#LiaEnScandinavie, chapitre 16 : 24/08/2015 – Premier envol

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Stockholm, Chapman Boat. Un bruit dans le lointain, qui traverse la nuit. Une sonnerie et le ronchonnement de ceux qu’elle réveille. Enfin, celles, plutôt.
Il est 3h30. Hime émerge, moi je crache tripes et boyaux à force de tousser. La nuit n’est pas très drôle, et j’ai un peu le cœur lourd quand Hime brave la nuit pour rejoindre la navette qui la conduira à l’aéroport à 3h45. Je tente de me rendormir, mais mon sommeil est agité et tout sauf réparateur. Bon, la dernière nuit à Stockholm n’aura pas été la plus réparatrice…

Soyons honnêtes : ça me stresse, d’arriver en territoire inconnu et seule.

Enfin : après m’être rendormie et réveillée encore et encore, il est l’heure de me lever. Mon avion est à 13h, mais je dois y être à 11h pour enregistrer mon bagage. Je rends donc les clefs de la chambre à 9h30 et me mets en route. L’air est encore frais du matin et la marche agréable. Je commence à trouver tous ces paysages familiers, et les quitter me fait quelque chose. Dans ma tête, toutefois, les choses sont très claires : ce n’est qu’un au revoir et pas un adieu.

IMG_20150824_094654Au revoir donc, Chapman Boat.

IMG_20150824_094913Et au revoir, Gamla Stan.

IMG_20150824_095100 Et au revoir, port de Stockholm avec bien peu de passants pour ce frais début de journée.

Je connais le chemin par cœur et me laisse un peu envahir par une micro-nostalgie tandis que je passe mes points de repères les uns après les autres. A un feu, je m’arrête pour filmer le petit « tût » qu’il fait pour pouvoir l’envoyer à Hime parce que le dernier jour, on se battait pour appuyer sur le bouton. (Spoiler alert : la vidéo n’a pas fonctionné.)
Oui, bon, quand je nostalge, je ne fais pas les choses à moitié.

J’arrive à la gare et saute dans l’Arlanda Express. Le voyage est agréable, entre deux compagnies d’hôtesses de l’air qui discutent et rient très fort. Moi, je commence à « reprendre contact avec la vraie vie » : je profite de la connexion internet du train, puis de l’aéroport.

 

IMG_20150824_122621Le petit avion m’a fait sourire, je ne sais pas pourquoi, je le trouvais mignon alors voilà.

Après avoir enregistré mon sac à dos (en priant tous les dieux possible pour qu’il arrive en bonne forme à Helsinki), je m’installe dans un coin, branche mon téléphone et grignote des cinnamon rolls en envoyant SMS et tweets à ma populace lointaine. Je rattrape mon retard sur les réseaux sociaux, raconte un peu mes récentes escapades stockholmoises, réagis à un ou deux posts et de fil en aiguille, de conversation en conversation, le temps passe plutôt vite. C’est alors que je décide d’aller aux toilettes de l’aéroport. Et de prendre une photo des portes, qui m’interpellent.

Attention, moment d’anthologie !

putain de toilettes de ta mèreCe n’est hélas qu’un screenshot, l’appli Twitter ne fonctionne pas sur ce site. Mais cliquez et vous aurez l’original, dans toute sa grandeur toilettesque.

Au moment où je poste ce tweet, le manque de caractères m’empêche de mettre mon fameux hashtag #LiaEnSuède. Je me dis que ça n’a pas une grande importance, lorsque soudain… les gens le retweetent.
Beaucoup de gens. Bon. Ca va passer – ça passe toujours.

Alors que je vais embarquer, je coupe mon téléphone, sans savoir ce qui m’attend à la sortie.

