En tournée, réalisation d’un rêve – 2 : Ecosse, mon amour

Jeudi 12 janvier 2017

GLASGOW

En théorie, j’étais censée partir ce matin pour Edimbourg ; en pratique, rien ne m’attend à Edimbourg, mon hôte de couchsurfing ne me semble pas fiable et je n’ai pas de plans là-bas (hormis me perdre pour le plaisir), alors que M.et moi avons trouvé tout un programme à faire à Glasgow pour la journée. Le choix est vite fait : je vais check-out de mon auberge, et passer une journée de plus à Glasgow. Tant pis, je resterai moins de 24 heures à Edimbourg.

Je suis réveillée par la femme de ménage, encore un peu dans le cirage après le concert d’hier. Dans un gros accent écossais, elle me demande si j’ai regardé dehors. Il faut que je lui fasse répéter trois fois avant de comprendre…

…il a neigéééééé !

J’ai rendez-vous avec M. vers 13h, je m’autorise donc à traîner jusqu’à 11h, heure limite du check-out, avant de quitter l’auberge. Je lis un peu, écris un peu, relis mon DailyShort de la veille (mais il n’a vraiment aucun sens ?!), et en profite pour faire mon sac avant de dire au revoir à la chambre.

Une chambre à l’image de Glasgow toute entière : kitsch, cosy, et en bazar !

Un fois prête, je prends mes bagages et me mets en route pour ma visite de Glasgow du jour. C’est en notifiant M. de mon départ de l’auberge que je réalise mon erreur. Jamais deux sans trois : j’ai une heure d’avance. Cette fois-ci c’est assez, je change l’heure de ma montre. Je me disais que je n’en aurais pas besoin pour cinq jours au Royaume-Uni mais c’était visiblement une erreur.

J’ai donc une heure de plus à tuer avant de retrouver M. et j’en profite pour flâner allégrement dans la très belle nécropole de Glasgow, qui me rappelle un peu le cimetière du Père Lachaise à Paris.

Nécropole sous la neige…

…mais sous le ciel bleu.

J’ai une fascination pour les cimetières, mais tout particulièrement pour les cimetières écossais. Il y a cette aspect fouillis, jardin sauvage, lieu chargé d’histoire qui me transporte.

 

C’est peut être cliché, mais loin de trouver ça macabre, je trouve ça très romantique finalement. Tant d’histoires à raconter.

Musique dans les oreilles, je m’autorise à me balader entre les tombes en silence, à me recueillir pour des gens que je ne connais pas mais dont, à partir des dates et des citations inscrites sur les pierres, j’imagine la vie. Il y a beaucoup de tragédies, de gens morts trop jeunes, de noms aux sonorités poétiques qu’on aimerait voir revivre. Je retrouve une Euphemia, qui doit être un de mes prénoms préférés depuis que je l’ai découvert dans un cimetière d’Edimbourg, et je me rappelle que cela fait depuis février 2015 que je dois écrire la vie de Euphemia. C’est un défi que nous nous étions imposé avec Rain lors de mon premier voyage en Ecosse. Lui avait déjà fait sa version des choses avec Euphemia Winter. Moi, j’ai laissé traîné. Alors dans ma tête, maintenant, je pense à ma version de l’histoire de Euphemia. Une musique toute mélancolique dans les oreilles, perdue au milieu des histoires des centaines de gens enterrés ici, je me surprends à me mettre à pleurer. Je ne sais pas ce que j’évacue, mais je me laisse aller et ça me fait du bien. Je me sens légère en ressortant de la nécropole et je prends le temps de m’asseoir sur un muret pour écrire mon DailyShort du jour, qui racontera donc enfin l’histoire de Euphemia Brown.

