En pleine préparation du NaNoWriMo 2013, je prends tous les conseils qui passent. Certains, meilleurs que d’autres…
Au détour d’un énième recoin de l’Internet, j’ai pu découvrir quelques fort bons conseils de Chuck Palahniuk qu’on oublie trop facilement, concernant les « verbes de pensée ».
(Surtout moi et mes hélas trop célèbres envolées lyriques qui empêchent un peu tout bon déroulement d’une histoire. Mais cette année est la bonne : je suis motivée, absolument prête, je n’ai absolument pas le temps de me consacrer à l’écriture -ce qui ne devrait que me motiver encore plus à écrire, procrastination oblige- et comme d’habitude, je n’ai qu’une idée très vague de ce que sera mon NaNo, mais j’ai encore une semaine pour préparer !)
Mais comme il s’avère que moult connaissances miennes ont du mal avec la langue de Shakespeare, j’ai pris un moment pour faire une rapide traduction (que Mathieu et Tûtie ont gentiment corrigée, merci à eux !)
Je vous laisse donc sur ces mots de sagesse…
Dans six secondes, vous me haïrez.
Mais dans six mois, vous serez un meilleur écrivain.
A partir de cet instant précis et au moins pour les six mois à venir, vous ne devez plus utiliser les verbes « de pensée ». Parmi ceux-ci sont inclus : penser, savoir, comprendre, réaliser, croire, vouloir, se rappeler, imaginer, désirer, et encore un millier d’autres que vous adorez utiliser.
La liste devrait aussi inclure : aimer, et haïr.
Elle devrait égalemet inclure : être et avoir, mais nous y viendrons plus tard.
Dès maintenant et jusque dans six mois, vous n’avez plus le droit d’écrire « Kenny se demanda si l’idée qu’il sorte la nuit déplaisait à Monica… »
A la place, vous devrez développer cette idée, jusqu’à obtenir quelque chose de ce genre : « Les matins qui suivaient ces nuits où Kenny restait dehors, plus tard que le dernier bus, de sorte qu’il lui fallait jouer les autostoppeurs ou payer un taxi pour rentrer à la maison et trouver Monica qui faisait semblant de dormir, faisait semblant parce qu’elle n’était jamais aussi calme quand elle dormait, ces matins-là, elle mettait seulement sa tasse de café à elle dans le micro-ondes. Jamais la sienne, à lui. »
Plutôt que vos personnages sachent quoi que ce soit, vous devez maintenant présenter les détails qui permettent aux lecteurs d’en prendre connaissance. Plutôt qu’un personnage qui voudrait quelque chose, vous devez maintenant décrire les choses de sortes que les lecteurs le souhaitent aussi.
Au lieu de dire « Adam savait que Gwen l’aimait. »
Il vous faudra dire : « Entre les cours, Gwen était toujours appuyée sur son casier quand il allait l’ouvrir. Elle avait l’habitude de rouler les yeux et de pousser un pied en arrière, laissant une marque de semelle noire sur le métal peint, mais elle laissait aussi derrière elle l’odeur de son parfum. La chaleur de son corps restait sur le cadenas à combinaison. Et à la pause suivante, Gwen était à nouveau appuyée là. »
En bref, ne prenez plus de raccourcis. Que des détails sensoriels bien spécifiques : des actions, des odeurs, des goûts, des sons et des émotions.
Typiquement, les auteurs vont utiliser ce genre de verbes « de pensée » au début d’un paragraphe. (Sous cette forme, on peut les appeler des « déclarations de thèse », et je m’en prendrai à eux plus tard). D’une certaine manière, ils établissent l’intention du paragraphe. Et ce qui suit les illustre.
Par exemple :
« Brenda savait qu’elle ne parviendrait jamais à respecter l’échéance. Le bouchon partait du pont, et s’étendait sur environ huit ou neuf sorties. La batterie de son téléphone était à plat. A la maison, elle devrait sortir les chiens, ou il y aurait besoin d’un sacré nettoyage. En plus, elle avait promis d’arroser les plantes de son voisin… »
Vous voyez combien l’ouverture en « déclaration de thèse » diminue l’impact de tout ce qui suit ? Ne faites pas ça.