Mon avion est en retard, et j’angoisse un peu. Beaucoup. Passionnément : nous n’avons pas d’information sur le retard, mais il y a un problème de pièce a priori. Je suis tout au fond de l’avion, à côté d’un réacteur, et j’ai une petite fenêtre. Finalement, nous décollons. L’angoisse et la fatigue de la nuit mal passée m’achèvent : alors que la terre s’éloigne de plus en plus, je fonds en larmes. Je me répète en boucle que ce n’est pas la fin mais le sentiment de « plus jamais pareil » m’envahit très fort. Ce n’est pas une crise d’angoisse, juste un trop plein d’émotions.

Je finis par me calmer en admirant les paysages que nous survolons. Cette fois-ci, il n’y a pas un nuage : je vois donc très bien la mer, et toutes les petites îles qui se détachent très clairement. C’est sans doute stupide, mais je prends conscience que les cartes qu’on étudie sont en fait un vrai reflet de la réalité en observant la terre et la mer qui se découpent parfaitement. Je ne verrai plus jamais une carte de la Suède de la même manière. En vrai, la nature découpe la terre de manière très bizarre, et ce n’est pas seulement une excentricité de la personne qui la dessine. Mince alors !
(Je vous avais prévenu que c’était une observation ridicule ; pourtant, ça fait quelque chose de le voir en vrai…)

Cette fois, j’ai prévu le coup et j’ai un chewing gum dans la bouche. En mastiquant comme une dingue pendant l’atterrissage, j’arrive à limiter la douleur à l’oreille droite seulement. Le moment où nous touchons le sol n’en reste pas moins un immense soulagement, et mes oreilles restent bouchée même à la descente de l’avion.

Je suis un peu déboussolée quand j’entre dans l’aéroport d’Helsinki. J’ai l’impression d’avoir volé pendant au moins trois heures tellement ça m’a paru long, mais le vol n’a duré qu’une heure, pourtant l’horloge indique qu’il est 15h passées. Je n’y comprends plus rien.
Ah.
Se pourrait-il que j’aie oublié qu’il y avait un décalage horaire entre la Suède et la Finlande ? Pour être sûre, j’envoie des messages à quelques personnes, en leur demandant l’heure. Quand une réponse arrive, pas de doute : j’ai oublié un décalage horaire d’une heure. Je me sens un peu bête et un peu déphasée.

IMG_20150824_161101Heureusement, le bistrot de l’aéroport m’attend avec un café pour me requinquer.

Et la Finlande est en zone euros ! Finies les acrobaties mentales pour faire la conversion monétaire. Pour autant, je ne me sens pas plus en pays familier qu’en Suède, peut-être même moins. Après dix jours, j’avais pris l’habitude du Suédois. Le Finnois, à côté, c’est une langue qui ne ressemble à rien : même quand j’étais en Chine, la langue ne m’avait pas à ce point dépaysée. La mise dans le bain est violente, et j’en finis par me repérer aux panneaux en Suédois, que je comprends finalement plutôt bien, en l’absence de panneaux en anglais.

J’accède au wi-fi de l’aéroport le temps d’indiquer que je suis bien arrivée, et sans crier gare, voilà que Twitter m’assaillit de notifications.
Je n’ai pas coupé mon téléphone deux heures que déjà mon tweet sur les toilettes de l’aéroport de Stockholm a été retweeté plus de deux cents fois, favorisé au moins cinquante fois. Et autant de messages envoyés par Twitter sur mon téléphone. J’ai l’impression que mon brave Blackberry va exploser, mais il tient bon. C’est donc ça quand on atteint un stade presque viral… Heh bah, ça fait un joli bazar, surtout quand on est au milieu d’un aéroport inconnu. Angoissée à mort. A juste vouloir chercher un tout petit peu de courage auprès de gens avec qui on discute.
Je ronchonne un peu (j’aurais dû m’en douter, pourtant…), supprime les notifications, réponds à quelques messages, et me plains beaucoup. La vérité, c’est que j’ai la trouille de sortir de l’aéroport et de repartir à l’aventure, parce que je ne sais pas ce qui m’attend.