There was something about Euphemia Brown. People would talk to her. They would tell her everything. She wasn't even a therapist. But with her gift, she quickly ended up becoming a Soul Translator. People would come and speak, and she'd listen and remember. And then, later on, she'd translate the story to words. For those who spoke, or their relatives, or for the world. Euphemia Brown was one of the most talented Soul Translators ever known. Sometimes other members of the Translation Guild had problems, as relatives were angry at the stories shared. It never happened to Euphemia. Her stories spoke the truth of the human soul and emotions, as hard as it could be. Euphemia had many disciples, and I was one of them. We would follow her, and she'd explain the tricks. The words. What to listen for. And most of all, what to keep in mind and heart while doing the job. "People are stories and they entrust you with listening and telling them. Don't be skeptical, don't be judgemental. Just be attentive. Every detail count in their mind, especially those they don't say. Go further than the mere words first, and then translate everything back to words again." We would try. None of us was as good as her. Slowly we understood that Euphemia was gifted. And it wasn't only the living she could translate so well. I remember the first time Euphemia brought me along. "This is one of my special orders", she had said. "You may learn from it too." I had followed her to a small graveyard. We had walked among the graves until she stopped before one. There she hit the ground with one foot, and remained totally still, watching the name on the stone as if carving the letters in her mind. She was listening the same way she'd listen to the living. I remained behind, not sure what to do. I couldn't hear anything. After that, we went home, and she told the story of the person under the grave. The order came from her grandson. There were so many things to learn, things to say. I tried to learn from her. There were a lot of trips, in the countryside, in the graveyards, in huge cities, in abandoned mansions… The living, the dead, everyone had stories to tell. [CONTINUED IN COMMENTS]

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Je vous laisse cliquer sur les commentaires si vous voulez le lire en entier !

Une fois mon texte complété, j’ai les doigts un peu trop gelés à mon goût et je vais me réchauffer en visitant la cathédrale de St Mungo, fondateur de la ville de Glasgow si j’ai bien compris.

Elle est aussi majestueusement gothique de l’intérieur que de l’extérieur.

J’ai une fascination toute particulière pour son incroyable charpente. Du bois, du bois, du bois, qu’est-ce que c’est beau…

Je profite d’une exposition temporaire pour en apprendre plus sur la place de la cathédrale dans la société glaswégienne du Moyen-Âge à nos jours, puis il est l’heure pour moi de me mettre en route pour retrouver M.

Nous allons visiter l’université de Glasgow, cette fois-ci de jour.

Et sous la neige !

Je suis conquise.

Décidément, j’ai vraiment l’impression d’être à Poudlard. J’apprécie la balade dans les couloirs, dans les jardins…et dans la boutique de l’université où je finis par craquer pour le pin’s du blason, et un autre pin’s qui croise les drapeaux écossais et suédois. On ne se refait pas !

Après ce voyage dans le monde magique, nous nous rendons à Kelvingrove pour voir l’expo Mucha qui m’a farouchement fait de l’oeil hier (et m’a fortement incitée à rester un jour de plus à Glasgow, j’avoue). C’est très émouvant pour moi de voir toutes ces affiches rassemblées, avec certains crayonnés de Mucha. Je découvre également le parallèle avec Charles Mackintosh, égérie de Glasgow que je ne connaissais pas mais qui est clairement dans le mouvement Art Nouveau. Je tombe amoureuse de ces traits élancés.

Un Mackintosh encadré de deux Mucha. L’inspiration ne fait aucun doute.

Comme dit plus haut, ça me rend toute chose de pouvoir observer les crayonnés de Mucha.

M. m’immortalise en mode « Paint me like one of your Mucha girls »

Une fois l’exposition terminée, nous visitons le reste de Kelvingrove. Le bâtiment est majestueux, les choix d’objets exposés sont… pour le moins incongrus.

Plein de têtes flottantes dans cet immense hall (qui avait également un somptueux orgue)

UN DODO. Il y avait aussi un ptérodactyle mais j’ai perdu la photo.

Cabinet des curiosités, art moderne, histoire naturelle, tout se mélange mais l’ensemble est plutôt amusant, même si on s’y perd un peu. Ce musée est à l’image de la réputation de la ville de Glasgow : complètement barjo !

Lorsque nous ressortons, il est environ 17h et il nous reste un peu de temps pour bourlinguer dans la ville. Je découvre encore des nouvelles choses.

Il est intéressant de noter qu’en Ecosse, de nombreuses églises ont été « recyclées » : salle de spectacle, musée, ici c’est un café. Je trouve l’idée plutôt bonne : cela permet de garder les lieux en bon état et vivants.Et c’est beaucoup moins hypocrite que toutes ces églises avec des magasins de souvenirs dedans !

