prend des mains, nous dit « je reviens ! », et revient effectivement quelques minutes plus tard avec une carte chargée.
Simplement, comme ça.

Elle est adorable, parle vite, et moi, j’avoue, je suis sur un petit nuage. C’est sans doute stupide, mais c’est une des artistes vivantes que je respecte et admire le plus. Alors je réalise assez mal que je suis en train de l’aider à traîner sa valise dans les rues de Södermalm pendant qu’elle nous parle de ses nouveaux boulots dans deux grands théâtres publics de Stockholm.

Groupie oblige, le moment est dans ma tête un peu teintée d’un ruban de « Elle est trop cool – elle est trop jolie – elle est géniale… » qui se déroule en permanence. Je maintiens la conversation quand même, fascinée.
C’est un sentiment bizarre.

Nous arrivons finalement chez le glacier qu’elle nous a indiqué.

IMG_20150822_144529Les meilleures glaces de la ville, paraît-il.

IMG_20150822_144535 L’intérieur est très cartoon, très rose (et je me sens presque paparazzi en prenant cette photo.)

Fabrication artisanale oblige, ils changent les goûts tous les jours, donc il y en a peu, mais les parfums sont atypiques. Sarah demande à ce que nous puissions en goûter au moins un pour nous aider à décider ce que nous prenons, et nous explique les parfums que nous ne comprenons pas, comme le salmi, une sorte de réglisse salée, qu’elle nous déconseille fortement. C’est gentil de prévenir…

 

IMG_20150822_145149Finalement j’opte pour une « petite glace légère » : pêche blanche, beurre de cacahuètes et avocat. La glace à l’avocat en particulier se range directement au rang de mes préférées : tellement crémeuse !

Nous faisons ensuite un crochet par Emmaüs, car elle a une soirée post-apocalyptique et aimerait donc acheter des vêtements pas trop chers et portables qu’elle pourrait volontairement abimer pour son costume. Intéressante expérience que de se retrouver dans un Emmaüs à Stockholm, ça, je ne m’y attendais pas… Force est de constater que même Emmaüs est un peu plus cher ici, mais pas beaucoup.

Sarah nous conduit ensuite vers le ferry, et, alors que nous sommes sur le bateau, nous fait une mini-visite guidée. Ici, le quartier alternatif ; là, le quartier bobo, là les parcs… Ce qu’elle dit recoupe avec ce que d’autres ont pu me dire sur Stockholm, mais aussi avec ce que j’ai pu en constater. Cela dit, c’est quand même chouette d’avoir la visite guidée par une native.

IMG_20150822_153631Un tour en ferry, qui fonctionne comme un bus sur la mer !

IMG_20150822_154214Le château de Stockholm, avec le drapeau suédois qui flotte fièrement.

Sarah nous raconte une anecdote sur le château : tant que le drapeau suédois est visible, cela signifie que Stockholm appartient à la Suède. Néanmoins, il y a une vingtaine d’années, un groupe de jeunes Norvégiens qui avaient trop arrosé une soirée ont escaladé le château et remplacé le drapeau suédois par un drapeau norvégien. Par chance, le conflit diplomatique a pu être évité, mais depuis, le drapeau suédois est solidement enchaîné au château. Faudrait voir à pas déconner non plus.

IMG_20150822_154202 Gröna Lund, le Luna Park au milieu de la ville, et ses attractions vachement bizarres !

Nous débarquons et nous dirigeons vers le musée Vasa. Sur la route, Sarah remarque la touffe de poils qui dépasse de mon sac. « Qu’est-ce que c’est ? Je veux voir la peluche ! »

IMG_20150822_155912 C’est au tour du Poui d’être aux anges.

Sarah tombe amoureuse du Poui. Elle est à moitié écossaise, ils partagent le même sang, après tout. Moi, je suis contente d’immortaliser la rencontre.

