#LiaEnScandinavie, chapitre 6 : 14/08/2015 – La défaillance des pogos

Chapitre précédent
Retour au sommaire

D’accord, d’accord. Je vous ai un peu laissés sur un cliffhanger hier. Bon ça va, c’était gentil quand même. Mais pour ceux que la question de notre qualité de sommeil a empêché de dormir (ironie du sort), voilà la réponse en exclusivité : OUI, nous avons mieux dormi.
NON, nous n’avons pas bien dormi pour autant.

Le fait est que la tente est petite, un peu trop vu la taille de nos sacs, et que je dors en contact avec la toile. Du coup, avec l’humidité et la condensation, au milieu de la nuit, je suis trempée. Et mon duvet, même s’il est très bon, ne peut plus rien pour moi une fois mouillé.

Bref, voilà : cette nuit encore, j’ai froid. Moins par le sol, plus par le plafond. Par contre, je reconnais avoir gagné en confort avec mon matelas, je dois donc dormir environ cinq heures en tout.

10h30, à nouveau, il fait beaucoup trop chaud dans la tente maintenant et nous émergeons tranquillement. Deuxième jour de fest, c’est parti. Aujourd’hui, LE gros nom pour moi, c’est Wintersun. Pour Hime, c’est Kreator.
Techniquement, dans un cas comme dans l’autre, on ne va pas s’ennuyer.

Ouverture de tente, nous saluons les Nerken déjà debout. Bonjour, bonjour !
Tout d’abord, un petit tour au Lugnet’s building pour des toilettes propres et recharger un peu nos portables. L’endroit est envahi de metaleux, mais ça ne gêne personne, et le mélange de langues parlées dans le bâtiment est amusant à entendre. On entend du suédois, de l’anglais, du polonais, de l’espagnol, de l’allemand… Pour le moment nous sommes toujours les seules à parler vraiment français, même si nos comparses Nerken belges le baragouinent un peu. Le chemin était long depuis la France, et a priori on a un peu été les seules à braver la route…

Après ça, c’est l’heure du petit dej ! Voyons ce qui est au menu…

IMG_20150814_112415

Des cinammons rolls, des physalis, une pomme et du jus d’orange. On a vraiment acheté n’importe quoi…

Le petit déjeuner se passe dans la bonne humeur et sous un soleil de plomb. Hime et moi observons ce qui nous reste à manger. Des crackers, plus beaucoup de pain suédois, la mayonnaise aux oeufs de poisson, quelques physalis, un chouia de jus d’orange… Bon, force est de constater qu’on s’y est très mal prises hier, et Hime en a déjà marre de la mayonnaise aux oeufs de poisson. Un tour au ICA s’impose : très bien, ça nous fera notre balade matinale.

Cette fois-ci, c’est une question d’efficacité : on ne traîne pas, on prend du pain suédois, puis casse-tête dans le rayon viande, finalement on prend ce qui semble être une tartinade aux écrevisses (miam, miam) et une portion de salami au poivre, des pommes, et passage en caisse. Puis retour au camp.

IMG_20150813_122511

Le coin est vraiment joli, surtout par ce temps.

Les Nerken sont tous là à festoyer, alors on sort nos victuailles et on mange avec eux. On partage des biscuits que je regrette un peu d’avoir achetés, bons mais très écoeurants, tout particulièrement à l’odeur qui a embaumé notre tente en une nuit. A.-suédo-américain en raffole, alors on s’en débarasse un peu habilement, avouons-le…
Le début d’après-midi se passe dans la joie et la bonne humeur. Notre amie polonaise s’est a priori trouvé une compatriote et nous la voyons très peu, mais les autres membres du camp ne sont pas moins enjoués.Certains jouent au Scrabble, d’autres chantent, nous ne faisons guère que papoter. Je ne sais plus de quoi, mais ça parle jeux vidéo à un moment et nous sommes dans un bastion de fans de Pokémon et Zelda.
Ça va, on n’est pas trop dépaysées quoi.
A.-suédo-américain nous explique qu’il est très mauvais avec les noms et qu’il attribue des surnoms à tout le monde. Pour une raison incompréhensible (peut-être sa passion pour la pêche ?) lui a, par le passé, hérité d’un surnom de l’ordre du « Chef-terreur des goélands en colère » (impossible de me rappeler précisément). A partir de maintenant, je décide de l’appeler Master Seagull par souci de facilité. Lui nous appelle Fille Française 1 et Fille Française 2. On s’offusque un peu et sa petite amie lui fait remarquer qu’à ce compte il pourrait aussi bien nous appeler Chose 1 et Chose 2. Il ronchonne un peu puis finit par déterminer que je serai Collier Vert, et qu’Hime deviendrait Fille Mince.
Bon, c’est pas encore ça, mais c’est déjà mieux que Chose 1 et Chose 2, alors on s’en accommodera.

