#LiaEnScandinavie, chapitre 9 : 17/08/2015 – La mésaventure du jus de fruit

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11h30, l’heure d’émerger. Pour la première nuit depuis ce qui me semble une éternité, j’ai bien dormi et ça fait du bien. Je suis toute fraîche, même si je dormirais une fois de plus bien un siècle ou deux de plus. Hime a l’air elle aussi plutôt prête à attaquer cette journée, alors nous ne traînons pas trop à nous lever. La mission, aujourd’hui, c’est retrouver S., manger un morceau, visiter la ville (potentiellement dans le désordre), et sauter dans le train pour Uppsala puis le train de nuit pour Luleå.

J’envoie donc un message à notre hôte qui a dormi à l’extérieur pour ne pas nous réveiller à 7h30 du matin, puis après la toilette du matin, saute sur la machine à écrire pour finir ma nouvelle. J’ai toutes les idées, je prends conscience d’à quel point je suis rouillée au niveau vocabulaire anglais. Une heure après, je pose le point final. Il est temps : je commence à écrire un peu n’importe quoi, à corriger directement au crayon, et surtout, la machine à écrire ne suit plus mon rythme de frappe.

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C’est au final un beau bébé de 1500 mots environ. Je ne l’ai pas encore recopiée, mais vous pourrez la lire d’ici la fin de ces carnets de voyage :)
(J’ai commencé à l’écrire à la suite d’un poème de S., d’où le début en fin de page. Un jour il faudra peut être que je traduise ce poème, par curiosité.)

IMG_20150817_132058Pendant ce temps, Hime, elle, a dessiné, et le résultat est bien cool aussi.

S. nous a écrit : il est dans le centre, et bien motivé pour nous retrouver. Problème : nous ne savons pas où nous sommes. Hier, nous avons été guidées ici par S. et avons oublié de lui demander l’adresse. Nous tentons de le contacter pour lui demander comment rejoindre le centre, mais il ne répond plus.

Bon. On va se débrouiller, n’est-ce pas ?

Nous hésitons quant à prendre toutes les affaires ou les laisser, pour pouvoir se balader librement et revenir les chercher avant de prendre le train. Je préfère jouer la carte de la sécurité : nous prenons nos affaires. Vu le bonhomme, il serait capable de ne plus nous donner de nouvelles d’ici 18h, et nous n’aurions plus le temps de faire l’aller-retour. Une chose est sûre toutefois : il faudra bien qu’il nous retrouve, parce que nous avons ses clefs.

Il est 13h, nous sortons de l’immeuble et prenons une décision au hasard. Après pas mal de tergiversations pour savoir dans quelle direction partir (pas de GPS, aucune idée précise d’où nous sommes : par chance, nous tombons sur la carte d’un chemin de randonnée et pouvons recouper avec notre carte de Falun) et finissons par partir à moitié à l’aveuglette. Vu mon sens de l’orientation, je fais confiance à Hime tout en essayant de repérer précisément sur la carte où nous sommes. Une fois les repères pris, tout va mieux : nous trouvons une route piétonne en direction du centre. C’est mignon, et ce n’est finalement pas si loin. Bientôt, nous finissons par suivre les rails et retrouver la gare.

20090907-max-exteriorOn tombe même sur un MAX. Cette chaîne semble être l’équivalent suédois de McDonald’s.

Il fait faim : l’option MAX est tentante, mais on n’a pas tellement envie de se faire un équivalent McDo tout de suite, et puis Hime voudrait une pizza. Alors nous commençons à arpenter le centre, un peu déstabilisées par les prix pratiqués par tous les restaurants. A priori, on n’est pas dans le coin le plus abordable de la ville…

IMG_20150817_140556Un peu déstabilisées par les feux piétons, aussi. Toujours pas compris à quoi servait le quatrième… (Intéressant, par ailleurs : il n’y a aucun feu piéton automatique ; ils sont tous sur commande, donc inutile d’attendre encore et encore, tant que le bouton n’est pas appuyé, le feu ne passe pas vert.)