Et pourtant, il faut bien. Je finis par couper à nouveau le wifi, prends une grande inspiration, et en route pour la navette. Je la trouve sans encombre, prends une des dernières places vides, et attends mon arrêt en regardant défiler le paysage – et appréciant l’aspect très, très dépaysant du Finnois.

IMG_20150824_165143Le Poui préférerait gambader que rester dans la navette.

IMG_20150824_165540 Les petites maisons peintes au rouge de Falun ont traversé les frontières.

Les écrans de la navette ne fonctionnent pas et n’indiquent rien : le Poui et moi guettons donc désespérément les arrêts mais aucun mot familier n’arrive. Je suis censée descendre vers « Opera », un mot assez transparents que je devrais reconnaître, mais je ne vois pas d’arrêts à proprement parler et quand le bus stoppe, ça semble toujours au milieu de la cambrousse. Finalement, la conductrice annonce un truc que je ne comprends pas, ponctué d’un « Stadion Hostel ». Mon auberge de jeunesse ! Je vois des gens qui s’apprêtent à descendre et les suis donc.

Pas de chance : on dirait qu’aucun ne va à la même auberge que moi. Allons bon, un stade, ça doit quand même être suffisamment gros pour que je ne passe pas à côté sans le voir… J’erre un peu, puis finis par tomber sur des signes qui ne trompent pas.

IMG_20150824_172205La manifestation de supporters qui chantent me laisse entendre que le stade n’est pas loin.

Quelle était la probabilité que j’arrive un soir de match ? Pour autant, on dirait bien que les Finlandais sont eux aussi fans de foot. Et moi, ça m’arrange, car je n’ai plus qu’à suivre le cortège (bien encadré par les forces de l’ordre) jusqu’au stade. Moyen pittoresque de découvrir le quartier !

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Le plan d’accès, première approche d’une auberge de jeunesse un peu déroutante.

IMG_20150824_173231L’auberge à proprement parler. Ca fait un peu austère, mais en fait, c’est très sympa.

J’arrive à 16h environ. L’auberge est un peu loin du centre mais je suis séduite par l’intérieur : une succession de couloirs et de pièces communes avec des grands canapés confortables. Je récupère sans encombres la clé de mon dortoir : je suis dans un dortoir à dix lits, mais il n’est pas plein cette nuit. J’appréhende un peu… Pourtant, quand j’arrive dans la chambre (cinq fois deux lits superposés et des casiers, dans le mobilier rien de transcendant), je rencontre trois filles à l’air hyper sympathiques : une Anglaise et deux Allemandes, avec qui je papote, pourquoi nous sommes là, ce que nous venons voir, quand nous partons… Hélas, je dois régulièrement leur faire répéter des choses : mes oreilles sont toujours bouchées du voyage et je les entends très mal. Quand je leur explique, elles rient simplement et m’offrent des chewing-gums. Bon, au moins, elles ne s’offusqueront pas de devoir dire cinq fois la même phrase…

Ca y est, j’ai posé mon sac et discuté avec des gens, mes angoisses sont parties, tout va mieux : j’ai une home. Nous parlons toutes les quatre de nos projets immédiats : les Allemandes veulent aller visiter le centre ; la Britannique ne sait pas encore trop, elle s’installe. Moi, je veux prendre une douche, alors je m’en vais arpenter les couloirs pour tenter de trouver les douches des filles. Je croise un garçon sur la route, lui demande en anglais s’il sait où elles sont, et dès le moment où il ouvre la bouche pour m’expliquer que « I ave jeust euraïved », je lui demande s’il est français. Il me répond que oui, et je passe immédiatement en français. Il y a des accents qui ne trompent pas…
Nous faisons donc du repérage tous les deux – lui est là pour les études, le temps de trouver un endroit où loger. Quand enfin je trouve les douches (un étage et plusieurs salles plus haut), je le laisse et vais profiter de l’eau chaude. Joie et volupté !

