Je n’aime pas la guitare. Vous le savez, non ?
Il me semble être une de ces personnes qui revendique sa haine nette pour cet instrument du diable. Je veux dire, ça dégouline, la guitare, et les guitaristes aussi d’ailleurs. Ça m’énerve. C’est omniprésent, envahissant.
« Mais Lia, t’es pas fan de metal ? »
Oui, je sais. Je n’aime pas la guitare, mais j’aime le metal. Et puis le blues, le jazz, le flamenco… J’aime la musique avec de la guitare dedans, en fait. On s’y fait. Suffisamment pour qu’aujourd’hui, j’aie envie de vous parler d’un groupe avec non pas UNE… mais DEUX guitares.
Gasp.
On va aller faire un petit tour en Suède, parce que vous l’avez compris à force, j’aime bien ce pays. On part du côté de Göteborg, deuxième plus grande ville de Suède (543 000 habitants… les grandes villes de Suède) ; une bourgade un peu industrielle du sud ouest, au bord de la mer, réputée pour son dynamisme et ses jeux de mots de merde. (Ce sont réellement les deux choses qui sortent en premier quand on parle de Göteborg à un Suédois. Je sais pas vous mais personnellement, ça me fascine et me donne très envie de faire mes valises et de sauter dans le premier avion. Je ne suis sans doute pas très objective.)
Ville jeune et qui bouge oblige, Göteborg est le berceau de nombreux groupes de metal. Parmi ceux qui sont arrivés jusqu’à nous, on compte par exemple In Flames, Hammerfall, Evergrey ou Dark Tranquillity.
Et puis il y a Mark Zero (qui trichent un peu : ils sont, à la base, de Falun, alors ils sont encore plus chers à mon cœur).
Mark Zero se présentent eux-mêmes comme un groupe de « heavy rock mélodique, dans un paysage musical sombre, avec beaucoup d’agonie et d’anxiété, des mélodies soutenues et des paroles qui ont du sens, et des guitares franchement désaccordées. »‘
Dit comme ça, on s’attend un peu à du pesant, du violent, limite glauque.
Spoiler alert : pas du tout. (Enfin pas trop.)
Mark Zero, je les ai découverts franchement par hasard à Falun, en 2015, à l’occasion du Sabaton Open Air. A l’époque c’était « le groupe de musique du pote de mon hôte de couchsurfing » (ça a l’air très compliqué mais en vrai, non. Disons que ce sont des amis d’amis, donc par extension des amis potentiels quoi).
J’avais vu leur set de très loin, juste assez pour m’être fait la réflexion que « Ah tiens, là j’aime bien ce que j’entends ».
Après coup, j’étais allée chercher un peu plus loin (en partie pour #LiaEnScandinavie, j’avoue), et m’étais aperçu qu’en fait, j’aimais bien tout ce que j’entendais. Mais voilà, c’était un groupe de passage…
…jusqu’à septembre dernier où ils ont annoncé la sortie de leur album. Avec le teasing associé, mon intérêt était piqué.
Il a suffi d’une vidéo pour me convaincre de précommander.
« I don’t ever wanna feel that way again »
(Ca y est, c’est reparti pour que je la chante toute la soirée.)
Bleed It Out, premier single de Ballistica, est à l’image de tout l’album, qui est enfin sorti lundi dernier et que j’ai écouté au moins trente fois depuis.
Ballistica, en trois mots : direct, hypercatchy et efficace.
Le genre de musique qu’on se retrouve à chantonner inconsciemment encore deux ou trois jours plus tard, en rebondissant un peu et en imaginant les pogos possibles. Quelque part, mes trajets sont moins pénibles depuis que j’ai du Mark Zero dans les oreilles. Je suis peut être bizarre, mais c’est presque de la Feel Good music, pour moi : tout l’album a un bon petit goût de nostalgie. Chacune de leurs chansons est une nouvelle madeleine de Proust à sa manière. Ils prennent tous les éléments qui ont constitué mon adolescence et les jettent dans leur paysage sonore.
Je retrouve du metal industriel, je retrouve les sonorités de heavy/numetal qui m’ont fait à 13 ans basculer du côté saturé de la force, je retrouve une évolution que j’ai moi-même vécue dans la musique. J’écoute allégrement cet album comme je pourrais sautiller sur un House of Wonders de Lovelorn Dolls, un Minutes to Midnight de Linkin Park (on est d’accord, c’est pas leur meilleur, je sais, mais c’est à lui qu’il me fait penser, deal with it), ou quelques chansons en pagaille de Skillet qu’un de mes anciens élèves a eu le bon goût de me faire découvrir il y a des années de ça…
Bref, vous savez, ce genre de musique délicieusement régressive qu’on met pour conduire, ranger, se filer la pêche le matin, danser dans la rue ?