Finalement, après avoir tourné encore et encore dans le centre, nous finissons, à un détour de rue, par tomber sur… le King’s Arms ! Que je ne voyais personnellement pas du tout là. Quel genre de trajet avons-nous fait ?

Bref, encore maintenant, le centre de Falun demeure un immense point d’interrogation pour moi. Mais voilà, la coïncidence est amusante, alors tant pis pour la pizza, nous optons pour un verre et un repas au fameux King’s Arms.

10615426_726995144060584_7859877985111745436_nEn même temps, le menu fait envie quand même. (Agrandissez, ça vaut le coup, promis.)

Il est 14h30, nous commandons une assiette de Iron Maiden et deux Sabaton (rien que ça), et abandonnons l’idée de boire. Il fait plus faim que soif, à vrai dire, alors de l’eau fraiche suffira.
Quand les assiettes arrivent, nous comprenons mieux les prix.

IMG_20150817_144920L’odeur du garlic bread rappelle au Poui sa terre natale.

IMG_20150817_145701Le Sabaton, affectueusement renommé « monstroburger ». Non, le Poui, ce n’est pas pour toi !

Il nous faut bien une heure pour venir 1h30 pour venir à bout de tout ça. Il faut dire que c’est pour le moins copieux, qu’on discute et qu’on fait des pauses. Et puis qu’on marche encore un peu au ralenti, aussi, enfin, surtout moi. Hime aimerait bien aller faire un tour en ville, mais nous attendons des nouvelles de S.

IMG_20150817_155435Finalement, il m’a aidée à finir, et Hime a abandonné.

A la fin de nos assiette, S. nous contacte enfin : il s’était rendormi. Nous ne sommes même pas surprises… Il va nous rejoindre dans 15mn (comprendre 45mn en langage S.), donc nous en profitons pour aller faire les courses au ICA du coin de la rue. J’aimerais bien trouver une poste aussi, pour pouvoir envoyer mes premières cartes postales.

La virée au ICA est, comme d’habitude, chaotique : nous ne savons pas quoi prendre, finissons par prendre n’importe quoi, jetant notre dévolu sur du pain suédois (encore), des raisins (qui ont prouvé leur potentiel de pique-nique en festival), et du Philadelphia.

IMG_20150817_165147On a hésité avec ça, pour le plaisir de céder au kitsch, mais n’avons pas osé risquer de nous retrouver avec une énième tartinade à la mayonnaise…

En boissons, plutôt qu’une grande bouteille de jus de fruit, plusieurs petites briquettes avec des goûts un peu surprenants. (Mention spécial au « bourgeon de fleurs » qui a l’air drôlement bon !)
Je craque aussi pour des chewing-gums à la pastèque à la caisse qui, vous le verrez plus tard, me sauveront la vie (au moins.)

Remarque : je n’ai pas de photo, mais en Suède, des médicaments sont vendus en présentoir à la caisse. Equivalent efferalgant, ibuprofène, lysopaine, médicaments sans ordonnance bien sûr, mais aussi, et ça surprend un peu plus, pilule du lendemain. Je trouve ça culturellement intéressant…

A la sortie, nous attendons encore un peu S., et pas de poste en vue. Enfin, le monsieur arrive, un peu désolé (il a croisé une connaissance sur la route), et nous emmène pour un tour en ville. Il nous demande si nous avons bien dormi, nous lui parlons de l’impression que nous avons eue qu’il avait des voisins au-dessus (« Ah… Je ne vous ai pas dit, mais… C’est vrai que l’endroit est un peu hanté. » – bien, merci de nous avoir prévenues, S.). A mesure de notre marche, il nous présente des commerces auxquels il est habitué, ainsi que le tatoueur chez qui il a fait tatouer les lignes sur son bras, mais qui n’est pas ouvert aujourd’hui. (Dommage…)

IMG_20150817_171340L’église de Falun en impose. On ne voit pas bien, mais la porte est très, très jolie.