Une fois ma douche prise, à mon retour dans la chambre, je me dis qu’il est un peu tard pour partir dans le centre ville avec les Allemandes et les laisse donc filer. Quand la Britannique, E., m’annonce qu’elle a envie de faire le tour du quartier, Töölö, je la suis volontiers. Nous papotons en sortant de l’auberge et les coincidences sont amusantes : elle arrive de Stockholm, elle aussi, et était dans le même avion que moi. Elle fait un tour de la Fenno-Scandinavie pendant ses vacances : Oslo, Stockholm, Helsinki et enfin Copenhague. Elle repartira le même jour que moi, à la même heure même ! Mais elle ira à Copenhague alors que j’irai à Oslo. Elle est contente pour moi : Oslo a été son escale préférée jusque là, elle y serait bien restée plus longtemps.

Elle me dit qu’elle a repéré dans les coins à voir un café qui fait aussi restaurant, que ça peut être bien pour un premier soir. Je fais confiance et la suis sans trop savoir où je vais, car je n’ai même pas encore ouvert une carte d’Helsinki. Finalement, je ne regrette pas.

IMG_20150824_185817Feuilleté aux champignons et croissant brie-salade-fraises. Ca semble discutable, mais le mélange est excellent.

IMG_20150824_185840La vue est chouette depuis la terrasse : c’est un bout de mer, apparemment… (Mais il est tellement dans les terres que ça ressemble fort à un lac.)

IMG_20150824_192922Le Poui est tombé amoureux des tables et ne veut plus partir. Il faudra que je lui offre un set de peinture en rentrant.

redimIMG_20150824_193008L’endroit est classe et assez bucolique, le soleil commence à se coucher, j’ai l’impression de me balader dans un décor de contes de fées.

Pendant notre repas et notre balade, E. me parle un peu d’elle : elle bosse dans la marine anglaise, elle est typiquement matheuse. Elle a une soeur jumelle, A., qui a le même profil artistique que moi. Quand je retourne mon sac (qui n’a rien à envier à celui de Mary Poppins vu la quantité d’âneries qu’il y a dedans) sur la table pour retrouver la carte bleue que j’ai égarée, avant de m’apercevoir qu’en fait elle était dans ma poche, elle éclate de rire : « Mais c’est pas vrai ! Vous êtes vraiment les mêmes ! »

Moi qui ai eu l’impression d’être terriblement sage pendant tout mon séjour en Suède comparé aux gens hauts en couleurs que j’ai pu rencontrer, j’ai presque l’air d’une hippie à côté d’elle. Pour autant, notre conversation est agréable et nos points de vue se rejoignent parfois malgré quelques convictions franchement opposées. C’est chouette d’avoir une perspective nouvelle sur certains points, et les paysages que nous parcourons ne gâchent rien.

IMG_20150824_193711Le quartier de Töölö semble très sportif. Les routes sont peuplés de gens qui marchent et courent, et s’arrêtent parfois pour de l’athlétisme.

IMG_20150824_194123Un petit tour à la plage. La meeeer !

IMG_20150824_194339 Ces jeux pour enfants, près d’un institut technologique, me donnent envie d’avoir cinq ans à nouveau.

IMG_20150824_195926 Un petit port à côté des rails.

IMG_20150824_195412 Les fameux rails qui mènent vers le centre ville.

Nous finissons notre tour puis rentrons : je reste un temps dans la salle commune du Stadion Hostel pour profiter de la connexion internet et commencer à voir ce que je pourrai faire demain, puis je vais écrire quelques cartes dans la salle commune du dortoir, plus confortable. Enfin, je retrouve mon lit : j’occupe le lit du bas et cette nuit, il n’y a personne qui dort sur ma tête, je devrais être assez tranquille. Demain, le centre m’attend. En attendant mes oreilles ne sont toujours pas débouchées…

IMG_20150824_215309Le mot de la fin du jour, la Finlande typique : Perkele, qu’on traduira poliment par un « Fichtre !« 

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