Nous entrons dans le musée Vasa, et Sarah va nous laisser. Temps écoulé, déjà… Pour autant, nous continuons de discuter, je lui parle de comment je l’ai découverte et suivie, de pourquoi je l’admire. Elle se tourne alors vers moi et me demande sérieusement : « As-tu la moindre idée de ce que ça fait de recevoir des lettres de fans qui arrivent de la France ? »

C’est à ce moment-là que je redescends, que je réalise qu’en fait, si la rencontre est incroyable pour moi, elle doit l’être pour elle aussi. Que contrairement à ce que je pourrais croire, elle n’est pas immensément connue, n’est qu’une artisane de foires médiévales comme les autres. Mais pour moi, c’est une artiste fondatrice. Je prends conscience du décalage, bafouille, ne sais même plus quoi dire. C’est vrai que c’est stupide au fond. Mais je suis contente de la trouver si humaine, si simple, et mon admiration perdure. J’aimerais bien lui ressembler quand j’aurai son âge, en fait…

Finalement, elle nous prend chacune notre tour dans ses bras, et nous laisse entrer seules dans le Vasa museum : elle est attendue ailleurs. Avant de partir, elle me fait quand même promettre de lui écrire. Ce ne sera pas une promesse difficile à tenir.

Je n’ai même pas le temps de ruminer tout ce qui vient de se passer dans ma tête : nous entrons dans le musée, et une nouvelle surprise m’attend – de taille.

IMG_20150822_160747J’aurais pu m’en douter : le mat dépassait du toit, en fait. Mais bon, les Suédois ne savent plus quoi faire pour nous épater, je vous jure.

Le Vasa est un bateau immense, incroyablement bien conservé et restauré, et il raconte toute une histoire… Un peu triste sur certains points, franchement hallucinante sur d’autres.

Construit au XVIIè siècle, il s’agissait d’un immense bateau de guerre, la fierté du roi de Suède. Toutefois, une erreur de construction faisait qu’il était impossible qu’il puisse aller bien loin sur l’eau. Et là, on marche sur la tête : les fabricants étaient au courant de l’erreur, mais pas le roi, qui n’avait qu’une hâte, voir son vaisseau naviguer. Alors bien sûr, personne n’a eu le courage de lui dire… et le 10 août 1628, jour de son baptême, le navire n’a même pas pu sortir du port. Un coup de vent, et il coulait, emportant trente membres de l’équipage avec lui.
Une aberration digne de nos systèmes administratifs modernes, quoi.

Bien sûr, il fallait que ce soit la faute de quelqu’un : le roi, furieux, a eu besoin de faire tomber des têtes. Hélas, au moment du procès, l’architecte était déjà mort de mort naturelle, le constructeur avait la preuve qu’il avait tout fait pour que le bateau tienne le coup malgré les plans foireux de l’architecte (qui avait construit le bateau surtout de sorte à en mettre plein la vue aux ennemis, oubliant quelques règles de physique élémentaires, a priori), le responsable de l’équipage avait la preuve qu’humainement, aucune erreur n’avait été faite dans le pilotage.
Finalement, le procès a été conclu en déterminant que ce n’était la faute de personne, et le Vasa est resté sous l’eau, avec ses couleurs criardes, ses décorations qui en imposaient, ses cadavres de navigateurs et ses armes. Trente ans après le naufrage, les Suédois ont plongé pour aller récupérer ces dernières, toujours utiles et en état de fonctionnement.

Ils ont également décidé de sortir le bateau de l’eau, tout de même, un bateau pareil ! Mais la plupart des tentatives se sont soldées par des échecs, et il faut attendre 1961 pour que le bateau se repointe à la surface. A partir de là, le bateau, témoin d’une époque, a servi d’expérience. Les responsables ont cherché des moyens de faire en sorte non seulement de le restaurer, mais de le maintenir en état, de le préserver. Ils l’ont donc enduit d’un vernis spécial, à base de fer. Ca fonctionnait bien… jusqu’à aujourd’hui, où ils reprennent leurs recherches, car en vérité, leur premier enduit a accéléré la détérioration du bois. Dommage…

Bref, pour citer Hime : « Les Suédois sont incroyables. Ils ont pris un des plus gros échecs de leur histoire, et en ont fait un des musées les plus glorieux du monde. »

IMG_20150822_165920Il faut quand même reconnaître que ça en jette.