« Glasgow, c’est la ville du shopping », m’avait prévenue M. J’aurais dû l’écouter. Après mon kilt violet, voilà que, devant la vitrine d’une friperie, je craque sur ces merveilleuses bottes…(heureusement pas à ma taille, mais on est quand même entrées dans le magasin…)

Mais nous entrons quand même dans la friperie et : CETTE ROBE. Elle fait d’ailleurs l’unanimité chez le hivemind Twitterien, alors je ne résiste pas très longtemps.

Un exemple de l’humour glaswégien, qui n’a rien à envier à l’humour gothenbourgeois… Ni au mien ! Pas de doute, je suis dans mon élément dans cette ville. Il  y a eu plein d’autres démonstrations de jeux de mots foireux durant le séjour, j’étais ravie.

Une fois le shopping terminé (je suis faible), il est temps de nous rendre dans un autre restaurant qui semble faire la fierté glaswégienne : le Shish Mahal, restaurant de celui qui aurait inventé le poulet tikka massala (un plat, rappelons-le, garanti British et qu’on ne trouve pas en Inde).

Le restaurant est super classe : avec M., on ne sait pas trop où se mettre, et on ne comprend pas tout ce que disent les serveurs…

M. immortalise ce repas (g)astronomique. Confession : on n’a pas réussi à finir.

L’autre côté de la photo. Je fais peut être peur mais concentrez vous plutôt sur ce merveilleux GARLIC CHEESE NAN.

Bon, la vérité vraie c’est qu’on n’a pas obtenu exactement ce qu’on pensait manger. L’important, c’est qu’on ait pu goûter le fameux tikka massala (je ne regrette rien), et puis le garlic cheese nan à lui seul valait le coup de venir. On se demande un peu où on a mis les pieds quand même, tant le restaurant semble chic et huppé (« On est chez la mafia, c’est pas possible »). Finalement, les serveurs s’avèrent très aimables une fois le premier abord passé, ils nous demandent si nous sommes soeurs, d’où nous venons, ce que nous faisons à Glasgow et nous parlent un peu des plats. Nous discutons, mangeons, calons, prenons un doggy bag et finissons par décider d’un commun accord d’appeler ça un jour et de rentrer tranquillement. Direction chez M. pour ma dernière nuit à Glasgow.

Vous ai-je dit que M. était une personne de goût ? #TeamElephant

Le Poui approuve.

Nous passons le reste de la soirée à papoter autour d’un thé, puis vient l’heure pour moi d’écrire un peu avant de dormir. Je ne prends que trois notes et demie sur le voyage avant de sombrer. Cette fois-ci, pas de cartes postales : juste des DailyShort, des DailyThought, c’est déjà un rythme pas évident à suivre…
Demain : direction Edimbourg, une des villes qui ont ravi mon coeur, même si je dois reconnaître que Glasgow m’a fait beaucoup d’effet.

Vendredi 13 janvier 2017

Réveil matinal, un peu douloureux. Hier soir, j’ai pris un billet Megabus pour Edimbourg tôt ce matin pour pouvoir profiter un peu de la ville, quand même, avant de prendre mon bus de nuit à 22h et quelques. Ca paraissait une idée raisonnable sur le coup, mais beaucoup moins quand l’alarme a sonné. Je n’aurais pas été contre farnienter un peu plus après tout le crapahutage des derniers jours.
Tant pis, je me reposerai quand je serai morte, pour le moment l’aventure m’attend. M. et moi admirons le lever du soleil pendant qu’elle m’accompagne à la gare.

Bye bye, Glasgow!

Après un dernier au revoir, je grimpe dans le Megabus et en route pour Edimbourg ! Sur la route, je découvre non sans amusement l’existence d’une compagnie de livraison qui me plait beaucoup.

« Yo-de-le-heeee-voici-votre-coliiiiis-hoooooo »

Le voyage se passe sans encombres et, soyons honnêtes, je comate un peu en regardant le paysage défiler. C’est en entendant les deux filles à côté de moi s’extasier que je réalise que nous arrivons à Edimbourg. « It truly is the most beautiful city in the world! », s’exclame l’une d’elle.