Avec tout ça, l’heure avance, et moi j’aimerais bien être pas trop loin de la scène pour Wintersun (oui bon au premier rang quoi roooh), alors je vais aller voir le groupe qui passera avant. Hime et moi nous mettons donc en route et nous arrivons sur les lieux du festival vers 16h10. Atrocity est en train de jouer sur la main stage, mais nous sommes plus branchées par l’idée d’aller boire un coup dans la partie bar du festival.

Une remarque : la législation suédoise concernant l’alcool est complexe. Très. L’alcool est cher, et difficilement trouvable. En supermarché, on ne trouve que des bières en dessous de 5%. Pour avoir mieux, il faut aller dans des magasins spéciaux gérés par l’état. Rappelez-vous le train entre Stockholm et Falun : ça explique pourquoi les gens buvaient autant (du vin vendu sans avoir à aller en magasin spécialisé !). Il semblerait que pour les festivals, ce soit un peu casse-tête.

Du coup, l’alcool est autorisé en backstage (je ne suis pas sûre que beaucoup d’artistes viendraient sinon), et la zone où la consommation d’alcool est autorisée est fermée : on ne sort pas les verres de la zone.
Elle est sympa, même si un peu bruyante, et donne sur la scène.

IMG_20150814_165319

C’est la tente blanche là-haut, avec un bout d’herbe où on peut s’asseoir à côté. Ça va, on a vu pire.

Nous nous dirigeons donc vers la zone au moment où Atrocity invite des jeunes Suédoise à monter sur scène. Les vigiles nous interceptent : « Mais non, vous êtes censées monter sur scène, pas monter vers le bar ! » On leur dit que c’est pas valable pour nous, on n’est pas Suédoises. Ils nous demandent d’où nous sommes, et quand on leur dit : « Oh ben la France, la Suède, pour un groupe de metal c’est pareil ! »

Ça va, ils ne sont pas pénibles et nous souhaitent de bien boire en nous laissant passer. Nous voilà au bar ; derrière, le coin VIP est indiqué par des panneaux, mais nous n’avons pas d’accès VIP : beaucoup trop cher pour ce que c’était et tant pis pour la possibilité de croiser des artistes.

Les consommations ne sont pas tellement chères pour un festival, je suis surprise en bien. Hime part pour un verre de vin, je me laisse tenter par un cidre.

IMG_20150814_161125

On me sert ça et je regrette vite ma décision.

Ne prenez pas de cidre en Suède. Non. Jamais. Vraiment. Faites-moi confiance. Vous ne voulez pas faire cette expérience.

En fait, les Suédois ne savent pas ce qu’est le cidre. Ils servent une espèce de semi-alcool gazeux beaucoup trop sucré et au vague goût de fruits (celui-là était à la poire, mais en vrai, quand on demande du cidre, ils énumèrent une liste de fruits qui fait frémir).

Bref, le cidre en Suède, c’est un gros NON de votre serviteuse. (?) De son côté, Hime semble satisfaite de son vin. Bon, c’était une expérience à faire. Assises dans l’herbe face à la scène (à peine importunée par une Suédoise visiblement complètement défoncée qui nous tient un discours totalement incohérent dont je n’arrive pas à me rappeler la teneur), nous profitons de la fin du set d’Atrocity tranquillement.

En redescendant de la zone du bar, nous croisons une jeune femme qui s’aperçoit que nous parlons français et nous adresse donc la parole : elle est française, volontaire au festival, et repartira en Allemagne à la fin pour trouver du travail là-bas. Nous discutons un peu, oublions de lui demander son nom, mais c’est plaisant de parler français. Elle nous parle un peu de son travail et de l’équipe, et ça a l’air plutôt sympa. Nous la perdons ensuite de vue et retournons la zone de concerts, où je m’installe devant la scène principale, face à un monsieur de la sécurité dont la tête m’inspire direct confiance, allez savoir pourquoi. Je lui adresse un grand sourire en lui disant bonjour, mais il ne se déride pas. Pendant ce temps, Summoned Tide, a priori un groupe de power du coin fort agréablement surpris de l’accueil qui lui a été réservé, déballe son set sur l’autre scène.

IMG_20150814_170144

Ils ont la pêche, une musique efficace et pas mal de charisme, en fait. Bonne surprise.

A côte de moi, des gens avec des tee-shirts Wintersun commencent à prendre place. A la fin du set de Summoned Tide, le premier rang de la scène principale est plein… De fans de Wintersun. Krisiun s’installe (et Hime me fait très justement remarquer que tiens, ils se ressemblent drôlement, les musiciens. Normal. Krisiun, en fait, c’est trois frères.)