Nous quittons le centre pour aller dans un quartier plus résidentiel : S. nous emmène vers un lac, en nous parlant un peu de lui (il a été étudiant, puis a travaillé en équivalent 35h dans une entreprise de logistique, puis ne s’est pas senti bien et a arrêté pour devenir roadie de Raubtier, avec qui il n’a pas travaillé longtemps pour cause d’incompatibilité de convictions, puis de Sabaton avec qui il semble vraiment apprécier travailler, et va reprendre en septembre des études en philosophie appliquée, quoi que ça puisse vouloir dire. Bref, vous trouvez mon parcours compliqué, le sien n’est pas mal non plus du haut de ses 23 ans), et en nous présentant l’histoire minière de la ville.

redimIMG_20150817_173525IMG_20150817_173515IMG_20150817_173521 Nous arrivons dans une zone pleine de mignonnes petites maisons rouges, et d’autres moins petites… Hime veut toutes les acheter.

S. nous explique donc que Falun a longtemps été une ville minière, mais que la mine a été fermée vingt ans plus tôt. Maintenant, la ville entière est devenue patrimoine de l’UNESCO : tout ce qui est dans la ville doit y rester. Cela implique que les restes de pierre de la mine ne peuvent être évacués, et sont donc réutilisés pour construire des habitations.

Nous apprenons également le pourquoi du comment de la peinture rouge : il s’agit du célèbre Falu red, issu du fer et du cuivre de la mine (le seul élément qu’ils exploitent encore), utilisé sur les maisons en bois pour les isoler et les protéger. Et en plus, ça les rend super jolies. Le Falu red est répandu dans tout le pays (et peut provenir d’autres mines, vu que la Suède en est truffée, mais le nom reste celui de la première mine à en avoir produit), et on peut même en trouver en Norvège et en Finlande.

Après cette promenade dans des coins plus pittoresques, nous finissons par arriver au lac où S. voulait nous emmener.

IMG_20150817_174054redimIMG_20150817_174058Après les maisons rouges, un lac et de la forêt. Voilà : paysage typique de Suède, avec en plus un super soleil.

Nous nous posons donc un moment, S. met de la musique, et nous apprécions le paysage, le beau temps, autour de conversations sur le pays et notre voyage prévu. (« Vous voulez aller dans le Nord ?! Mais pourquoi ?! Est-ce que vous aimez le froid tant que ça ?! »)

redimIMG_20150817_180455Posés dans l’herbe, de la bonne musique, brûlés par le soleil… On ne se plaint pas.

Hélas, l’heure de repartir arrive déjà. Il est 18h, notre train est à 19h : en route, pour être sûrs de ne pas le rater.

redim20150817_183034Je commence à en avoir ras le bol de mes sacs, cela dit.

Nous nous dirigeons donc à nouveau vers le centre, cette fois-ci en parlant accents et en partageant des virelangues. Alors je me rappelle du mot maudit que Rain avait tenté de m’apprendre, et je me dis que je vais essayer d’enregistrer tous les Suédois que nous croiserons dès à présent pour faire un comparatif, parce que ce mot est magique.

 Ca s’écrit « sjuksköterska », ça veut dire « infirmière », et spoiler alert : j’ai oublié d’enregistrer TOUS les autres Suédois qu’on a croisés, mais ça partait d’une bonne intention.

Très vite, tout cela dégénère en « Sirènes avec le mal de mer » en suédois, en « Voleurs qui émeuvent le trône » en anglais, et en « tortues trottant sur des toits très étroits » en français… Quand enfin S. prononce le mot gare (« centralstation« , avec un « ti » tellement soufflé -plus que sur l’enregistrement de Google Translate- qu’on dirait un « k »), je jette l’éponge. La prononciation du suédois est beaucoup trop ésotérique pour moi.

IMG_20150817_184935J’adore les bancs du centre-ville : ils me rappellent des livres. Et toujours cette couleur rouge !

Nous arrivons donc à la gare, avons un petit accrochage quand nous demandons à remplir notre bouteille d’eau à un vendeur de l’équivalent Relay du coin (« Je ne peux pas la remplir, mais vous pouvez acheter une bouteille. – Mais vous avez un robinet à côté de vous ! – Non mais vous pouvez acheter… – Bon, OK, tant pis. »), S. fait preuve d’un langage assez fleuri à son égard, et nous finissons par nous installer sur un banc pour attendre le train. Finalement, les toilettes sont gratuites, donc nous pouvons remplir nos bouteilles d’eau, et S. finit par nous laisser parce qu’il n’a pas mangé de la journée et qu’il va aller… prendre une pizza. Hime est jalouse. Il nous fait ses adieux, nous serre dans ses bras et nous laisse donc. J’ai la bizarre impression de laisser un ami de longue date alors que je ne l’ai vu que quelques heures.