Musicalement, on ne sort pas des sentiers battus. Les grosses guitares posent avec la batterie et la basse des bases groovy et efficaces, la guitare lead chante allègrement (voire même miaule parfois, genre sur Bleed It Out, je trouve ça flagrant), certains morceaux sont agrémentés de guitare claire, d’électro, de violon, de piano… et, bonne surprise, de cloches. (Je crois que j’ai entendu une clarinette à un moment aussi, mais je ne m’avancerai pas trop. Il me manque juste un banjo pour être heureuse mais, hé, à la perfection nul n’est tenu).
D’un point de vue prod, c’est plutôt propre, tout se mêle de manière bien équilibrée et la mayonnaise prend très bien. Une mayonnaise juste grasse ce qu’il faut, avec des refrains qui viennent se loger juste entre les deux oreilles pour tourner, tourner… et sautiller dans le métro, sourire aux lèvres, parce que les paroles chantées par une voix plutôt versatile et bien maîtrisée (chant clair, scream et gros greuh sont alternés efficacement dans une articulation hyper agréable) ont une portée étonnamment cathartique. On y parle principalement de l’émancipation de diverses emprises (un sujet particulièrement d’actualité pour moi), dans des mots simples, des situations claires et parfois facilement reconnaissables. Alors certes, on ne réinvente pas la langue anglaise, mais ce n’est pas grave : c’est d’autant plus simple à chanter en chœur. Et puis il y a quand même des bouts de suédois qui traînent…
L’album n’est pas tout à fait homogène en termes de genres, et ce n’est pas plus mal : il y en a vraiment pour tous les goûts. On alterne le heavy des premiers morceaux (Bleed It Out ou One Against The World, ma préférée de l’album) avec des ballades plus ou moins gnan-gnan (disons ce qui est) telles que All That I Loved Was The Enemy, Not Gonna Die (pour laquelle, j’avoue, j’ai un petit faible) ou This Is Your Life. De temps en temps, on retrouve des sonorités très old school, comme dans My Polluted Mind ou Alive (cette dernière a par ailleurs ma faveur au niveau des paroles).
Avec tous les genres des chansons, vous aurez compris que j’ai du mal à en isoler une en particulier… Mais au milieu de tout ça, Megamösh se pose en ovni par rapport aux autres. C’est pour moi LA perle à retenir de l’album, un hymne à la folie où le chanteur se surpasse en termes de flow. C’est agressif, c’est barjo, je vous parlais d’effet cathartique tout à l’heure : c’est sans doute sur ce morceau qu’il est le plus présent.
En termes d’ambiance, Mark Zero ne ment pas dans sa description première : c’est sombre, c’est lourd, c’est parfois presqu’anxiogène (je pense notamment à This Is Your Life et son martèlement rythmique pesant). Et pourtant, ça embarque. Je danse sur certaines chansons, j’ai immensément envie d’écrire sur d’autres, et j’ai clairement l’impression même après plusieurs écoutes qu’il y a encore des choses à entendre.
Si je n’adhère pas à toutes les chansons, je dois néanmoins leur reconnaître une chose : il n’y en a pas à jeter. Pour un premier album, rien à redire : pari réussi. C’est une collection de voyages musicaux, et leur univers est déjà bien posé.
Comme Mark Zero est un groupe à la pointe, on peut trouver leur album Ballistica à peu près sur tous les supports possibles : sur Spotify, sur iTunes, sur Google Play, et –mon petit préféré– sur Bandcamp. Pour des nouvelles sur eux, c’est soit par Twitter, soit par Facebook.
Demain soir, Mark Zero font leur concert de « célébration de sortie d’album » à Falun, au chouette pub du King’s Arms. Il y a des chances que si vous êtes en train de lire cet article, vous soyez un peu loin du lieu. Pour ma part c’est évidemment loupé, mais je sais que je les verrai sans doute à Falun en août prochain, même si ça fait un peu loin.
En attendant de pouvoir vraiment les revoir en live, l’album tourne en boucle sur mon baladeur.
Bref : je n’aime pas la guitare, mais ça j’aime. Et peut-être que vous aussi ?