Nous avons donc droit à un set de brutal death brésilien hyper bourrin hyper bougeant hyper péchu sur lequel, personnellement, je m’amuse beaucoup. (Et me fait très mal au cou.) Toutefois, je déplore l’absence de mouvements à mes côtés, hormis un petit groupe sur la droite qui ont eux aussi bien la pêche : clairement, les gens sont venus pour garder la place pour Wintersun.

Comportement qui m’agace : tu veux garder ta place, ok. Mais tu assumes d’être au premier rang, face à des artistes qui viennent jouer pour toi. Alors non, tu ne t’accoudes pas à la barrière en prenant l’air le plus ennuyé du monde, non tu ne te mets pas sur ton portable pendant tout le set, et, je sais pas, tu essaies au moins d’applaudir les artistes ou de les soutenir en bougeant un peu ?
On parle de BRUTAL DEATH, là. C’est pas non plus le truc le plus ennuyeux du monde, bon sang. Même si t’aimes pas, au moins lever la tête pour les regarder jouer ça ne ferait pas de mal, crénom de nom.

Voilà pour le petit coup de gueule du jour, que j’ai déjà beaucoup, beaucoup trop fait par le passé, et que je sens que je n’ai pas fini de faire… M’enfin ! Toujours est-il que moi je m’amuse bien, et quatre ou cinq mecs sur le côté aussi. Je déplore juste de ne pas pouvoir aller faire la bringue dans les (petits et rares) pogos. A la fin du set, les gars de Krisiun reviennent sur scène pour nous faire passer des autocollants et setlist par les vigiles en nous remerciant d’avoir animé le premier rang. Mais de rien, les gars, quand vous voulez. Je remercie le vigile que j’avais remarqué, qui me donne un autocollant, m’adresse un signe de tête. Il faut dire qu’il était juste en face de moi devant le set et m’a vue m’éclater.

Le festival ne perd pas son rythme et sur l’autre scène, le concert suivant ne se fait pas attendre : c’est Leaves’ Eyes, seul groupe à chanteuse de toute la programmation du fest.

IMG_20150814_190613

Leaves’ Eyes, j’aime bien jusqu’à ce que je n’aime plus. Autrement dit, trois chansons ça va, plus… je m’ennuie.

Il est 19h, Hime retourne à la tente, pour se reposer un moment. Moi, je discute un peu avec les gens autour de moi, j’écoute Leaves’ Eyes, et j’observe la mise en place de la scène principale.

IMG_20150814_193807

J’avoue : le roadie blond m’a beaucoup plu. Je permets de faire remarquer au passage que j’étais pas trop mal placée, pile en face du micro. Joie.

Lorsque vient la fin du set de Leaves’ Eyes, nous sommes une bonne petite foule devant la scène. Je trépigne un peu. Voir Wintersun en concert = gnnnn (à peu près.) Quand les lumières de couleurs s’allument pour créer l’atmosphère bleu-violet que j’adore et que l’introduction commence, j’ai un ou deux papillons dans le ventre. Quand enfin ils apparaissent et se mettent à jouer, je réalise qu’en fait je connais l’intégralité de leur set par coeur.

redimDSCN0310

Le Maestro à l’oeuvre, photo courtesy of E. de Pologne (Thanks! :D) D’autres photos ici, feat. la Canadienne avec qui j’ai papoté avant le concert (cheveux courts, à ma gauche), la Suédoise-trèstrèstrès-grande-et-très-belle (à ma droite) et le Loulou, dont je vous parlerai plus en détail demain.

L’heure est idéale : le soleil se couche pendant le set, le ciel prend une teinte rosée, violacée, qui colle parfaitement aux couleurs sur scène. J’ai l’impression d’être enveloppée dans une bulle de Wintersun, je ne vous raconte pas comme je plane. Le set passe à toute allure, j’ai l’impression qu’ils n’ont fait que trois chansons tellement ça file, et soudain ils annoncent la dernière. Déjà ?

Ils saluent, lancent des trucs, ça se bat dans la fosse… Une photo du groupe sur laquelle j’ai l’air un peu heureuse (mais juste un peu) plus tard, les vigiles ramassent les objets tombés, et le monsieur-à-l’air-gentil devant moi se penche et remonte avec un mediator. Forêt de bras juste devant moi, je tends la main aussi, je le regarde. Il me prend la main, écarte les autres et la referme sur le mediator. Je le regarde avec des yeux tout ronds et le remercie largement.

IMG_20150814_213453

Inespéré.

A ce moment-là, Hime me rejoint. Elle, Wintersun, ça ne lui a pas déplu, mais ce n’était pas sa préférence. Il faut dire qu’elle se garde pour Kreator. Elle me propose d’aller manger un morceau pendant Civil War, histoire d’avoir la pêche pour le groupe qu’elle attend. J’approuve, mais d’abord, un tour aux toilettes.