Si vous vous trouvez vraiment coincés, alors coupez la phrase d’ouverture, et mettez la après toutes les autres. Encore mieux, transplantez la et changez la en « Brenda ne parviendrait jamais à respecter l’échéance. »
La pensée est abstraite. Savoir et croire sont intangibles. Votre histoire sera toujours plus forte si vous montrez simplement les actions physiques et les détails de vos personnages en permettant ainsi à vos lecteurs de savoir et de croire. Et d’aimer et d’haïr.
Ne dites pas à votre lecteur : « Lisa détestait Tom. »
A la place, construisez votre argumentation comme un avocat face à une cour, détail par détail. Présentez chaque preuve. Par exemple :
« Pendant l’appel, lorsque le professeur prenait une inspiration juste après avoir dit le nom de Tom, à ce moment précis qui précédait sa réponse, juste alors, Lisa murmurait sans discrétion « cul-terreux » au moment même où Tom répondait « présent ». »
Une des erreurs les plus courantes que font les écrivains qui se lancent juste est de laisser leurs personnages seuls. Quand vous écrivez, vous pouvez être seuls. Quand ils lisent, vos lecteurs peuvent être seuls. Mais vos personnages se doivent de rester aussi peu de temps que possible seuls. Car un personnage solitaire commence à penser ou à s’inquiéter ou à se poser des questions.
Par exemple : « En attendant le bus, Mark commença à s’inquiéter de la durée du voyage… »
Une meilleure présentation serait certainement : « Les horaires disaient que le bus allait passer à midi, mais la montre de Mark affichait déjà 11h57. On pouvait voir la route s’étendre sur une longue distance, jusqu’au centre commercial, et pas un bus n’était en vue. Sans aucun doute, le conducteur était garé vers le virage, tout au bout de la ligne droite, et faisait une sieste. Le conducteur dormait comme un bébé, et Mark allait être en retard. Ou pire, le conducteur était en train de boire, et ce serait ivre qu’il reprendrait le volant, et il réclamerait soixante-quinze cents à Mark pour le conduire à sa mort dans un accident spectaculaire… »
Un personnage seul doit plonger soit dans divers fantasmes, soit dans ses souvenirs ; mais même dans ce cas, vous ne pouvez des verbes « de pensée » ou un de leur nombreux parents.
Oh, et vous pouvez également oublier les verbes se souvenir et oublier.
Plus de transition du genre : « Wanda se souvint de la manière dont Nelson lui brossait les cheveux. »
A la place : « Durant leur année de première, Nelson avait pris l’habitude de lui brosser les cheveux, les lissant d’une caresse de la main. »
Une fois de plus, développez. Ne prenez pas de raccourcis.
Encore mieux, faites en sorte que votre personnage se retrouve avec un autre personnage, rapidement. Mettez-les ensemble et lancez l’action. Laissez leurs actions et leurs mots montrer ce qu’ils pensent. Quant à vous – sortez de leurs têtes.
Et tant que vous y êtes à éviter les verbes « de pensée », soyez très prudents en utilisant les fades verbes que sont être et avoir.
Par exemple :
« Les yeux d’Ann sont bleus. »
« Ann a les yeux bleus. »
Contre :
« Ann toussa et passa une main vers son visage afin d’éloigner la fumée de cigarette de ses yeux, des yeux bleus, avant de sourire… »
Plutôt que d’employer des déclarations fades à base de « être » et « avoir », tentez de cacher les détails de ce que votre personnage a ou est dans ses actions et ses gestes.
Ce sont les règles de base qui permettent de montrer une histoire, plutôt que de la raconter.
Et à partir de là, lorsque vous saurez comment développer vos personnages, vous détesterez toujours les écrivains fainéants pour qui il suffit d’écrire « Jim s’assit à côté du téléphone en se demandant pourquoi Amanda n’avait pas appelé. »
Je vous en prie. Pour le moment, détestez-moi autant que vous le voudrez, mais n’utilisez plus de verbes de pensée. Dans six mois, vous pourrez vous lâcher… mais je vous parie ce que vous voulez que vous ne le ferez pas.