Difficile de lui donner tort. Avec son château, ses montagnes, ses vieilles pierres, Edimbourg est majestueuse sous le ciel bleu.

On a vu pire accueil.

Je suis toute émoustillée de revenir dans cette ville que j’ai tant aimé il y a deux ans…

EDIMBOURG

A la descente du bus, je file à l’office du tourisme récupérer une carte de la ville, et en sortant, je suis accueillie par le cliché écossais : un cornemusiste au pied du monument à Sir Walter Scott.

Le fameux monument. On ne voit pas le cornemusiste sur la photo je crois…

Je me perds avec plaisir dans les rues d’Edimbourg, retrouve avec joie le charme de cette ville et plein de souvenirs reviennent. Je sais pourquoi je l’adore…Surtout vu le temps qu’il fait. Le Poui et moi décidons de grimper jusqu’au château et à la rue-des-touristes, et je m’aperçois avec joie qu’en fait, je n’avais pas forcément besoin de passer chercher une carte : je m’y retrouve très bien dans le centre rien qu’avec mes souvenirs. Petite fierté.

Château d’Edimbourg sous temps radieux.

Le Poui retrouve sa terre natale avec émotion.

Vu sur la route : « Salon de Tea ». Le Poui et moi saluons le mélange de nos deux cultures

Une fois en haut, le Poui et moi évaluons nos possibilités. Il est déjà presque 12h, nous repartons à 22h30. Sachant que j’aimerais visiter le Museum of Scotland, il ne reste pas assez de temps pour grimper Arthur’s Seat, et puis avec mes bagages, je ne suis pas très motivée (même si je voyage assez léger). Voilà, j’ai une excuse pour revenir. Je dois encore escalader Arthur’s Seat.

Le Poui me souffle à l’oreille que lors de ma dernière venue à Edimbourg, j’avais été très intéressée par un musée nommé « Camera Obscura and World of Illusions », dont la devanture affichait une armée de miroirs déformants et la promesse de moult illusions d’optique à l’intérieur. Etant fan de ce genre de choses, j’opte pour me laisser tenter cette fois-ci.
Le musée tient ses promesses : il s’agit d’une grande exposition d’illusions, effets électriques, miroirs, jeux sonores, peintures et modèles incongrus et installations étranges. Je m’éclate à me perdre dans ses nombreux étages, et arrive en haut pour le spectacle de la Camera Obscura.

A défaut de la vue depuis Arthur’s Seat, la vue depuis le haut de la Camera Obscura ne manque pas de panache.

La camera obscura, chambre obscure donc, c’est une salle sombre, avec un cercle de bois clair en son centre. La lumière entre en filet par le toit, reflétée par un miroir, et vient tomber sur le cercle clair en reflétant les images de l’extérieur. Je ne vous fais pas les explications physiques, Wikipedia s’en chargera mieux que moi, mais c’est un spectacle assez fascinant, surtout quand on considère que rien dans cette salle n’a été changé depuis deux cents ans au moins. Le guide nous fait une visite des vues d’Edimbourg (« Et là, vous avez la chance de pouvoir observer un phénomène rare dans le ciel écossais… le SOLEIL ! »), orientant le miroir à sa guise, nous montrant des petits détails, jouant avec les images qu’il nous montre. Une démonstration à la fois passionnante et amusante. Rien que pour ça, je ne regrette pas mon billet d’entrée. Mais les autres pièces ne manquent pas non plus de source d’amusement pour une grande gamine comme moi…

Le miroir bombé, aka « jenaipascompriscommentçamarche », featuring mes ongles stupides.

La salle des jeux électriques permet de faire plein d’éclairs et d’effets chouettes sur les photos !

Le tunnel de led infinies est du plus bel effet.

Dans la salle des tableaux : saurez-vous trouver le tigre caché dans cette image ?

J’aime beaucoup trop jouer avec des miroirs.

J’aime BEAUCOUP TROP jouer avec des miroirs. J’ai fait le labyrinthe deux fois, juste pour le plaisir de me perdre. Oui, je me suis pris deux murs au passage.