Le musée (un des plus célèbres de la Suède, donc, rien que ça) regorge d’informations passionnantes, une recréation de la salle de cérémonie, des explications sur les procédés mis en place pour conserver le bateau, toute une analyse sur la symbolique très Renaissance des décorations avec une tentative de recréer le bateau dans les couleurs qu’il avait à l’époque. Un pan complet de l’expo est consacrée à expliquer qui étaient les personnes dont on a retrouvé les cadavres à bord du vaisseau : grâce à leurs squelettes et leurs affaires personnelles, des spécialistes ont réussi à recréer leurs vies et jusqu’à leurs visages. C’est fascinant de lire le quotidien de ces gens morts depuis 400 ans…

Néanmoins, nous sommes toutes les deux déçues de la manière dont les expositions sont installées : c’est un peu chaotique, un peu placé n’importe où, il n’y a pas de sens de visite et il faut reconnaître que très rapidement, nous ne savons plus trop où nous en sommes. Nouvelle remarque fort pertinente d’Hime : « En fait, les Suédois construisent leurs supermarchés comme des musées, et leurs musées comme des supermarchés ». Pas faux : après tout, il y a un sens de la visite à Ikéa ou à ICA… C’est fort étrange.

IMG_20150822_171901Ce pull était hélas trop cher, mais il m’a bien fait de l’oeil. Je trouve terriblement amusant que les Suédois commémorent cette date, qui, rappelons-le, est quand même initialement le symbole d’un bel échec de calcul et de communication.

Notre visite terminée, nous décidons de retourner à Gamla Stan à pied, et longeons donc les quais du port pour découvrir ce que notre tatoueur a appelé « les Champs Elysées à la suédoise ». Paraîtrait-il qu’un souverain suédois aurait particulièrement aimé les Champs-Elysées et voulu recréer cette atmosphère le long des quais, mais nous ne sommes pas très convaincues. Cela dit, la marche est agréable, même s’il fait affreusement chaud.

IMG_20150822_173214Soleil de plomb, à nouveau.

Nous arrivons à Gamla Stan et, suivant les conseils de Sarah, trouvons une confiserie à l’ancienne.

IMG_20150822_180613L’enseigne fait envie.

IMG_20150822_180638Je n’ose pas imaginer combien de temps la déco de la vitrine leur a pris…

IMG_20150822_180704IMG_20150822_180712A l’intérieur, des bonbons partout, et un petit côté vintage bien sympa.

Mais nous ne cédons pas au chant de sirène des bonbons : nous n’avons pas confiance, pas après qu’on nous a parlé de réglisse salé. Pour autant, la visite de la boutique était chouette.

Il est vingt heures, et nous avons bien crapahuté : avisant une pizzeria juste derrière notre hôtel, nous nous disons que ça semble bien comme repas du soir. Nous entrons donc et commandons donc une pizza au « kyckling », ça a l’air bon, même si on ne sait pas de quoi il s’agit.

C’est lorsque le pizzaïolo répète le mot que je me rappelle que dans ce cas, le premier « k » est prononcé « ch » (à peu près) et le « ckl » donne quelque chose comme « keul ». Du coup, une pizza au « chyckeling » me fait réaliser que ce soir, au menu, en fait, ce sera chicken… du poulet.

Nouveau mot appris. (Le Suédois aiguise mon esprit de déduction !)

Retour à l’hôtel où nous profitons de la cuisine pour faire sa fête à la pizza.

IMG_20150822_182643A nous deux, chikeuling !

Nous regagnons ensuite notre chambre, un peu fourbues. Je me demande combien de kilomètres nous avons encore faits aujourd’hui. Avec soulagement, je retire mes chaussures pour retrouver mon pied tout emballé.

IMG_20150822_191241Il est content de pouvoir respirer, même s’il va devoir garder son pansement cette nuit.

Nous passons la soirée à discuter, et au moment où Hime commence à piquer du nez, je retrouve avec joie mes cartes postales, la constante du voyage.

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La mission cartes postales avance petit à petit… J’ai acheté quinze nouvelles cartes aujourd’hui, au Vasa museum, et je les adore.

Le tatouage, Sarah Burchill, le choc du Vasa… La journée a une fois de plus été très riche en émotions et je m’endors sans peine une fois ma mission bien avancée.

Demain, nous irons promener dans Djurgården. Ce sera notre dernier jour à Stockholm. Et notre dernier jour toutes les deux.

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