Hélas, dans la foule, je perds ma femme et c’est un peu la panique. Je tourne, l’attends, rien, de dépit je finis par retourner au camping en espérant qu’elle aura eu la même idée. En chemin, on m’interpelle deux fois. La première, c’est un jeune Suédois qui commence à me parler, je lui donne une douzaine d’années. Je lui fais remarquer qu’il doit parler anglais pour que je le comprenne, il me demande donc dans un très bon anglais : « Tu pourrais m’acheter des cigarettes ? » Un peu interloquée, je lui réponds que non. Il me demande « Mais pourquoi ? », je lui dis simplement que je ne fume pas. Il me lance un regard appuyé. « Mais moi, je fume ! » Je lui tapote sur l’épaule en lui adressant un « Ah, mais ça, c’est TON problème » certes un peu condescendant, avant de reprendre mon chemin. La deuxième fois, un Allemand du camp me harponne alors que je suis en route. Il est un peu bu, et pas méchant pour deux sous, il s’excuse mille fois et ne se rappellera sans doute plus de notre conversation demain -normal, quoi.

Arrivée au camp, soulagement intense, je retrouve Hime qui était à peu près aussi paniquée que moi. L’Allemand s’incruste et nous mangeons tous ensemble en écoutant Civil War de loin. Vivre le festival comme ça, c’est pas désagréable non plus. L’Allemand (dont je n’ai aucune idée du nom, je réalise maintenant), nous fait goûter une bière allemande vraiment pas mauvaise pour de la bière premier prix (je note le nom, on ne sait jamais, au cas où j’atterrirais en Allemagne un jour). Une fois repues, nous laissons l’Allemand au camping, il a bien besoin d’aller dormir, et en route pour Kreator. Nous remontons le courant de tous ceux qui sortent du concert de Civil War (la majorité du festival, a priori), et arrivons sur les lieux pour découvrir… cent personnes à tout casser devant la scène.

La lose. Mais la déchéance ne fait que commencer. Le set de Kreator est excellent, efficace. Le public est… peu présent et mou.
Pourtant, le groupe se démène, invite à bouger. Nous sommes deux Françaises d’un mètre soixante et pourtant, au moment de créer un wall of death, tous les grands vikings s’écartent et nous restons seulement une vingtaine à former les rangs.

Bon, soyons honnêtes : on s’amuse quand même bien, malgré les lourds-alcoolisés qui semblent considérer qu’une fille dans un pogo est une fille facile (sérieusement, les gars : NON. Je ne vois pas en quoi le fait de vous taper dessus dans la fosse nous rendrait « plus facile » en plus, c’est complètement crétin comme raisonnement. Mais vraiment, vraiment, NON, laissez-nous profiter du pit, bon sang.)

Lorsque la fin du set arrive, nous sommes exténuées et globalement satisfaites de la prestation de Kreator (qui ont franchement assuré, surtout vu les conditions, avouons-le), mais avec un goût amer dans la bouche, un goût de circle pits pas finis, de walls of death transformés en walls of not-even-close-to-death. Alors, quoi, les Suédois n’ont pas la culture du pit ? Je suis un peu remontée, un peu triste.

Hime, de son côté, est déçue : elle a failli avoir un mediator de Kreator (un groupe qui compte pour elle, quand même), mais il a volé de ses mains, et elle n’a jamais pu le retrouver : quelqu’un est parti avec…

Alors que nous faisons route vers le camping pour pouvoir nous remettre d’un set malgré tout fort éprouvant physiquement, nous croisons l’armée des Nerken et nous faisons kidnapper par Master Seagull qui veut absolument que nous assistions au concert de Snowy Shaw, parce que c’est un ami, qu’il est cool, et tutti quanti. Sous la pression du bonhomme (qui sait se montrer convaincant, surtout avec au moins quatre ou cinq Nerken derrière, et puis reconnaissons aussi qu’on était vachement curieuses, parce que Snowy Shaw a quand même l’air de savoir monter un show…), nous finissons par lui promettre de rester pour trois chansons, mais pas plus, parce qu’on ne tient plus debout.

Lorsqu’il commence, je suis conquise. Le mec est un doux-dingue, sa musique est fun. Hélas, quand il parle au public, tout est en suédois. A nouveau, cette impression d’être à côté de la blague… Au bout des trois chansons promises, je sens mes yeux qui se ferment tout seuls et me tourne vers ma femme, dans le même état que moi. D’un commun accord qui n’a même pas besoin d’être verbalisé, nous décidons de rentrer.

Honnêtement, je ne me rappelle même pas du retour à la tente, tant je suis épuisée. Je m’effondre sans plus de cérémonie, et visiblement, Hime aussi.

Demain, c’est la grosse journée. Demain, c’est un après-midi complet de concerts. Il faut qu’on soit en forme.

Cette nuit, on dormira bien.

Chapitre suivant
Retour au sommaire