A mon sens la meilleure attraction : le vortex. On est loin du vortex de Sam and Max, mais j’ai littéralement passé la moitié de mon temps de visite dedans. Un simple couloir dont les murs, mis en valeur par la lumière noire, tournent, donnant l’impression que le pont sur lequel on traverse tangue. A force de rester dedans, j’ai réussi à me rendre malade pour les trois heures qui ont suivi. Je ne regrette rien.

L’escalier musical pour sortir du musée. Une marche une note. J’ai joué dessus dix bonnes minutes et ai failli me rétamer plusieurs fois, surtout en sortant juste du Vortex.

Cette vidéo est une bonne présentation du musée en général. On voit particulièrement bien le Vortex à la fin.

Je repasse deux plombes dans la boutique de souvenirs, comme la dernière fois où j’étais venue où, sans avoir été dans le musée, j’avais essayé tout ce qu’il y avait dans les rayons. C’est plein d’objets farfelus, drôles, de livres intéressants. Je finis par repartir avec le souvenir que je juge le plus digne de moi.

« De plus en plus pire, s’exclama Alice ! »

L’après midi est bien entamé quand je ressors du musée, mais je suis loin d’être au bout de mes émotions. Edimbourg me réserve plein d’autres surprises…

Comme par exemple ce panier de pouis dans la rue touristique. J’en suis toute émue. Le Poui fait une drôle de tête.

…En effet, si je n’ai pas eu la chance de rencontrer beaucoup d’autochtones à Edimbourg, je n’en fais pas moins une rencontre bouleversante au détour de la rue. En effet, deux femmes sont en train de faire une démonstration avec des rapaces à l’air extrêmement digne, puis proposent aux gens dans la rue de les porter un moment. Une chouette et un grand duc nous toisent ainsi, et quand je m’approche et vient mon tour, je me retrouve avec un majestueux grand duc sur le bras. Elle s’appelle Gwynelia, elle a trois ans, elle est incroyablement douce et sage, et elle a un regard bouleversant. Je l’observe, elle m’observe, nous échangeons un peu toutes les deux. Je ne veux plus la poser, mais elle pèse quand même son poids, au bout de mon bras, et vient le moment de la redonner à sa dresseuse.

Non sans avoir immortalisé le moment.

Bon, les coulisses sont moins fameuses. On ne peut pas avoir toujours l’air intelligent.

Je parraine Gwynelia à hauteur de cinq livres et m’éloigne, toute sonnée de cette rencontre. Il me faut un moment pour me recomposer, avant que je ne recommence à me perdre dans les rues d’Edimbourg pour me rendre cette fois-ci au Museum of Scotland.

Le Museum of Scotland (gratuit, celui-ci) est un musée d’histoire naturelle plutôt riche et bien fichu dans lequel, soyons honnêtes, je me perds copieusement. Tout y est bien décrit et passionnant, la muséographie est bien pensée, c’est un plaisir (même si ça manque un peu de sens de la visite, ou alors je ne l’ai pas trouvé…) Il retrace toute l’histoire de l’Ecosse, avec des points de vue parfois différents de ceux que j’ai pu étudier, et présente quelques pièces un peu incongrues…

Je vous mentirais si je vous disais que voir Dolly, la fameuse première brebis clonée, ne m’a rien fait.

Après des heures à passer d’étage en étage, je finis par me faire mettre dehors par le conservateur lui-même (en tout cas c’est ce que son badge semblait indiquer) : l’après-midi est déjà terminé, il est 19h, grand temps de sortir du musée et d’aller manger !

Je jette mon dévolu sur The Last Drop, un pub du Grassmarket, qui doit son nom au dernier pendu de la place où il se trouve, et est décoré d’une collection de noeuds coulants. Ambiance… L’atmosphère y est pourtant plutôt chaleureuse, et je ne vois pas de trace de la petite fille censée hanter les lieux. Tant pis, une autre fois…

En revanche, le Poui et moi y mangeons bien : mac&cheese et garlic bread…

…et un awesome toffee brownie en dessert !