Le train en direction d’Uppsala arrive : il est temps de faire nos adieux à la ville. Je quitte Falun avec le cœur lourd et l’impression d’y laisser un bout de moi. Ce n’étaient que cinq jours mais j’ai l’impression d’avoir été totalement changée, et c’est une sensation vraiment étrange. Mais hauts les coeurs : Uppsala nous attend.

Il fait nuit quand nous arrivons à la gare d’Uppsala. Nous avons deux heures de changement, donc le temps de vadrouiller un peu dans la ville. Les sacs pèsent néanmoins…

Finalement, nous nous installons dans la gare. Je laisse Hime pour faire un petit tour, mais de nuit, la ville n’est guère avenante et je reviens vite. Nous décidons donc de manger et descendons une partie de nos vivres, puis j’écris et elle lit. C’est alors que les annonces commencent à se faire : notre train aura du retard. Allons bon, un coup d’oeil au panneau et…

IMG_20150817_224103Diantre, 20mn de retard. Bon, ça va, c’est pas si grave…

Nous nous détendons et ouvrons une brique de jus de fruit. Désarroi intense. C’est sucré, très très très très sucré même. C’est alors qu’Hime réalise que ce n’est pas du jus de fruit.

IMG_20150817_221115On aurait pu s’en douter : c’est marqué Koncentrat et 1+4, ça doit être les dosages.

Pas étonnant que ce soit mauvais !

C’est alors qu’on s’aperçoit qu’on est en mauvaise posture : nous n’avons nulle part où remplir nos bouteilles, hyper soif à cause du concentré (dont nous avons encore 5 briquettes, de goûts différents, bien sûr… on a l’air futées, tiens), et notre train est désormais annoncé avec une heure de retard.

IMG_20150817_231358Du coup, j’ai le temps de remarquer que le plafond de la gare d’Uppsala ressemble à un vaisseau spatial.

IMG_20150817_231413M’enfin en vrai, ça commence à faire fatigue, et c’est pas Hime et le Poui qui vont dire le contraire…

L’attente est longue et je tweete beaucoup ; ça me fait du bien de reprendre des conversations avec les gens laissés en France. J’apprends ainsi les déboires d’autres qui se sont, eux aussi, fait avoir avec la gastronomie suédoise, et ça me rassure de ne pas avoir été la seule. Je discute également avec E.-polonaise, qui visite Stockholm en ce moment, et S.-notre hôte, qui m’indique qu’en fait les trains sont régulièrement en retard en Suède aussi. N’empêche qu’on en a quand même raté un et qu’on a failli rater un deuxième à Stockholm, tiens !

Quand enfin le train arrive, c’est un soulagement : la gare commençait à être vraiment glauque, malgré la présence de tous nos compagnons de galère, et puis la fatigue recommence à se faire sentir : j’ai bien dormi, cette nuit, mais pas assez pour rattraper le retard accumulé durant le festival.

Nous montons dans le train et faisons déplacer ceux qui s’étaient installés à notre place, pour quitter Uppsala sans regrets. Quelques arrêts plus tard, ils descendent et nous nous installons avec joie à côté de la fenêtre. J’écris un peu, mets à jour mon journal de voyage, et finis par m’affaler sur la table du carré de quatre où nous sommes installées, musique dans les oreilles, et les images des jours passés plein la tête.

Il va me falloir un moment pour les digérer ; en attendant, elles tournent encore et encore, le premier rang de Sabaton, le vigile, le camp Nerken, les conversations, le partage, et puis, bien sûr, le « Aurora » de S. qui résonne encore à mes oreilles. Je finis par piquer du nez sur mon bras encore tatoué du marqueur de S., en cuvant une sacrée gueule de bois falunesque…

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