Salut toi,
Ça fait un bail qu’on ne s’est pas parlé à cœur ouvert toutes les deux.? Je suis désolée de t’avoir étouffée tout ce temps. Je sais que c’est pas très sympa. Je ne faisais pas très attention à toi, je ne me rendais pas compte de ce que je faisais… Je le sens maintenant.
J’ai bien compris les coups que tu me mettais dans le poitrail, je les ressens très fort tu sais, ne t’en fais pas pour ça.
Mais j’aimerais bien que tu y mettes du tien aussi. Parce que tes coups dans le poitrail, là, certes, ça me donne une bonne indication que t’as envie de sortir, mais souvent tu me dis pas trop comment. Alors OK, je suppose qu’en tant que porteuse, c’est à moi de te donner les armes. Mais quand même. Tu m’étrangles un peu, là. Ce n’est pas en me faisant pleurer que je réussirai à te libérer, tu sais ?
Bon, je comprends, ta place n’est pas simple non plus. Tu es là-dedans, promesse de bonnes choses. Et moi je t’anesthésie à coup de normalité, à coup de médicaments, à coup de rationalisation à outrance. Je ne devrais sans doute pas. Si tu savais à quel point je donnerais tout pour pouvoir, quelques temps, te suivre à l’aveuglette, courir à tes côtés, te laisser t’exprimer totalement. Le problème c’est que je n’ai pas ce « tout ». Je n’ai rien d’autre à donner que toi.
Et j’espère qu’on est bien claires, toutes les deux, sur le fait qu’il est hors de question que je te donne, que je t’abandonne à jamais.
Alors je ne peux que batailler au quotidien pour atteindre ce but sans « tout donner ».
Je fais vraiment ce que je peux, tu sais ? Et ça me fait très mal de te voir enfermée. Je me sens porteuse indigne de ces élans que tu m’offres. Je me sens minuscule et ridicule, incapable de te suivre.
Il y a tant de choses qu’il faudrait que je te dise, mais pour ça, il faudrait que je réussisse à instaurer un dialogue, pas une bête lettre.
Je ne sais t’écouter que quand je dors. Ou quand je pleure. Et quand moi j’essaie de te parler, je n’ai pas l’énergie pour soutenir la conversation… ou alors tu boudes, tu ne me réponds pas, tu es ailleurs.
On se parle dans le vide, toutes les deux. Ou dans le Vide, plutôt. Celui qui résonne encore souvent dans mon poitrail, lui aussi.
Tu plantes tant de mots, de souffles et de couleurs en moi, toujours, et me voilà incapable de mobiliser l’énergie nécessaire à les faire sortir. Alors ça bouillonne jusqu’à l’explosion. On n’aime ça ni toi, ni moi. Il y a ce cycle, mauvais, permanent. Tu grattouilles un peu, j’ignore. Tu toques à la porte, je barricade. Alors tu remues et secoues tout, et ça me met l’intérieur à l’envers, et je pleure. Pour peu que ça ne suffise pas, je me tétanise ou je me mets à trembler, à hurler parfois, et je frappe et griffe pour te faire taire.
Quoi que tu tentes tu ne peux jamais sortir. Je suis tellement désolée.
Dans mes rêves, nous marchons main dans la main. Toi tu guides, moi je suis, et l’équilibre est parfait.? Les couleurs s’expriment enfin et mon cœur bat pour de vrai. Mais je finis toujours par me réveiller.
Si seulement la Bête n’était pas entre nous !
Pardon, l’inspiration. Je sais que tu es là. Tu me tiens chaud souvent, tu te rappelles à moi en explosions de couleurs brûlantes. J’essaie de te laisser sortir mais mes souffles sont comme vide.
Un jour, je te le jure, je le trouverai, cet équilibre. Pour l’instant je suis encore comme une enfant, qui apprend à vivre avec. Une enfant à qui la Bête donne trop de responsabilités. Une enfant qui porte aussi ta responsabilité. Une enfant qui encore trop souvent tient son stylo à l’envers.
Pardon, l’inspiration. Il va me falloir encore un peu de temps, mais je te jure qu’on va y arriver.
Je te propose un deal : tu ne t’essouffles pas ; et moi, pendant ce temps, je détruis juste tout ce qu’on a pu construire sur moi. Laisse moi juste rassembler mes forces pour savoir partir.
Tu m’inspires mais je dois encore apprendre à expirer.