Pendant mon repas, on me laisse tranquillement préparer la suite de ma soirée : je réserve une visite guidée payante, le Ghost Tour, qui a une répétition du tonnerre et m’a déjà fait de l’oeil la dernière fois que je suis venue. Si je m’écoutais, je ferais l’intégralité des visites guidées d’Edimbourg, mais il faut faire des choix. J’en ai une autre potentiellement prévue à 20h, gratuite celle-ci, mais alors que je sors du pub, je suis tellement heureuse et repue que j’en perds mes repères et me perds cette fois-ci pour de bon dans les rues d’Edimbourg. Je fais des tours et des détours, ne retrouve plus la rue principale de la vieille ville, et finis par atterrir avec dix minutes de retard au point de rendez vous. Je vois une visite au loin et la rattrape en espérant que ce soit la bonne –pas de chance, c’est une autre visite payante. Oh, bon. Tant pis. Voilà que j’ai une heure à tuer avant mon tour payant.

Je fais contre mauvaise figure bon coeur et vais donner une partie du liquide qui me reste à un musicien de rue qui enchaîne les tubes, jusqu’à ce que sa petite amie le rejoigne et que je me retrouve seule. J’en profite pour aller jeter un oeil à l’église qui fait la fierté des Ecossais, celle avec un ange qui joue de la cornemuse… mais l’entrée est payante. Enfer.

Je me trouve donc un petit coin calme et, malgré le froid, profite de cette dernière demie-heure pour écrire et poster mon DailyShort du jour.

"How is it going?" "Look for yourself." The sight was mesmerizing. The dots of colours were dancing before their eyes, extending so far away that they couldn't see the end. Each dot a planet, each dot a life. This was a whole universe in creation before their eyes. "Are we really going to control this all?" "Who said we would? No one ever took control of a whole universe and we won't be the first. We merely uncovered it." The machine had been going on for decades, and to public audience, it was said that they would be "masters of a new world." "This is just a silly saying, so people would fund us. We won't be masters of anything. We're already losing grasp on it. Look at it expand. Look at the dots multiplying. Look at the colours. We don't understand anything." "But you did push the button." "The button was a fake one. I told you, we only uncovered it all. We just needed money to look further. We are no gods, merely curious observers. But people don't like only observing, they want to control. We do our best to go on with the researches." "What's the point then?" Thoughtful silence. "Observe and learn. Maybe this universe won't make the same mistakes as us. Maybe we can understand ours better. You can never know." "So we're looking at a new universe because we never managed to make sense of ours?" A deep sigh. "I guess we never learn from our mistakes. But to answer your very first question, everything is going well. The boxed Universe is a full success. Soon we'll be able to publically break monumental news. Now you can go and answer the journalists outside." #DailyShort #ShortStory #Story #Stars #Star #Light #Lights #Space #Galaxy #Dot #Dots #Mirror #CameraObscura #Edinburgh

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Enfin, l’heure arrive et je me rends au point de départ de ma visite guidée. Notre guide, Jerry, est un cliché écossais à l’accent qui transperce mon coeur. Pendant une heure trente de pur bonheur, il nous montre les coins et recoins de la ville, nous fait découvrir les sombres souterrains de Glasgow, nous démontre par A+B pourquoi l’être humain a peur du noir, nous fait rire, frissonner, trash-talke Glasgow (ça a l’air d’être un sport entre ces deux villes). Avec mes mauvaises oreilles, je m’efforce toujours de rester près de lui pour pouvoir au moins lire sur ses lèvres ce que je ne comprendrais pas quand il parle. Bougies, fantômes, morts mystérieuses, tout y est. Je vais rêver de fantômes cette nuit.
Enfin, nous arrivons au Greyfriars Kirkyard, le cimetière où se trouveraient notamment la tombe de Tom Riddle ainsi que celle du mari de Minerva McGonnagall, mais aussi et surtout le lieu de résidence d’un des pires esprits frappeurs connus à ce jour. Notre guide nous avertit : il n’est pour rien dans quoi que ce soit qui pourrait nous arriver.

L’ambiance est parfaite.

Jerry nous parle de l’histoire de « Bloody » Mackenzie, l’esprit frappeur du cimetière, et nous fait visiter la zone fermée au public, celle où ont lieu la plupart des manifestations paranormales, et surtout l’endroit où près de 400 personnes sont restées enfermées au XVIIe siècle, car les prisons avaient trop peu de places. La visite est à la fois fascinante… et glaçante. Notre guide est excellent pour recréer l’ambiance, démystifier le mythe… et en recréer par dessus, de sorte qu’on ne distingue plus la vérité du fantasme. L’atmosphère est pesante. Soudain, alors que notre guide nous parle d’une tentative d’invocation qui aurait mal tourné, une silhouette sombre arrive au centre du cercle, hurle, et disparait brutalement. Nous hurlons.
Ce n’était qu’un acteur.
« On est obligés », nous explique Jerry. « Si on ne le fait pas, les gens se plaignent. Mais on a réellement de nombreuses personnes qui nous écrivent après la visite pour témoigner d’agressions paranormales. »

Jusqu’au bout, Jerry saura être fascinant, nous expliquant le fonctionnement de la commission qui prend ces témoignages très au sérieux, les répertorie, les documente… Les fantômes du cimetière du Greyfriar ont encore de belles nuits devant eux.

Je repars ravie de ma visite, plus fascinée par les fantômes que jamais, et avec plus de connaissances sur cette extraordinaire ville qu’est Edimbourg. Mais le séjour s’achève. Il est temps pour moi de rejoindre mon bus de nuis…

Sur le pont avant la gare. Bye-bye, Edimbourg…

Hélas, nous sommes vendredi 13, et j’ai un peu trop titillé les esprits en cette journée fatidique. Ou alors c’est peut-être juste ma poisse qui se réveille : toujours est-il que le bus ne démarre pas.
Nous patientons, une heure, une heure trente… Enfin, un nouveau bus arrive. Mais pas de couchettes cette fois-ci : il faudra voyager assis. Qu’à cela ne tienne, j’ai déjà fait pire. Je m’installe confortablement (le bus reste un Megabus Gold, service de luxe, on a même à manger pour le voyage !), et la tête toujours pleine d’histoire de fantômes, je chantonne Fear of the Dark.

Je finis par récupérer la chanson sur mon téléphone, et en écrivant un peu, je l’écoute toute la nuit. En route pour Londres.

 

 

 

Paris est une Bête.

[NB : ce texte, a tendance un peu automatique parfois, a été rédigé intégralement durant mes temps de transport en commun : ma manière à moi de me créer ma bulle et me protéger de l’environnement un peu hostile du milieu parisien.]

Deux fois que je m’éloigne de Paris. Deux fois que le retour me plonge dans une angoisse sans nom, alors que je suis encore à deux heures de l’arrivée fatidique.

Il y a quelque chose avec cette ville. Un ensemble de choses difficiles à cerner.

Paris est un cauchemar. Un monstre rugissant, agressif, qui porte atteinte à tous mes sens. Trop de choses à observer, à surveiller, trop de bruits à encaisser, trop d’odeurs à supporter. Trop de choses qui me sautent à la gorge dès lors que je descends d’un train, d’un bus. Il suffit de tendre le nez ou l’oreille pour que je sache que pas de doute, je suis à Paris.

Paris est une Belle pour beaucoup d’entre nous. Idole de tout un monde, fantasme pour beaucoup, synonyme de vie, de fête, de combats, de beauté. C’est beau d’entendre ses amoureux parler de Paris. Mais ça ne me réconcilie pas avec elle. J’ai beau lui reconnaître un charme, touristique, culturel, la vague grise de Paris me serre la gorge trop souvent.

Paris est une Bête. Elle joue avec la Bête en moi. J’ai l’impression que le gouffre sombre qui se creuse dans ma poitrine est un foyer que Paris, tel le soufflet du forgeron, passe son temps à attiser. Pas de répit pour les anxieux. Paris creuse le gouffre, dévore l’intérieur déjà pourri par la phobie sociale. Pas de possibilité de souffler. Le cœur bat toujours trop vite. Les sens sont tous aux aguets. Aucun repos possible. Chaque déplacement devient torture et source d’épuisement. Traverser la ville est pire qu’un voyage au bout du monde.
Paris n’est peut être pas responsable de l’angoisse première, mais elle ne l’arrange pas. Pour les hypersensibles, pas de refuge dans pareille ville. Chaque pas est une crise d’angoisse potentielle.

Paris est une Bête, mais grâce à elle, je prends conscience que certains environnements peuvent être plus sains que d’autres.
Il y a dans Paris tous ces mini-cauchemars permanents que je m’efforce de repousser, et je sais que Paris est une agression permanente de mes sens et de mes idéaux. Un entassement de personnes devient soudain « les gens », et « les gens » sont ceux qui font perdre foi en l’humanité. Sourds aux appels à l’aide, aveugles à la détresse pour ne pas être avalés, par défaut, parce que des barrières suffisamment solides ou simplement par habitude…
La souffrance devient scoop, sensationnelle. Perfide, elle s’immisce et entre dans les habitudes, les « on raconte » au détour d’un repas, image simple sortie de sa réalité qui nous toucherait beaucoup trop.
« Une femme criait dans le métro, personne ne savait quoi faire. Des gens filmaient. »
« Il y avait un homme qui voulait sauter. Tout le monde attendait de voir. Des gens filmaient. »
« Du sang par terre. Personne n’aidait. Des gens filmaient. »

Transposition. L’image en face devient image sur un écran, plus tout à fait réelle. Déresponsabilité.
Sauf que la transposition ne fonctionne pas pour tous. Il faut fermer les yeux sur l’hypocrisie d’une ville qui danse sur les corps des autres. Une seule solution pour tenir, l’anesthésie des sens. Méditation, médicaments.

Paris est un cauchemar qui dévore les humeurs des gens. Il les recrache la barre au front, sourcils baissés, les coins de la bouche bloqués dans un éternel sourire inversé. Si leurs yeux brillent c’est grâce à la lumière synthétique du métro et aux larmes qu’ils répriment au quotidien.

Pourtant certains parviennent toujours à sourire et même rire. Ceux pour qui Paris est une Belle. Comment font ces gens-là ? Peut-être qu’ils ne se posent même pas la question. Ou peut-être qu’ils ont, eux, apprivoisé la Bête.
Peut-être y a-t-il des moyens de passer de l’autre côté du cauchemar. Je n’en ai pas trouvé.

Jamais je ne considérerai la possibilité de mettre la moitié de mon salaire dans un lieu où je ne peux même pas faire la roue sans manger un mur comme une aubaine. N’en déplaise à monsieur l’agent immobilier. Jamais je ne considérerai le fait de ne pas avoir plus de deux centimètres d’espace vital (et encore) à chaque déplacement que je fais comme une chance. N’en déplaise aux fervents défendeurs d’une ville trop peuplée.
Jamais je n’estimerai juste que chaque affiche du métro me vende à prix d’or le meilleur moyen de mieux vivre dans dix mètres carrés. Ni de devoir me mentir à moi-même pour supporter la traversée d’une ville.
J’ai l’impression d’une ville fracturée sur laquelle on a posé un minuscule, ridicule pansement premier prix en disant « Voilà, ça va aller mieux. »
Ça va juste un peu piquer. Juste un peu et tout sera réparé, n’est-ce pas ? Mais je ne suis plus l’enfant à qui on soignait des bobos en soufflant dessus.

Je ne crache pas dans la soupe : Paris m’a donné ma chance, je lui laisse la sienne. Je ne décrierai pas sa richesse et son potentiel. Je ne nierai pas la beauté de certains de ses quartiers, la facilité d’avoir toute l’Europe et toute la culture à portée de pieds. Mais j’ai compris que Paris était de ces endroits qui blessent les gens comme moi. Trop d’informations, trop de violence psychologique, physique parfois. Cet environnement n’est pas le mien. J’essaie de le faire mien, tout petit pas par petit pas.

Mais je sais qu’à terme, je laisserai Paris à ceux qui en ont fait leur Belle. Dans mon cœur, Paris demeurera une Bête. Et si je cherche trop à m’intégrer à elle, elle me dévorera.